Une vie nouvelle


Prologue

La diligence roulait à vive allure depuis des heures et le seul paysage qu’elle offrait à ses passagers était désertique et monotone : terre aride, cailloux, rochers. Quelques rares arbres et cactus se succédaient inlassablement dans la petite lucarne que constituait la fenêtre du véhicule bringuebalant. Caitlyn se demandait quand ils allaient arriver. Depuis le début de la matinée, elle était assise assez inconfortablement tout près d’inconnus qui ne cessaient de la dévisager et d’essayer, sans grand succès, d’engager la conversation. Elle commençait à en avoir sérieusement assez d’être importunée de la sorte et finit par leur dire qu’elle avait mal à la tête et qu’elle désirait se reposer. Elle ferma les yeux et appuya sa tête contre la fenêtre.

Comble de malchance, il n’y avait aucune autre femme dans la diligence et tout naturellement, tous les regards s’étaient tournés vers elle lors de sa montée à Fort Laramie et ne l’avaient plus quittée. Oh bien sûr, elle avait eu droit à tous les égards, notamment lors du déjeuner pris à l’auberge de Rawlins, mais la présence d’hommes dans un lieu si restreint et clos la mettait très mal à l’aise ; et elle devait se l’avouer, elle avait peur. Terriblement peur ! Ils auraient très bien pu être à la solde de Jack.
Non, il ne fallait pas y penser. Elle était partie depuis maintenant un mois et elle n’avait encore croisé personne chargée de la ramener de force auprès de son mari.
D’ailleurs, pour brouiller les pistes à d’éventuels poursuivants, elle avait teint ses magnifiques cheveux roux en brun et cachait ses yeux verts derrière de petites lunettes rondes. Enfin, cacher, c’était vite dit, mais au moins les gens les apercevaient moins facilement.
Au grand soulagement de Caitlyn, la diligence ralentit et le cocher leur cria : "Rock Creek, arrêt de dix minutes !".

Il se faisait tard et la jeune fille se dit que le mieux était de s’arrêter ici, dans cette petite ville et pourquoi ne pas s’y installer si elle lui plaisait. Elle verrait bien ce que le destin lui réserverait…
Elle descendit de la diligence aidée par ses quatre compagnons de voyage, un peu déçus de devoir continuer le voyage sans elle. Elle ôta ses lunettes pour en essuyer la poussière et demanda au cocher d’avoir la gentillesse de lui donner sa malle et son sac. Celui-ci se hâta de descendre ses affaires tout en lui souriant largement, complètement subjugué par son regard profond et mystérieux. Elle le remercia d’un sourire, remit ses lunettes et se tourna pour contempler la ville qui étendait ses baraques de bois dans la lumière déclinante du soleil couchant. Caitlyn avait entendu parler de Rock Creek durant son long voyage, comme d’une ville très calme, sans aucun problème majeur, grâce au marshal qui y faisait régner la loi d’une main de maître.
D’ailleurs, le voilà qui traversait la rue principale, en se dirigeant vers l’épicerie où un groupe de jeunes hommes remplissaient un chariot de sacs de nourriture.
Le marshal commença à discuter avec quelques-uns des garçons du groupe. Caitlyn les observait comme s’il avait s’agit d’un spectacle tout nouveau pour elle. Un jeune homme aux longs cheveux châtains, un stetson vissé sur la tête, attira son attention. Il venait de sortir du magasin, un gros sac sur l’épaule et quelque chose dans son allure (ou son sourire peut-être) la fit un instant oublier qui elle était et où elle se trouvait. Elle resta donc là, plantée en pleine rue, sa malle et son sac à ses pieds, les yeux rivés sur cet homme qui, après avoir déposé son chargement dans le chariot, tapa dans le dos d’un de ses camarades en plaisantant.

Qui était-il ? Comment s’appelait-il ? Où vivait-il ? Tant de questions qui resteraient sans réponses ! En aurait-elle jamais d’ailleurs ?
Le jeune homme se tourna vers elle et pendant un court instant, qui parut à Caitlyn une éternité, leurs regards se croisèrent. Elle sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine et son pouls s’accélérer subitement. Elle détourna aussitôt ses yeux, pour rompre le charme. Quelle idée avait-elle eu de le dévisager ainsi ! N’en avait-elle pas assez des hommes ? Ne s’était-elle pas dit qu’ils étaient tous pareils ? Oui, tous, ils étaient tous comme Jack Tyler…
Elle baissa les yeux sur sa malle et son sac et se morigéna : "Bon allez, fini de rêvasser, Caitlyn ! Tu es ici pour te trouver un travail et un endroit où dormir. Ah ! Si seulement le marshal voulait bien venir par ici…"
Comme s’il avait entendu cet appel silencieux, le marshal, un monsieur d’un certain âge aux longs cheveux gris, l’aperçut, salua le groupe et se dirigea dans sa direction, un sourire engageant sur les lèvres. Il ôta son chapeau et se pencha légèrement vers elle, pour la saluer.
"Bonjour, charmante demoiselle, Marshal Teaspoon Hunter, à votre service ! Puis-je vous aider ?
- Enchantée Monsieur Hunter. Je suis Caitlyn Matthews. Je suis à la recherche d’un endroit où dormir, ainsi que d’un travail. Si vous pouviez me conseiller…
- Hé bien, Mademoiselle Matthews, vous ne pouviez pas mieux tomber ! Je connais cette ville et ses habitants comme ma poche et je serai ravi de vous être agréable. C’est toujours un très grand honneur que d’aider une demoiselle aussi charmante que vous."
Teaspoon s’inclina pour lui baiser la main. Caitlyn, prise au dépourvu, rougit sous le compliment et le remercia. Teaspoon se redressa et, tirant sur ses bretelles, lui indiqua l’hôtel situé plus bas dans la rue, tout près de la banque.
"Dites leur que c’est Teaspoon Hunter qui vous envoie. Vous aurez un prix pour la chambre ! Si ce n’est pas le cas, n’hésitez pas à venir me trouver… j’arrangerai cela moi-même.
- Merci Monsieur…
- Ah non, pas d’Monsieur entre nous. Appelez-moi Teaspoon, chère mademoiselle.
- Alors dans ce cas là, appelez-moi Caitlyn."
Caitlyn se mit à rire de bon cœur devant ce personnage étrange et attachant.
Et là, ce fut comme si le ciel s’était illuminé de milliers d’étoiles en une seule seconde : sa voix si mélodieuse et cristalline emplit l’air d’un parfum magique. Jamais on n’avait entendu de son plus pur ni plus doux que cette voix là.

Le jeune homme aux longs cheveux châtains, qui avait suivi Teaspoon des yeux et qui maintenant fixait la jeune fille, en resta le souffle coupé. On aurait dit qu’il venait de se prendre un coup de poing dans le ventre, que l’air lui manquait et qu’il avait du mal à respirer. Il blêmissait à vue d’œil et pourtant, il aurait donné n’importe quoi pour que ce moment ne finisse jamais et que ce rire perdure jusqu’à en faire exploser son cœur. C’était un sentiment si doux. Le monde pouvait bien s’écrouler autour de lui, il restait là, figé. Tant qu’elle riait, plus rien n’avait d’importance. Sauf elle.
Mais, manifestement, il n’était pas le seul à avoir succombé au rire de Caitlyn. Ses amis en étaient tous au même point. Le garçon aux cheveux longs et blond à côté de lui ouvrait une large bouche béante de stupéfaction ; idem pour un jeune homme chauve et un autre aux cheveux châtains coupés courts. Quant à celui qui semblait mi indien - mi blanc, le moins démonstratif de tous, il arborait de grands yeux noirs écarquillés de surprise. Restait le dernier du groupe, petit, le stetson rabattu sur le front, les yeux cachés derrière de petites lunettes rondes, qui semblait insensible au rire de Caitlyn.

Cette dernière ne se serait rendu compte de rien si Teaspoon lui-même ne s’était pas arrêté net dans son mouvement. Lui aussi, resta comme pétrifié. Il en lâcha ses bretelles qu’il était en train d’étirer et resta là, à la dévisager de ses grands yeux ronds.
"Quelque chose ne va pas, Monsieur Teaspoon ? s’inquiéta Caitlyn, en cherchant du regard de l’aide autours d’elle."
Elle aperçut alors les jeunes gens près du chariot, dans le même état que Teaspoon et reporta aussitôt son attention sur lui, ayant compris ce qu’il se passait.
"- Hé bien, répliqua Teaspoon reprenant ses esprits, on peut dire que vous avez une voix et un rire absolument charmants. Ils sortent de l’ordinaire, Miss Caitlyn. Ils sont tellement… hum… comment dire… envoûtants. Et je parle en connaissance de cause!"
Caitlyn ne trouva rien à répondre à cela. Même si elle savait très bien ce qu’il voulait dire, elle ne put s’empêcher de rougir. Gênée, elle reporta son attention sur ses affaires, toujours posées à ses pieds.
"Je… euh… ne connaitriez-vous pas quelqu’un qui aurait besoin d’aide, Monsieur…
- Non, non, non ! Pas de Monsieur ! Teaspoon tout court je vous prie.
- Teaspoon ! Oui ! Je cherche un travail, n’importe quoi ! Je ne suis pas bien difficile et je travaille vite et bien !
- Hé bien, il me semble que Norman Stucker cherche une serveuse pour son restaurant. Allez le voir ; il aura très certainement du travail pour vous. Surtout si vous lui dites…
- Que je viens de votre part ! finit-elle en lui souriant.
- Oh oh ! Vous comprenez vite, à ce que je vois. Vous ne faites pas partie de ces jeunes écervelées que je vois très souvent arriver ici par cette même diligence.
- Merci… Vous êtes un grand flatteur Teaspoon. J’ai rarement eu l’occasion de recevoir autant de compliments en si peu de temps et je dois vous paraître ridicule à force de rougir de la sorte !
- Surprenant ! Mais rassurez-vous, le rose de vos joues vous va à merveille ! Il n’y a rien de plus charmant qu’une jeune fille entrain de rougir, Miss Caitlyn. N’oubliez jamais cela ! Sur ce, je dois malheureusement vous laisser. J’aurais beaucoup aimé vous accompagner, mais le devoir m’appelle, dit-il en lui montrant les jeunes gens, qui attendaient toujours près du chariot. Par contre, ne vous inquiétez pas pour vos bagages, je vous envoie deux de mes gars pour vous aider.
- Oh non, ne vous embêtez pas avec cela Monsieur… Euh Teaspoon. Je me débrouillerai très bien toute seule.
- Il en est hors de question ! Ne dites plus rien et laissez moi faire ! Cody ! Kid ! Venez un peu par ici !"

Le jeune homme blond et celui aux cheveux châtains coupés courts échangèrent un regard surpris suivi d’un sourire complice et accoururent. Ils saluèrent Caitlyn en enlevant leur stetson.
"Mademoiselle, fit Cody, le blond, en lui faisant un large sourire et un baisemain qui se voulait des plus distingués. Vous venez d’illuminer ma triste journée par votre simple présence et je suis très heureux de pouvoir vous aider. William F. Cody pour vous servir.
- Merci à vous Monsieur Cody, articula-t-elle à grand peine, essayant de refreiner son envie de rire.
- Bonsoir Mademoiselle, fit Kid, en écho, lui souriant également. Je m’appelle Kid.
- Merci à vous aussi Monsieur Kid, répondit Caitlyn.
- Les gars, vous allez accompagner Miss Caitlyn jusqu’à l’hôtel. Voici sa malle et son sac. Et après, vous revenez aussitôt ici !
- Pas de problème Teaspoon !
- C’est comme si c’était fait !
- Merci encore Teaspoon ! C’est vraiment très gentil à vous ! Et merci à vous aussi Messieurs.
- Faut arrêter de remercier Cody, Miss Caitlyn, sinon on va l’entendre se vanter pendant des jours et des jours…"
Mais Cody ne répondit pas. Très dignement, il s’empara du sac et tendit son bras à Caitlyn, laissant Kid se débrouiller avec la grosse malle.

Caitlyn était ravie. Elle n’avait pas ri depuis des lustres et ça lui faisait un bien fou. Les deux jeunes gens l’amusaient énormément. Sur le chemin, ils lui posèrent des tas de questions : sur l’endroit d’où elle venait, si elle comptait rester parmi eux longtemps, si dans sa ville, toutes les jeunes filles étaient aussi jolies qu’elle… C’était Cody qui se montrait le plus bavard pouvant plus facilement discuter avec elle que son camarade qui avait un peu de mal à suivre avec la malle. Kid finit tout de même par lui donner un coup de coude en lui faisant remarquer que Caitlyn était certainement bien fatiguée par son voyage et n’avait peut-être pas envie d’être assaillie de questions de la sorte. Mais Caitlyn leur répondait gentiment, en se demandant si tous les hommes ici étaient aussi prévenants et amicaux que les trois qu’elle venait de rencontrer. Se pouvait-il qu’elle n’ait eu la malchance de connaître que les hommes de la pire espèce ?
Arrivée à l’hôtel, elle les remercia chaleureusement de l’avoir si gentiment aidée.
"Ce fut un réel plaisir, Miss Caitlyn, dit Kid en déposant avec un sourire crispé et un soupir de soulagement la malle dans le hall de l’hôtel.
- Nous espérons vous revoir très vite, Miss Caitlyn, renchérit Cody en déposant le sac sur la malle.
- Je l’espère également Messieurs ! Un grand merci pour tout et à bientôt. Au revoir !"

Elle s’était retenue de leur demander le prénom du jeune homme qui lui avait fait battre son cœur à un rythme effréné. Cela aurait été malvenu. Ils avaient été si charmants avec elle. Elle les regarda partir en leur faisant un petit signe de la main, qu'ils lui rendirent aussitôt.
Cody était vêtu d’une drôle de façon : une longue veste et un pantalon en peau de couleur beige à franges, ainsi qu’une ceinture décorée de dessins géométriques rouge et turquoise. Il était très drôle, toujours le mot pour rire mais aussi très flatteur et n’avait pas perdu une seule occasion de lui faire un compliment.
Kid, lui, plus réservé mais tout aussi charmant, était vêtu d’un ensemble en cuir brun également frangé. Il lui avait paru fort sympathique.
En fait, elle avait eu l’impression que tout le monde était agréable dans cette ville. En fin de compte, ce n’était vraiment pas si mal par ici. Elle avait été très bien accueillie et on lui avait fait plus de compliments en une heure de temps qu’en deux ans de mariage, son mari ayant certes été des plus chaleureux avant leurs noces, mais après… Après, tout avait été tellement différent. Pourquoi n’était-il pas resté le même ? Gentil, doux, attentionné, courtois ? Pourquoi ?
Elle secoua la tête pour chasser les mauvaises pensées qui menaçaient de déferler dans son esprit et leva les yeux pour regarder l’homme à l’accueil. Celui-ci l’avait vue arriver et l’attendait patiemment derrière son comptoir. C’était un homme grand et blond, avec de larges épaules et un sourire carnassier. Pour un peu, il lui faisait penser à Jack !
"Bonjour Mademoiselle. Vous désirez ?"
Mais Caitlyn était toujours plongée dans ses pensées. Qu’avait-elle donc de plus qu’il y a un mois ? Avec son mari, elle… STOP !! Ne plus penser à lui ! Il était sorti de sa vie désormais ! Enfin, c’était plutôt elle qui s’était enfuie de la sienne ! Mais qu’importe, elle allait essayer d’être heureuse maintenant. Elle secoua légèrement sa tête, sourit et répondit:
"Bonjour, je viens de la part du Marshal Teaspoon Hunter. Il m’a dit que vous aviez très certainement une chambre de libre.
- En effet, j’en ai quelques-unes. Vous comptez rester longtemps dans notre jolie petite ville ?
- A vrai dire, je ne sais pas vraiment. Une semaine, peut-être plus. Je verrai si j’arrive à trouver un travail.
- Un travail ? Vous cherchez quelque chose en particulier ? demanda-t-il soudain intéressé.
- Non, pas vraiment.
- Hé bien, écoutez, cela tombe bien, répliqua-t-il en la détaillant, sans aucune pudeur, des pieds à la tête. Je suis le propriétaire de cet hôtel, Paul Hamer et j’ai besoin de quelqu’un pour accueillir les clients, leur donner les clefs de leur chambre et leur apporter tout ce dont ils ont besoin pendant la durée de leur séjour. Vous seriez payée dix dollars par semaine et bien évidemment logée gratuitement. Cela vous intéresserait ?
- Ce serait parfait !
- Vous pensez pouvoir vous en sortir ?
- Cela ne devrait pas poser de problème, Monsieur Hamer. Je suis Caitlyn Matthews. Enchantée de faire votre connaissance. Je serais ravie de travailler pour vous. Je peux commencer dès demain si cela vous convient, répondit-elle, le cœur soulagé d’un immense poids.
- Après-demain, ce sera parfait. Je vous laisse la journée de demain pour vous reposer. Vous avez l’air épuisée par votre voyage, observa-t-il, en lui souriant largement, laissant découvrir une dentition quelque peu douteuse.
- Merci beaucoup, Monsieur Hamer.
- Ne me remerciez pas. Nous avions tous les deux besoin d’aide. Cela nous arrange autant l’un que l’autre. Voici la clef de votre chambre : c’est la numéro sept, premier étage, côté rue. Mais ne vous inquiétez pas, ce n’est pas très bruyant de ce côté-ci de la ville. Si vous voulez de l’animation, il vous faudra remonter la grande rue jusqu’au saloon. Je vais monter votre malle, lui dit-il en lui tendant une clef, ornée d’un petit morceau de bois verni, avec le chiffre sept inscrit dessus.
- Merci encore, Monsieur Hamer."

Sur ces dernières paroles, elle prit son sac et monta les escaliers à la suite de son nouvel employeur, qui portait sa malle, jusqu’au premier palier. Elle le suivit jusqu’à sa chambre, située au fond du couloir à droite. Il se décala pour la laisser passer et lui frôla la hanche avec son bras. Caitlyn frissonna malgré elle, mais elle se reprit très vite. Elle introduisit la clef dans la serrure et ouvrit la porte.

Elle découvrit alors une jolie pièce baignée par la lueur des derniers rayons de soleil. Les murs peints couleur saumon, faisaient ressortir le mobilier en bois sombre. Sur la gauche, il y avait une commode à trois tiroirs, un miroir posé dessus ainsi qu’un broc à eau et une bassine. Devant elle, les deux fenêtres, ornées de rideaux de couleur bordeaux, éclairaient la pièce. Un rocking-chair était posté devant l’une d’elles et entre les deux était accroché un tableau représentant une coupe de fruits avec une carafe de vin et deux verres vides. Et enfin sur sa droite, se trouvaient un grand lit, une baignoire, une armoire et une chaise. Ce n’était certes pas le luxe auquel elle s’était habituée, mais au moins c’était à elle, pour quelques temps et elle y serait tranquille.
Un vrai paradis !
Paul déposa sa malle au pied du lit et sortit en lui souriant.
"Pour vos horaires, vous commencerez le matin à sept heures et finirez à onze heures. Vous aurez une pause d’une demi-heure pour déjeuner, puis vous travaillerez jusqu’à 18 heures. Vous aurez vos soirées de libre ainsi qu’un jour de repos dans la semaine. Le dimanche serait l’idéal, c’est le seul moment de la semaine où l’hôtel est vide. Bien, je vais vous laisser. Je vous souhaite une très bonne soirée, Miss Matthews. Oh… Si vous désirez dîner, le repas sera servi d’ici une demi-heure dans la grande salle."
Sur ces dernières paroles, il ferma la porte derrière lui et la laissa seule.
Elle se débarrassa de sa capeline verte, assortie à sa robe en taffetas et la posa sur la chaise. Elle aperçut son reflet dans le miroir, de l’autre côté du lit et fronça les sourcils. Elle avait de grandes cernes noires sous les yeux et son visage, aux traits fins, était émacié. Sa bouche, trop grande à son goût, essaya d’esquisser un sourire. Elle y parvint assez rapidement et cela grâce aux trois hommes agréables et amusants qu’elle venait de rencontrer. Ses yeux descendirent et s’arrêtèrent sur sa poitrine qui était toujours généreuse malgré sa perte de poids indéniable. Sa robe flottait autours de sa taille et ses manches courtes laissaient apercevoir ses bras beaucoup trop minces. Mais tout irait bien maintenant, qu‘elle se sentait en sécurité ici. Elle pourrait manger à sa faim et reprendre quelques kilos pas du tout superflus.

Elle regarda tout autour d’elle, en poussant un long soupir de soulagement et entreprit de défaire sa malle et son sac.
Il n’y avait pas énormément de choses à l’intérieur de la malle. Elle l’avait achetée en passant à Denver avec trois toilettes complètes et deux autres robes toutes simples pour le cas où elle aurait trouvé un travail.
Ce qui comptait le plus pour elle se trouvait dans le sac de voyage en cuir. Un cadre argenté avec une photo la représentant en compagnie de sa mère et sa sœur : elle était alors toute jeune, ses longs cheveux roux attachés en deux nattes bien serrées et tenant dans ses petits bras sa poupée préférée. Sa mère et sa sœur souriaient, fixant l’objectif. C’était une photo qui lui rappelait le temps où elle était heureuse, le temps d’avant Jack…
Elle alla poser la photo sur la commode, puis retourna près du lit pour vider le contenu du sac : un coffret à bijoux, cadeau de mariage de sa sœur, sa robe préférée, en mousseline rose pâle que sa mère lui avait confectionnée pour ses 16 ans, lorsque Jack avait commencé à lui faire la cour, l’harmonica que lui avait offert Preston, le patron du saloon de Saint Jo et sa poupée, celle qui ne l’avait jamais quittée depuis l’âge de quatre ans.
Une fois que tout fut rangé dans la commode et l’armoire, que la poupée fut placée au beau milieu des énormes coussins du lit, Caitlyn s’assit dans le rocking chair et se balança tout doucement. Elle s’endormit là, lovée, les jambes remontées contre sa poitrine, en rêvant d’un jeune homme aux longs cheveux châtain et d’une vie un peu meilleure que celle qu’elle venait de quitter…

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