San Theodor


Chapitre 4

Deux de perdus !

Ted sauta de son cheval et le laissa dans le corral, face à la vieille grange. Il appela ses adjoints, qui sortirent sans se presser. Ils étaient à l’entrée de la ville, mais assez loin cependant pour ne pas susciter la curiosité des villageois. La grange était entourée d’arbres centenaires où nichait une multitude d’oiseaux, et la maison d’Elsa était à 100 mètres à peine. C’était une belle maison de bois blanc, décorée de plantes et de fleurs et d’une véranda où trônaient un banc et un fauteuil à bascule. Sur la flanc de l’habitation, il y avait un potager. Ils étaient plutôt bien tombés. Ted lança ;
- Vous allez tout de suite vous rendre utile ! J’ai besoin de deux d’entre vous pour escorter un prisonnier à Fort Kearney. De bons cavaliers de préférence.
Ils se regardèrent les uns les autres, sans qu’aucun ne se porte volontaire. Dan proposa ;
- On tire à la courte paille ?
Ils se mirent à rire. Ted ne comprit pas ce qu’il y avait de drôle et résolut lui-même la question ;
- On ne va pas perdre de temps. Toi, Chris, et toi, le Rouquin, comment tu t’appelles déjà ?
- Alan.
- Chris et Alan, vous irez à Fort Kearney. Vous remettrez les prisonnier aux mains de l’armée et tâchez d’être rentrés ce soir ! Dan, Bradley Thomas, vous irez en ville. Vous aurez en charge la sécurité de la ville. A vous de régler bagarres et tout ce qui va avec…
Bradley Thomas, s’approcha de Ted et lui murmura ;
- Moi, je veux bien, mais j’ai besoin de mon arme !
- Sers-toi de ta tête, mon p’tit gars, je te l’ai déjà dit ! Ce sera plus efficace. Anthony, tu viendras avec moi ! On a une histoire de vol de bétail à régler !
- Et nous ? demanda Richie, en se désignant, lui et Len.
Ted les dévisagea. Len à l’œil agressif, Richie remis de son ivresse ;
- Vous, vous allez rester ici, aujourd’hui. Elsa vous dira quoi faire. Allez seller vos chevaux, vous autres !

Chris et Alan chevauchaient côte à côte. Chris tenait par la bride le cheval du prisonnier, un dénommé Carlyle. Il était accusé de meurtre. Ivre, l’homme avait poignardé de plusieurs coups de couteau une prostituée. La jeune fille avait à peine dix-sept ans. De tels crimes révoltaient Alan. Certes, il n’était pas un enfant de chœur, il avait volé, escroqué, mais il n’avait jamais tué personne ! Et il ne s’en serait jamais pris à une femme ! Leur mère, à Len et lui, était une prostituée des bas quartiers de Dublin. Ils avaient fui l’Irlande pour vivre dans ce paradis qu’était l’Amérique, mais l’existence ne le satisfaisait pas. Len tournait mal et comptait un peu trop sur lui pour couvrir ses écarts de conduite. Len était capable d’en venir au meurtre, si on ne le retenait pas… Alan jeta un coup d’œil à son camarade, Chris, droit et fier. Brun, très brun, sûrement mexicain. Il ne parlait pas, mais avait l’air honnête et brave ; il choyait sa monture. Alan pouvait même dire qu’il l’aimait. Que venait-il faire ici ? Alan l’imaginait bien fermier au Nouveau-Mexique, avec une famille, un homme rangé… Les deux hommes ne s’étaient pas échangés un mot depuis leur départ. Chris prenait son rôle très au sérieux. Régulièrement, il jetait un coup d’œil au prisonnier qui se tenait tranquille. Chris aimait les déserts d’Arizona ; c’est là que le ciel était le plus beau. Rien ne ressemblait à un coucher de soleil en Arizona.

Len, assis sur le seuil de la maison, lançait des petits cailloux sur le chemin ; Richie, appuyé contre la rambarde, le chapeau baissé sur les yeux, dormait. La porte grinça, et Elsa, un tablier autour de la taille, parut ;
- Alors, c’est vous qui êtes restés ? Rappelez-moi vos noms ?
- Len.
- Richie.
- Bien, continua-t-elle, Len, Richie, il y a beaucoup de choses à faire. Il faut réparer le toit de l’écurie, Ted n’a pas eu le temps de le faire avant votre arrivée. Aux premières pluies, les chevaux se noieront, une clôture du corral est cassée, et il y a une charrette du fumier à entasser…
- Du fumier ?
Elsa était déjà rentrée dans la maison. Len éclata ;
- C’est quoi ce folklore ! Ils auraient dû le dire qu’ils avaient besoin d’un valet de ferme ! Je serai pas venu ! Hors de question que je ramasse le fumier !
- Allez, Len ! Ce n’est pas un peu de fumier qui va te tuer !
- Fais-le toi, si tu veux ! Mais sans moi ! Ce n’est pas à nous de faire ça !
- Et ce n’est pas à Elsa de le faire non plus ! Elle ne le pourrait pas ! On peut bien lui rendre ce service ! dit Richie, conciliant.
- Moi, je me tire !
Richie le regarda, surpris ;
- Tu devrais attendre le retour de ton frère, et te rendre utile en attendant.
Len, se leva, convaincu, plus par le sourire reconnaissant qu’il aurait d’Elsa une fois le travail achevé, que par les arguments de Richie, et décida de prêter main forte. Il lança quand même ;
- Ce n’est pas en léchant les bottes d’Elsa que tu t’attireras ses faveurs !

Dan et Bradley Thomas étaient confortablement installés dans l’office du shérif. C’était un bureau avec deux cellules. C’était petit, sale, mais cela ne dérangeait aucunement les deux hommes habitués à vivre dans la crasse. Eux-mêmes, étaient d’une propreté douteuse. Il y avait longtemps que Bradley Thomas n’avait pas pris de bain. Dan sortit son harmonica de sa poche et commença à jouer, mais s’arrêta et demanda ;
- Tu viens d’où ?
- Montana, répondit brièvement Bradley Thomas.
- Où dans le Montana ?
Bradley Thomas leva la tête. Il le trouvait bien curieux ;
- Des montagnes…
- Tu es un de ces montagnards, chasseurs de fourrure ?
Bradley Thomas se mit à rire devant la naïveté de son camarade, qui s’imaginait que dans les montagnes ne vivaient que les trappeurs et les ermites.
- Je suis né dans le Montana, mais j’ai grandi dans une ferme du Nebraska. J’ai voyagé du Kansas au Missouri avant d’arriver ici. Ca te va ?
Dan hocha la tête ;
- Dis, Bradley Thomas, c’est lequel ton prénom ? Bradley ou Thomas ?
Bradley haussa les épaules, indifférent ;
- Comme tu veux. C’est toi qui choisis !
- Ok, Brad… Je peux t’appeler Brad ?
Bradley Thomas avait tressailli. Il y avait si longtemps qu’on ne l’avait pas appelé ainsi. Il acquiesça ;
- Brad, tu as tué beaucoup d’hommes ?
Bradley leva la tête. Son regard s’était assombri ;
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que j’ai entendu parler de toi. Je sais que tu es recherché dans plusieurs états, que tu as tué ce gang de vigilants, et ton colt…
Bradley pointa un doigt menaçant vers lui ;
- Ne t’avise pas à répéter ça au shérif ! Je tiens à garder ce boulot ! Quant à ce que tu as entendu sur moi, n’en crois rien. Que des mensonges !
- Tu ne m’as pas répondu…
- A quoi ça va t’avancer de savoir. Qui est-ce que tu croiras ? Moi ou les ivrognes des saloons d’ici au Missouri ? Je ne suis pas un assassin, c’est tout ce que tu dois savoir !
- Ok, Brad, t’énerve pas. Mais laisse-moi te dire que je trouve curieux qu’un type comme toi ait autant insisté pour avoir ce travail !
- Besoin de manger comme tout le monde !
- Bien sûr, mais travailler pour le shérif, c’est risqué quand on est recherché ! Ted peut découvrir qui tu es et …
Brad le coupa ;
- Dan, ça ne te dérangerait pas qu’on parle d’autre chose que de moi ! Toi, par exemple, ça fait longtemps que tu voyages avec Richie ?
Dan avait compris que sa curiosité concernant Brad était allée un peu trop loin. Il l’accepta et répondit d’un geste vague ;
- Des années ! Richie est un ami d’enfance. Nos parents étaient voisins ; on allait à l’école ensemble, à la pêche, on a fait les 400 coups, puis on a décidé d’aller à l’ouest. Toujours plus à l’ouest.
- Tu n’as pas envie de t’installer ?
- Si. Pourquoi pas. Peut-être ici. Et toi ?
- Moi ?
Brad avait baissé la tête, et ses cheveux masquèrent un instant son sourire amer ;
- Moi, j’aimerais bien, mais je ne sais pas si ce sera possible… Ma vie n’est pas… simple !
Dan eut un sourire compréhensif. Mais la conversation ne put se prolonger entre eux, car le petit Johnnie déboula dans l’office ;
- Il y a un duel qui se prépare !
Dan se leva vivement, prit son arme en déclarant ;
- A nous de jouer !
Brad tâta sa ceinture, mais ne sentit que l’absence de son colt ! Il maudit un instant Ted, et suivit Dan. Dans la rue principale, deux hommes se faisaient face et provoquaient un attroupement. Les mères apeurées tentaient de ramener leurs enfants trop curieux à la maison. Brad et Dan les dispersèrent à grands gestes ;
- Rentrez chez vous ! il n’y a rien à voir ! Il n’y aura pas de duel !
Ils firent place libre pour ne faire face qu’aux deux adversaires. Dan cria ;
- Messieurs, baissez vos armes ! Il n’y aura pas de duel aujourd’hui !
- Ni aujourd’hui, ni les jours prochains ! continua Brad. Les duels sont interdits en ville. Rangez vos armes !
- Vous êtes qui, vous ? demanda l’un des deux adversaires, un homme douteux, crasseux et aviné. Dan lui répondit ;
- Nous sommes les adjoints du shérif !
Et il lui montra l’étoile accrochée au revers de sa veste.
- Obéissez et quittez les lieux sans troubler l’ordre public, sinon un séjour en prison s’imposera.
Les deux hommes éclatèrent de rire. Les duels étaient monnaie courante, et ils n’allaient pas se faire intimider par deux gamins. Brad s’était appuyé contre l’un des piliers de l’entrée du saloon, et il avertit ;
- Si vous ne voulez pas que ce soit moi qui tire, et si vous ne voulez pas que je vous descende tous les deux, vous feriez mieux de disparaître.
En disant cela, il tâtait la poche de sa veste comme s’il cachait une arme. Le hors-la-loi crasseux commençait à être intéressé ;
- Montre-moi ton arme, gamin, au lieu de faire le prêcheur !
Brad prévint calmement ;
- Si tu vois mon arme, alors tu sauras que tu es mort !
Dan renchérit ;
- Je me méfierais à ta place, ces prévisions se vérifient souvent.
La population s’était rassemblée autour d’eux. Les deux ivrognes hésitèrent. Leurs regards allaient de Dan à Brad, et finalement, ils rengainèrent leurs armes. Il n’y aurait pas de duel. Tout le monde se dispersa. Dan souriait, satisfait. Il se rapprocha de Brad ;
- On s’en est bien sortis ! On fait une bonne équipe tous les deux !
- Ca aurait été plus vite si j’avais eu mon colt !
- Brad, on a évité un duel, sans coup de feu, ni rien ! C’est bien !
- Oui, c’est bien, dut admettre Brad.
Et Dan lui donna une tape amicale sur l’épaule.

Ted et Anthony trottaient côte à côte. Ils rentraient à la vieille grange. Le soleil se couchait et inondait d’une lumière rouge la maison d’Elsa. Sur le perron, Dan, Len, Richie et Bradley Thomas attendaient l’heure du repas. Alan et Chris n’étaient pas encore rentrés de Fort Kearney.
Ted n’avait pas voulu laisser Anthony livré à lui-même pour sa première journée. Il l’avait emmené avec lui dans les fermes des environs régler les problèmes des fermiers ; vols de bétail, approvisionnement d’eau,… Ces problèmes étaient fréquents et parfois difficiles à traiter car il fallait s’efforcer de ne léser aucun parti. Et comme le pensait Ted, Anthony s’était révélé intelligent et juste. Il serait l’homme idéal pour traiter ce genre d’affaires. Le jeune garçon, au cours de la journée, s’était ouvert. Il parla de son enfance au Kansas, de son père mort, de ses errances à travers le pays,… Ted se prit d’affection pour lui. Anthony devait retrouver sa dignité, et ne plus jamais baisser les yeux.
Ils venaient de rentrer leurs chevaux à l’écurie et revenaient vers la maison. Ted posa une main paternelle sur l’épaule d’Anthony, et ils entrèrent tous dans la maison.

Ted prit la place centrale. Il dominait ainsi toute la tablée. Il observa les visages ; Dan réjoui, Len morose, Bradley Thomas sans expression,… Aucun d’entre eux ne parlait. Elsa déposa un plat de viande au centre de la table et commença à les servir. Ted la dévisagea elle aussi. Il tentait de savoir à l’expression de son visage, comment s’était passée la journée. Elle souriait entendant une assiette à Bradley Thomas. Aucun des garçons n’avaient commencé à manger et tous avaient le regard tourné vers Elsa. Ted en conclut, que comme lui, ils voulaient que la jeune femme participe au repas. Ted lui désigna une chaise ;
- Viens t’asseoir, Elsa. Nous t’attendons pour commencer.
Elsa sourit, ravie de l’intention. Ainsi, elle était intégrée à part entière ! Ils n’étaient pas si rustres que ça ! Ted attaqua son assiette avec voracité ;
- Alors, les gars, cette première journée ?
- Parlons-en ! maugréa Len.
- Exprime-toi, Len. Nous t’écoutons ! dit le shérif.
- Je ne savais pas qu’on venait ici pour ramasser du fumier !
Ted posa ses deux coudes sur la table, et se racla la gorge ;
- Vois-tu, Len, cet endroit où tu vas vivre, ne s’entretient pas tout seul. C’est à nous, donc à vous, de le maintenir en état, comme n’importe quel domaine. Cela signifie qu’il faudra nettoyer les écuries, faire les réparations nécessaires, couper du bois pour l’hiver… Vous ferez ces tâches à tour de rôle. Si ce genre de travaux te gênent, tu es toujours libre de partir.
Len grogna quelque chose que personne ne comprit. Ted se doutait que Len et son frère ne resteraient pas longtemps à son service. S’ils ne fuyaient pas, rebutés par le travail, Ted les mettrait sûrement à la porte. Len était trop indiscipliné, orgueilleux… Ce n’était pas pour rien qu’il les avait séparés pour ce premier jour. Bradley Thomas enfourna un morceau de pain dans sa bouche et dit ;
- Moi, j’ai une requête…
- Je t’écoute. Qu’est-ce que je peux pour toi ?
- Je veux mon arme tout simplement.
Bradley avait parlé avec calme mais beaucoup de fermeté dans la voix. Tous s’étaient arrêtés de manger, et guettaient la réaction de Ted. Elsa avait frémi. Bradley Thomas avait le regard si dur parfois ! Mais cela ne coupa pas l’appétit de Ted ; il continua à manger et demanda tout aussi calmement ;
- Pourquoi ? J’ai entendu que tu t’en étais plutôt bien sorti sans arme, aujourd’hui !
Bradley regardait Ted en coin ;
- Là n’est pas la question. C’est mon colt ! Il est à moi, et j’y tiens ! Il est hors de question que vous vous l’appropriez !
Ted regarda le jeune homme en face ;
- L’intention n’était pas de te voler ton arme, mais de te prouver que tu étais aussi efficace sans. Tu le savais toi-même, que tu n’en avais pas besoin, mais tu t’es un peu trop habitué à en faire usage sans raison… et tant que tu t’amuseras à tirer en l’air, ou dans les chapeaux des gamins…
- Quoi ? coupa Bradley brutalement, c’est à cause de ce morveux !
- Ce morveux comme tu dis est le fils du maire ! Et Mackensie est plutôt récalcitrant à ta présence ici ! Et peu importe que ce soit le fils du maire ou un chien errant, tu aurais pu le blesser !
- Je sais viser ! lâcha Bradley avec assurance.
Ted le reprit, froidement ;
- Tu as beau savoir viser, et être le meilleur tireur du pays, il arrivera un accident un jour ! Et ce jour-là, je n’aimerai pas être dans ta tête ! La mort d’un innocent te poursuit ta vie entière.
Bradley Thomas se leva et tapa du poing sur la table ;
- Je me passe de vos discours ! Je veux mon colt !
Elsa avait sursauté , les autres se taisaient. Ted répondit calmement ;
- Non.
Les deux hommes se mesurèrent du regard quelques instants, puis Bradley Thomas prit la porte en la claquant. Ted désigna alors l’assiette du jeune homme à peine entamée, et dit aux autres ;
- Prenez sa part. Ce serait bête de gaspiller !

La nuit était tombée, ils avaient terminé de manger. Ted prenait le frais dehors et venait d’allumer sa pipe. Il en avait besoin. Cela l’aidait à réfléchir. Peut-être avait-il fait une erreur en embauchant ces adjoints. Le caractère belliqueux de Len l’inquiétait. Il causerait des problèmes, et Ted avait déjà assez à faire pour ne pas s’occuper de régler les problèmes des hommes qu’il faisait entrer à San Theodor. Et Bradley Thomas ! Il jouait gros avec lui. Contrairement à Len, Ted ne souhaitait pas s’en séparer, au contraire ! Il lui était précieux. Vif, courageux, sans peur, il était l’homme qui lui fallait, et il l’avait prouvé. Peut-être était-il encore trop jeune ? Valait-il tous les problèmes qu’il ne manquerait pas de lui attirer, il en était sûr ? Ted se disait qu’il aurait peut-être mieux fait de prendre sa retraite et de partir en Californie couler de vieux jours heureux. Le visage d’Anthony passa devant ses yeux, et il se reprit. Si ce n’était que pour sauver ce jeune garçon fragile d’une vie hasardeuse, alors ça valait le coup de les avoir embauchés. Ils avaient sûrement tous quelque chose à apporter aux uns et aux autres. Et Elsa ? Cela lui procurait du travail. Bah ! Il verrait avec le temps ! Deux cavaliers approchèrent ; Alan et Chris. « Tout va bien »-« pas de problème ? »-« bien, allez manger ». Les deux garçons fourbus allèrent se débarbouiller avant de rentrer dans la maison où Elsa leur avait gardé leurs repas au chaud. Ted alla rôder autour de la grange. Il était temps d’aller affronter Bradley Thomas. Il n’entendit que l’harmonica de Dan, et la voix de Richie qui riait. Une lampe brûlait à l’écurie. La pipe toujours au coin de la bouche, il s’y rendit et s’attarda à contempler le spectacle en silence ; Bradley Thomas caressait l’encolure de sa jument, ses naseaux fumants,… l’animal vint frotter sa tête contre lui. Il souriait ;
- Bel animal !
Bradley le regarda, soudain farouche. Son sourire avait disparu ;
- Qu’est-ce que vous voulez ? Prendre mon cheval ?
Ted s’avança et tendit son arme à Bradley ;
- Tiens, si c’est ça que tu veux… Seulement, je voulais te dire… Je sais qui tu es Bradley Thomas. Je l’ai su dés le premier jour. C’est aussi pour ça que je ne voulais pas t’engager !
- Alors, arrêtez-moi !
Ted prit un air surpris ;
- Pourquoi t’arrêterais-je ? Tu n’es pas recherché dans cet état jusqu’à présent ! Je t’ai pris ton arme pour que tu ne …
- Je ne suis pas un tueur ! coupa Bradley, brutalement.
- Je n’ai jamais dit le contraire. J’aimerais seulement, Bradley Thomas, que plus que tout autre ici, tu apprennes à ne pas te servir de ton arme. Plus tu t’en serviras, plus tu auras d’ennuis !
- Je crois que j’ai déjà eu mon compte ! dit-il dans un sourire.
- Un conseil, ne joue pas du colt ! ne te vante pas d’être le meilleur tireur, et alors peut-être qu’on te croira. Reprends ton arme, mais sache que si j’apprends que tu as recommencé tes démonstrations de tirs au chapeau, tu quitteras cette ville pour ne plus jamais y remettre les pieds. Tu m’as compris ?
Bradley Thomas n’eut jamais le temps de répondre, qu’Alan entra comme une furie dans l’écurie ;
- Shérif !!?!!

Ted et Bradley avaient suivi Alan. Il les avaient entraînés près de la rivière, et là, près d’un bosquet, ils virent Len, gisant sur le sol. Bradley accourut, se baissa et regarda s’il respirait, puis déclara ;
- Il est mort !
- Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Ted à Alan.
Le rouquin était paniqué, terrorisé ;
- Je l’ai tué ! j’ai tué mon frère.
- C’est toi qui as tiré ? Pourquoi ?
Alan se laissa tomber sur le sol. Il se tordait nerveusement les mains, mais il expliqua ;
- Len est venu à San Theodor que pour une raison ; il voulait cambrioler la banque ! Il voulait le faire cette nuit, et partir. Je n’ai pas voulu…. Oh ! Je voulais pas le tuer… je voulais juste l’en empêcher… Il faut toujours l’empêcher de faire des bêtises !
- C’est sûr, il fera plus de bêtises, maintenant ! remarqua Bradley.
Ted prit une grande inspiration. Il savait dès le début que Len n’était pas clair. Il ordonna à Bradley ;
- Va chercher une pelle ! Il faut l’enterrer !
Bradley obéit. Alan regardait le cadavre de son frère, puis Ted, puis Len, puis Ted ;
- Qu’est-ce que je vais devenir maintenant ?
Ted considérait Alan, jeune irlandais de 21 ans et déjà la mort de son frère sur la conscience ; pourtant le shérif se persuadait qu’Alan n’était pas mauvais. Il était désormais débarrassé de la mauvaise influence de son aîné. Assis par terre, Alan pleurait. Bradley creusait un trou. Quelle étrange journée ! Première journée et déjà un mort ! Faudrait-il vraiment qu’il fasse la justice parmi les siens ? Ted était sceptique. Certes, à part Alan, personne ne regretterait Len. En quelques heures, il avait réussi à se faire mal voir, à humilier Anthony à plusieurs reprises… Ted aida Bradley à enterrer Len, ils le recouvrirent de terre, et firent une prière. Alan demanda ;
- Vous allez m’arrêter ?
La deuxième fois de la soirée qu’on lui posait cette question. Il répondit en se grattant la barbe ;
- Non, tu vas prendre ton cheval et quitter la ville ! Et que je ne te retrouve plus sur mon chemin !
Alan n’eut qu’à obéir. Il jeta un regard malheureux à la tombe fraîche de son frère, et partit. Il aurait voulu dire quelque chose au shérif, mais dire quoi ? Ted lui donnait une autre chance. Il pouvait commencer une autre vie honnête et libre. Il partit au galop.
Deux hommes en moins. Ted se gratta la tête. Ca commençait bien ! Son regard s’arrêta sur Bradley Thomas qui s’abstint de commentaires, et lui dit ;
- Les autres n’ont pas besoin de savoir ! Alan et Len ont quitté la ville, c’est tout. Ce sera notre secret !
Bradley acquiesça et rentra dans la vieille grange.

Chapitre 5

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