San Theodor


Chapitre 2

Les volontaires

Santa Clarita, Arizona
Dan prit une gorgée de whisky, se racla la gorge et se mit à réfléchir. Qu’allait-il faire ? Abandonner ou continuer et risquer de tout perdre. Il perdait de toutes façons. Il n’avait plus rien. Même plus de quoi régler ses dettes… Un jeune homme s’approcha de lui, et lui mit la main sur l’épaule ;
- Dan, laisse tomber ! On devrait partir !
- Un instant, Richie, juste un instant.
En disant cela, Dan abattit les cinq derniers dollars en sa possession sur la table, et présenta ses cartes à ses adversaires. Richie détourna le regard. Son ami n’avait jamais eu de main plus minable que celle-là. C’était toujours la même chose ! Dan ne s’arrêtait jamais à temps ! Il s’était levé et s’apprêtait à quitter le saloon, quand une voix le rappela ;
- Hey ! T’oublierais pas quelque chose ?
Dan prit un air étonné ;
- Oublier ?
- Oui. Tu me dois cinquante dollars !
- Mais je n’ai pas oublié. Et j’allais de ce pas à la banque car je me flatte d’honorer mes dettes.
L’adversaire ne paraissait pas convaincu ;
- On n’aime pas les tricheurs ici !
- Pardon ?
L’homme reprit d’une grosse voix, l’air imposant ;
- J’ai dit : on n’aime pas les tricheurs, les voleurs et les escrocs !
- C’est moi que tu traites ainsi ? demanda Dan poliment. Richie secouait la tête. Il savait déjà comment cela allait se terminer ;
- Et qui veux-tu que ce soit ?
L’homme n’eut pas le temps de se reconnaître que Dan lui avait déjà assené trois coups de poing en pleine face ;
- Un pour le voleur, un pour le tricheur, et le troisième pour l’escroc !
A peine l’homme eut-il repris ses esprit qu’il rendit la pareille à Dan qui hurla ;
- A moi Richie !
L’interpellé tenta de les séparer, mais il se fit attaquer par l’arrière, il riposta et la bagarre se généralisa dans tout le saloon. Tout le monde se battait sans réellement savoir pourquoi. Le barman lui-même s’était armé d’une chaise et se défendait comme il pouvait. Dan se retrouva vite à terre, sans savoir ce qu’était devenu son ennemi qui avait dû se trouver une autre victime. Richie atterrit tout près de son ami ;
- Ravi de te revoir ! lui lança Dan.
Richie, toujours sage, proposa ;
- On met les voiles !
Dan acquiesça et ils quittèrent le saloon à quatre pattes. Arrivés dehors, ils se regardèrent et éclatèrent de rire.
- Tu sais vraiment pas te tenir ! reprocha gentiment Richie.
- Oui, mais on s’amuse bien ! rétorqua Dan. Ecoute-les, ils ne savent même plus pourquoi ils se battent !
- Mais avec ça, on n’a plus un sou !
Mais Dan n’écoutait pas. Ses yeux ne quittaient pas une affiche placardée sur le mur.
- Richie, regarde !
Richie lut alors à haute voix ;
- "Recherche jeunes garçons vifs et courageux, aimant le risque, pour faire respecter la loi dans l’Arizona. Logement et couvert offert" . Depuis quand tu te ranges du côté de la loi ?
- Nous n’avons jamais eu de problèmes avec la justice, et personne n’aime le risque plus que nous ! Ca vaut le coup d’être tenté !
Richie sembla réfléchir, il repoussa d’un coup de tête une grande mèche brune qui tombait dans ses yeux, et déclara ;
- Qu’est-ce qu’on attend ? On y va ?
Dan rit. Ils partirent tous les deux. L’un grand, courageux, inconscient et même téméraire ; Dan ; et l’autre plus petit, trapu et infiniment plus sage que son inséparable ami ; Richie.

Boulder, Colorado
Anthony traînait les pieds dans la poussière. Il ne savait pas trop où il allait ; d’ailleurs il n’avait nulle part où aller. La tête baissée, il ignorait le monde. Qu’avait-il à espérer de la vie ? Il n’avait jamais rien eu et n’aurait jamais rien. Il n’avait jamais été heureux et ne le serait jamais. Tout ce qu’il pouvait faire c’était marcher, et il ne savait même pas où aller.
Anthony avait dix-sept ans. Il avait des cheveux châtains clairs qui bouclaient dans son cou, un visage d’ange et de grands yeux rêveurs. Anthony n’avait même pas de nom, il n’était même pas sûr qu’Anthony soit son vrai prénom. Alors il s’était inventé un nom à lui "Anthony Buster" ; il trouvait que cela sonnait bien et que cela lui donnait de l’importance. Il se sentait une personne entière.
Anthony était fragile. Il ne craignait pas le feu, ni les coups, mais un seul mot suffisait à l’anéantir, à le blesser là où aucun médecin ne pouvait le guérir.
Anthony Buster cherchait quelque chose quelque part… Peut-être un sens à sa vie…

Winocka, Territoire du Dakota
Le cheval piaffait et s’énervait dans le corral du ranch. Il avait été capturé le matin même et sa sauvagerie en intimidait plus d’un. Un petit groupe d’hommes observait son évolution. Le palefrenier lança à la ronde ;
- Qui le monte ? Qui ose ? Harry ?
Le dénommé Harry fit un signe négatif de la tête.
- Chris ?
Chris secoua la tête ;
- Laissez-le tranquille, ce cheval !
Il se fit huer par ses compagnons
- Alors, Christopher Meadow, on se dégonfle ? demanda le porte-parole.
Chris avait la fâcheuse habitude de relever les défis, alors il enjamba la clôture et tenta de s’approcher avec prudence de l’animal sous les acclamations. L’animal ruait. Chris progressa difficilement jusqu’à lui ; il murmurait "tout doux, tout doux", mais il comprit que cela ne faisait qu’apaiser sa propre peur et non la fougue du cheval. A force de douceur et de prudence, il réussit à s’en approcher. Ses camarades s’étaient tus, retenant leur respiration. D’un geste brusque, Chris empoigna la crinière et se hissa sur le rebelle. Il fut aussitôt secoué comme il ne l’avait jamais été de sa vie, mais il tenait bon. Le paysage passait à toute vitesse devant ses yeux, le vent lui fouettait les tempes et faisait naître des larmes au coin de ses yeux. Peu à peu, le cheval se fatigua de lutter pour se débarrasser de ce poids gênant, et Chris put reprendre son équilibre. L’animal s’immobilisa quelques secondes plus tard. Les applaudissement retentirent. Chris, fier, descendit de sa monture, alla chercher un licou qu’il glissa autour du cou du cheval et déclara ;
- Maintenant, il est à moi !

Muirspring, Missouri
- Len, es-tu vraiment sûr de vouloir aller à San Theodor ?
- Persuadé, répondit ce dernier.
- Tu sais, il n’est pas trop tard pour faire demi-tour… Ce n’est pas bien ce que tu veux faire !
Len, posa la couverture qu’il pliait ; ils avaient dormi à la belle étoile comme souvent et s’apprêtaient à reprendre leur route.
- Ecoute, p’tit frère, il serait temps que tu saches qu’il n’y a pas de bien ni de mal en ce monde. Et franchement, je ne trouve rien de mal à aller s’enrichir sur le dos de la justice !
- C’est illégal !
- Bah ! La belle affaire ! fit Len avec un mouvement d’épaules. Nous n’avons jamais vécu dans la légalité !
- Oui, mais…
- Ecoute, p’tit frère, tu fais ce que tu veux, mais moi, je vais à San Theodor !
Alan réfléchit quelques instants. Son frère avait tort, mais il se devait de le sortir des mauvais pas. Il devait le raisonner et surtout ne pas le laisser seul. Si Len n’avait plus la sagesse de son cadet pour le raisonner il était perdu. Et ce n’était pas le moment de l’abandonner, car Len avait dans l’idée de cambrioler la banque de San Theodor, en se facilitant la tâche en se faisant embaucher comme assistant du shérif. Cela pouvait mal tourner. Alan prit la décision de suivre son frère. Ainsi, les Ewell, tous deux roux comme des renards, se mirent en selle et prirent la route de San Theodor.

San Theodor, Arizona
Bradley Thomas arrivait aux limites de la ville. Il fit ralentir son cheval. L’agitation régnait. Des cris résonnaient, des coups de feu éclataient, des gens couraient ;il observa son entourage ; "une petite ville bien tranquille", se dit-il. La rue principale abritait divers commerces, un coiffeur, une poste, un magasin, un maréchal ferrant, une couturière,… un peu plus loin, il y avait l’école et l’église, et des saloons les uns sur les autres depuis la gare. Il fit enjamber les rails à sa monture et s’avança un peu plus dans la ville. Bradley Thomas était un garçon de dix-neuf ans, bien bâti, à la peau tannée et aux cheveux éclaircis par le soleil. Un chapeau noir pendait dans son dos, et l’arme à sa ceinture semblait être un trésor. A son air calme, impassible, on pouvait dire qu’il avait vécu et que plus rien ne l’étonnait. Il interpella un enfant qui rentrait de l’école ;
- Hé ! Petit ! Où est-ce que je peux trouver Ted Hodson ?
L’enfant lui répondit d’un geste vague ;
- Au bureau du shérif… Il ne quittait pas des yeux l’arme de Bradley.
L’enfant déclara ;
- Mon père, il a un revolver mieux que le vôtre !
Le jeune homme attrapa le chapeau du gamin, le lança en l’air, et aussi rapide que l’éclair, tira son arme et le transperça de toutes parts.
- Petit, quand ton père saura se servir de son arme comme moi, alors tu pourras m’en parler !
Le petit maugréa quelques insultes en récupérant son chapeau, et Bradley Thomas continua son chemin vers le centre de la ville. Il nota que devant le bureau du shérif plusieurs hommes attendaient ; deux rouquins, un garçon à l’air timide et même un gamin de douze ans. Bradley, soucieux de préserver sa différence, ne se mêla pas à eux. Il se posta à quelques distances et observa ce qui allait se passer.

Chapitre 3

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