San Theodor


Chapitre 12

Au risque de tout perdre

Brad nettoyait son colt, avec application, en silence. Il s’était assis sur le perron de la vieille grange, et semblait concentré dans sa tâche. De l’écurie, Johnnie l’observait. Cela faisait plusieurs jours que Brad ne s’occupait plus de lui, c’était à peine s’il remarquait sa présence. Johnnie le vivait mal.C’était depuis la mort de Cris…. Certes, il s’entendait bien avec Anthony, Dan et Richie, mais ce qui le rendait fier de vivre à la vieille grange, c’était d’être l’élève de Bradley Thomas. L’enfant, prit son courage à deux mains, et alla déranger son héros ;
- Dis, Brad, quand est-ce qu’on retourne s’entraîner à tirer ?
Brad avait à peine levé les yeux, et avait haussé les épaules.
- On peut y aller maintenant ? insista Johnnie.
Brad prit vraiment conscience de la présence de l’enfant, et de sa requête. Mais il répondit d’un ton las ;
- Non. Je suis occupé.
Il essuyait un refus ! Johnnie était déçu, plus que déçu, il était en colère. Brad ne s’intéressait plus à lui, ne lui parlait plus, s’éloignait, et sans aucune raison. C’est la voix frémissante qu’il dit ;
- Je vois ! Tu es occupé ! A part astiquer ton arme, je ne vois pas ce que tu as de si urgent à faire ! T’avais pourtant dit que tu m’apprendrais !
Brad fut sensible au ton désespéré du garçon. Il savait qu’il l’avait délaissé, mais cela valait mieux. Oui, il valait mieux qu’il perde l’admiration du garçon ! Il lui répondit ;
- Tu apprendras qu’on ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie !
- On ira quand ?
Brad haussa à nouveau les épaules ;
- Je ne sais pas. Quand j’aurais le temps !
Devant la mauvaise volonté de son ami, Johnnie lança, amer ;
- C’est ça ! En attendant, astique bien ton colt, et je prie pour qu’un coup parte tout seul !!

Et l’enfant partit. Brad eut envie de le rappeler, mais il se retint. Ce n’était pas plus mal que Johnnie apprenne par lui-même qu’on ne peut pas compter sur tout le monde. En fait, Brad ne voulait pas passer de temps avec l’enfant, car il sentait qu’il s’attachait. Johnnie devait s’endurcir, et apprendre à ne pas trop dépendre des autres. Brad y perdrait un admirateur, un ami, un petit frère, mais Johnnie serait plus solide. L’enfant croisa Ted qui le salua, mais Johnnie, déçu, ne répondit pas. C’est tout en regardant en arrière que Ted s’approcha de Brad et demanda à son adjoint ;
- Qu’est-ce qu’il a ?
- Rien de grave, rassura Brad, tout en continuant à nettoyer son arme. Ted lui dit alors ;
- Je suis passé chez Samantha…
- Ah oui…
L’intérêt de Brad s’était éveillé. Samantha s’était-elle plainte, avait-elle dit ce qu’il s’était passé à l’office ? Et la nuit d’avant ? Pour sûr, Ted allait le sermonner, et sûrement le renvoyer. Brad se demanda pendant une fraction de seconde comment il faisait pour toujours se mettre dans de telles situations. Ted avait un regard sévère ;
- J’ai jeté un regard à sa toiture. Ca n’a pas avancé ! Je peux savoir à quoi tu as perdu ton temps ?
Le regard fermé de Brad indiqua au shérif qu’il n’aurait pas de réponse. Il continua ;
- Tu vas me faire le plaisir d’y retourner et de ne pas revenir avant que tout soit terminé !
Le jeune homme secoua la tête, peu convaincu ;
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée !
- Mais je ne te demande pas ton avis ! C’est un ordre, Bradley Thomas ! Tu vas ranger ton colt, et tu vas décamper d’ici tout de suite ! J’en ai assez que tu discutes mes ordres !
Brad se redressa fier et droit, et dit avec insolence ;
- Je vous l’ai déjà dit, je ne discuterais pas vos ordres, si ceux-ci n’étaient pas stupides ! Ce n’est pas une bonne idée !
Ted hurla, excédé que Brad s’oppose ainsi à lui ;
- Je m’en fiche ! Tu vas chez Samantha, c’est tout ! Plus un mot !
Lentement, Brad rangea son arme, se leva paisiblement, et toujours sans se presser se dirigea vers l’écurie. A mi-distance, il se retourna et dit au shérif encore rouge de colère ;
- Croyez-moi, ce n’est pas une bonne idée !

Ted aurait pu lui courir après et l’étrangler, tant son comportement l’exaspérait. Brad ne changerait jamais. Pendant un temps, il avait cru qu’il s’était assagi, qu’il avait endormi le volcan qui grondait en lui, mais depuis la mort de Cris, il recommençait à jouer les durs, les hommes que rien ne touchait, son insolence avait repris le dessus…Ted en connaissait la raison. Il était lui-même passé par cet état d’esprit. Brad avait été touché par la mort de Cris, comme tous l’avaient été, mais la différence était que Brad ne pensait plus avoir la faculté de s’émouvoir, de s’attendrir… Il avait été surpris, anéanti. Il avait dû se sentir fragile, comme Ted s’était senti. Presqu’impuissant devant la mort. Ted, un instant, avait eu la même réaction que Brad, durcir son caractère, énoncer de nouvelles règles, prendre de la distance et se plonger à corps perdu dans le travail, pour ne plus être surpris par un tel drame. Mais il n’avait fallu que quelques mots d’Elsa pour lui faire prendre conscience de ce qui était important. Peut-être que cela marcherait pour le jeune homme aussi ?
Ted décida d’en parler à Elsa. N’était-elle pas un peu magicienne ?

Les pieds sur le bureau de l’office, Dan et Richie se faisaient face. Ils n’étaient pas particulièrement débordés, et cela n’était pas pour déplaire à Dan. Ainsi, ils avaient un peu de temps pour discuter. Dan avait insisté pour qu’ils fassent cette permanence ensemble, loin de Ted, de la Vieille Grange et d’Elsa. Il était temps de mettre les choses au point. Il avait un jeu de cartes dans les mains, et jetait une à une les cartes sur le bureau, négligemment. Richie avait rabaissé son chapeau sur les yeux et faisait semblant de dormir. Aucun d’eux ne savait par où commencer… Dan jeta une carte qui heurta la botte de Richie ;
- Excuse-moi.
Le jeune homme souleva son chapeau, et répondit ;
- Il n’y a pas de mal.
Dan se mit alors à rire ;
- Rich, tu ne crois pas qu’on ferait mieux de mettre les choses à plat ? On s’est toujours tout dit…
Richie lui sourit ;
- Je t’écoute.
- Qu’est-ce que tu comptes faire ?
Richie retira ses pieds du bureau et regarda son ami.
- Rester ici. Tant qu’Elsa voudra de moi, je resterai ici. Quitte à rester l’adjoint de Ted jusqu’à la fin de mes jours ! Je mets de l’argent de côté, tu sais ! Comme ça, je pourrai faire vivre Elsa, et…
- Et moi ? demanda soudain Dan, la voix grave.
- Toi ? Reste ! Rien ne te force à partir. Au contraire ! maintenant qu’il n’y a plus Cris, Ted a besoin de nous tous !
Dan hocha la tête. Il avait perdu toute sa bonne humeur. Richie comprenait très bien ce que son ami ressentait. Ils avaient prévu de faire le tour du pays ensemble, de courir les routes, et non de s’arrêter dans une petite ville de l’Arizona. Et Dan comprenait son ami, sa volonté de rester près d’Elsa, celle de construire une vie, une famille, de faire des projets. Peut-être que cela lui arriverait à lui aussi, un jour ! Il dit doucement ;
- Ca devait arriver ! Nos routes se séparent !
Richie posa la main sur le bras de son ami ;
- Reste encore !
Dan sourit ;
- Encore un peu oui ! Mais ne compte pas sur moi pour rester adjoint jusqu’à la fin de mes jours ! Je ne supporterais pas Ted aussi longtemps, crois-moi !
Richie se mit à rire ;
- Ca a toujours été ton défaut ! Tu n’es pas patient !
- Rich, on restera amis ?
Sa voix était redevenue grave et inquiète.
- Les meilleurs amis. Tu viendras passer Thanksgiving chez nous ! Tu seras toujours le bienvenu, tu le sais !
Dan sourit ;
- On verra si j’ai le temps !
- Ou si tu n’es pas en prison pour avoir triché aux cartes ! continua Richie.
- Qui sait ?
- Dan, tu me manqueras, tu sais !
Dan fut touché par ces quelques mots. Il n’y avait rien d’autre à faire que de laisser courir la vie. Richie serait heureux avec Elsa et lui partirait. Il ne pouvait pas rester en place. Il était heureux pour son ami, et jamais ne lui reprocherait de le laisser, et Richie était désolé qu’ils se séparent ainsi. Ils étaient compagnons d’infortune. Dan partirait l’hiver passé. Il rit ;
- Hé ! Je suis pas encore parti ! Alors, garde tes adieux ! Une partie de cartes ?
Richie acquiesça avec grand plaisir. Peut-être était-ce leur dernière partie de poker ?

Johnnie leva les yeux vers le ciel, et un sourire se dessina sur ses lèvres en voyant l’enseigne du saloon. Il rajusta son chapeau sur sa tête et entra d’un pas ferme dans l’établissement. Il regarda autour de lui ; des filles légèrement vêtues portaient des plateaux chargés de boissons, autour des tables, des joueurs misaient, l’air sentait la bière… Johnnie se sentait un homme. Il s’approcha d’une table où une partie de poker allait commencer, et demanda ;
- Je peux jouer ?
Les hommes, des cow-boys, le regardèrent surpris avant d’éclater de rire. L’un d’eux lui répondit ;
- Tire-toi de là, gamin, et reviens quand tu seras un homme !
- Je suis peut-être un gamin, mais je sais jouer. Et j’ai de quoi miser !
Les rires redoublèrent ;
- Désolé, Petit, on n’accepte pas les bonbons !
Johnnie sortit alors de sa poche quelques billets qu’il avait dérobé à Brad. Il pensait qu’ainsi, il attirerait son attention, mais il n’en avait rien été. Brad ne l’avait peut-être même pas remarqué. Alors pourquoi cela ne lui servirait pas à jouer ? Son argent attira l’attention des joueurs, et les firent aussitôt changer d’avis ;
- D’accord, assieds-toi ! Comment tu t’appelles ?
- Johnnie Parkinson.
- Bien Johnnie. Moi, c’est Benton. Lui Howard et enfin Mills.
Johnnie très sérieux leur serra la main, ce qui les fit rire. Benton, un chasseur de primes de passage, à la moustache brune, s’amusait de la présence de ce garçon à leur table de jeu. Il serait une victime facile. Il lui proposa ;
- Tu boiras bien quelque chose !
Et Benton commanda à l’une des serveuses ;
- Rosie, apporte du whisky pour mon ami !
La jeune femme ouvrit de grands yeux mais obéit. Johnnie était heureux qu’on le considère enfin comme un homme ! N’en déplaise à Brad, Ted et au monde entier, Johnnie était heureux de jouer à une table de poker.

Brad arrivait lentement chez Samantha. Il se demandait comment elle allait le recevoir. Il ne se posa pas plus longtemps la question ; le bruit très caractéristique d’une carabine qu’on arme lui fit immédiatement arrêter sa monture. A l’entrée de son domaine, Samantha le tenait en joue ;
- Qu’est-ce que tu fais-là ?
La voix de la jeune femme était dure, ses traits aussi. Brad expliqua ;
- Ted m’a dit de venir pour réparer ton toit !
- Retourne d’où tu viens ! Tu n’as rien à faire ici !
- Si. Je dois réparer ton toit ! répéta Brad calmement.
L’arme de Samantha ne lui faisait pas peur. Il savait qu’elle était capable de tirer, mais il était persuadé qu’elle ne le ferait pas. Elle continua ;
- Fiche le camp ! Tu m’as mise à la porte de l’office, je te mets à la porte de mes terres !
Elle se vengeait. Ce n’était pas plus mal pour Brad, mais il se permit quand même d’insister ;
- Si je ne répare pas ton toit, Ted va me tuer !
- Justement ! Raison de plus pour que tu retournes là-bas !
Brad demanda ;
- Et si je force le passage ?
- Je te descends ! affirma Samantha, déterminée.
Brad sourit ;
- Tu sais que je tire mieux et surtout plus vite que toi ! Tu n’auras même pas le temps d’appuyer sur la détente, que tu seras à terre !
Enervée par tant d’assurance et par le peu d’effet qu’elle provoquait chez Brad, elle tira aux pieds du cheval. L’animal eut un mouvement de recul, mais Brad n’avait pas bronché. Au contraire, il rit ;
- Dis-moi, tu tires aussi bien que Johnnie !
Elle hurla ;
- Va t'en, Brad ! Va t’en !
Il hocha la tête ;
- D’accord. Mais ne te plains pas si ton toit fuit !
Il fit demi-tour, mais quelques pas plus loin, il se retourna ;
- J’avais dit à Ted que ce n’était pas une bonne idée !
Et il s’éloigna. Samantha le regarda partir, quitter sa terre, alors qu’elle aurait tant voulu qu’il reste ! Une fois qu’il fut hors de vue, elle baissa son arme, et se laissa glisser à terre. Elle mit la tête entre ses bras et pleura.

Un attroupement s’était formé devant le saloon ; les badauds avaient l’air réjouit et se poussaient pour voir ce qu’il se passait à l’intérieur. C’est ce que vit Anthony, alors qu’il arrivait à San Theodor. Il avait passé son temps de fermes en fermes à rassembler les plaintes des propriétaires ; des violations de domicile, du braconnage, et beaucoup de protestations contre l’hiver très humide qui sévissait. Anthony avait cessé de leur répéter qu’il ne pouvait pas mettre en prison le temps, ni obliger le soleil à briller ; il prenait sur lui et compatissait à leurs soucis. Le garçon avait décidé de revenir en ville pour rejoindre Dan et Richie, et ainsi passer le temps qu’il restait avant le repas à pêcher quelques poissons pour se détendre. Il aurait bien été retrouvé Brad, mais ce dernier depuis un certain temps se montrait quelques peu asocial. L’attroupement lui indiqua qu’il trouverait sûrement ses acolytes au saloon à régler le problème en cours. Anthony espérait secrètement que ce n’était pas Dan qui avait créé cette cohue. Il se faufila à travers la foule pour atteindre l’entrée du débit de boissons, joua un peu des coudes et réussit enfin à y pénétrer. Et là, quelle ne fut pas sa surprise de découvrir à une table de jeux, non pas Dan mais Johnnie. En mauvaise posture d’ailleurs. L’enfant était tenu en joue par un homme aux moustaches brunes qu’Anthony n’avait jamais vu.
- Allez gamin, rends ce que tu as pris, et on en restera là !
- Pas question ! cria Johnnie. J’ai gagné, c’est à moi !
Anthony nota d’un coup d’œil la main de Johnnie crispée sur une liasse de billets. Il regarda autour de lui mais aucun signe de la présence de Dan ou Richie. Où étaient-ils encore passés tous les deux ? Anthony devrait-il agir seul ?
- Fais pas l’imbécile, Petit ! Tu ne croyais quand même pas qu’on allait laisser un mioche repartir avec un tel gain ?
- Je suis pas un mioche ! Je suis un homme, et j’ai gagné ! Et je repartirai avec ses billets que vous le vouliez ou non !
L’homme, Benton, éclata d’un grand rire ;
- Et tu comptes faire comment ? A part me tuer, tu n’as aucune chance d’y arriver !
Johnnie se redressa de toute sa stature et déclara avec sérieux ;
- Alors, je vous tuerai !
Un "oh !" de surprise secoua les spectateurs. Benton fut également surpris d’une telle assurance et d’un tel sang froid. Il ironisa ;
- Oh ! Oh ! Le "grand" Johnnie me proposerait-il un duel ? Soit…
Anthony ne pouvait plus reculer ! Il n’allait pas laisser cet homme tuer Johnnie ! Ce ne serait pas un duel, mais un meurtre !
- Stop ! On arrête tout ! On pose les armes, et on retire ses mains de l’argent !
Johnnie et Benton se tournèrent vers Anthony qui était intervenu sans s’en rendre compte, et avait sorti une arme. Il continua ;
- Je vous rappelle que les duels sont interdits en ville !
Benton, notant l’étoile qui ornait le col de la veste d’Anthony et considérant que l’affaire était de peu d’importance, posa immédiatement son arme.
- Si c’est l’adjoint du shérif qui l’ordonne, j’obéis !
Anthony se tourna vers l’enfant qui n’avait pas bougé le petit doigt, tenait toujours fermement les billets ;
- Johnnie ! reprit Anthony.
L’enfant enleva ses mains de la table de jeux et les enfonça rageusement dans ses poches. L’adjoint se tourna vers Benton ;
- Vous n’avez pas honte ? Vous en prendre à un enfant !
- Excusez-moi Monsieur l’adjoint, mais ce gamin est coriace ! Bien sûr, je ne lui aurais pas fait de mal, je voulais juste lui donner une leçon ! assura Benton, d’une voix bienveillante.
Anthony n’en fut pas dupe ;
- La prochaine fois que vous voulez donner une leçon à quelqu’un, abstenez-vous de sortir votre colt ! Ca ira pour cette fois, mais que je ne vous reprenne pas à menacer qui que ce soit dans cette ville !
Anthony s’étonnait lui-même. Il ne pensait pas qu’il pourrait tenir tête ainsi au joueur. C’était la deuxième fois, et il en était plutôt satisfait ! Benton répondit ;
- Bien sûr, Monsieur l’adjoint. Mais il faudrait aussi tenir ce mioche, avant qu’il termine mal !
Johnnie réagit aussitôt ;
- Je ne suis pas un mioche, et je récupérerai mon argent, même si je dois vous tuer !!
Anthony attrapa l’enfant par le col de sa chemise et le traîna vers la sortie du saloon ;
- Toi, tu te tais et tu me suis !
Alors qu’ils se frayaient un passage parmi la foule, ils entendirent la voix moqueuse de Benton ;
- Ouh ! Je ne marcherai plus dans les rues sans trembler à l’idée de rencontrer le "grand" Johnnie !
Anthony poussa sans ménagement l’enfant devant lui, et une fois dehors, le poussa si fort qu’il tomba dans la poussière, et hurla ;
- T’es devenu fou ou quoi ?
Mais dans le feu de l’action, aucun d’eux ne s’était rendu compte que Art Mackensie, le maire, avait assisté à toute la scène.

Brad était rentré à la Vieille Grange. Il allait devoir expliquer son fiasco auprès de Samantha. Ted devait être chez Elsa, car le domaine était désert. Pourquoi retarder l’inévitable. Le shérif laisserait exploser sa colère, et imaginerait sûrement que c’était de sa faute. Il n’aurait pas tort, mais il l’avait prévenu. Brad alla directement chez Elsa, frappa et entra. Il découvrit Ted, fumant sa pipe, bien installé dans un fauteuil. Celui-ci leva les yeux à son entrée, et fronça les sourcils aussitôt ;
- Déjà de retour ?
Brad étendit les mains en signe d’impuissance, et expliqua d’une voix innocente ;
- Elle m’a jeté dehors !
Elsa se tenait dans l’encoignure de la porte, et le regardait. Ted ne comprenait pas ;
- Pourquoi aurait-elle fait ça ?
Brad hocha la tête ;
- Allez savoir avec les femmes ! Je vous avais dit que c’était une mauvaise idée !
La colère se mit à bouillir en Ted. Qu’avait donc fait Brad pour se faire traiter ainsi ? Il cherchait vraiment les problèmes ! Qu’allait-il faire de lui ? Il allait lui répondre quand il croisa le regard d’Elsa, qui l’apaisa aussitôt. La jeune femme s’approcha de Brad, et lui demanda avec douceur ;
- Voudrais-tu une part de tarte, Brad ? Elle sort juste du four.
Brad fut surpris par ce ton. Il ne s’attendait pas à ça, et encore moins à ce que Ted se lève, quitte la maison en disant ;
- Bon, moi, je vous laisse !
- Assieds-toi ! l’engagea Elsa.
Comme un automate, Brad obéit et la jeune femme déposa devant lui une assiette garnie d’une appétissante part de tarte à la pâte dorée et aux pommes caramélisées.
- Tu veux du café ?
Et avant qu’il puisse lui répondre, elle déposait devant lui une tasse fumante ! Soudain, il comprit. Elsa n’agissait pas ainsi sans but. Elle avait quelque chose à lui dire ou lui demander. Il saisit brusquement son bras ;
- Arrêtez ça !
Elsa eut l’air surpris ;
- Arrêter quoi ?
Il continua agacé ;
- Ca ! La tarte, le café, ce ton trop gentil ! Si vous avez quelque chose à me dire, faites-le sans détour ! Si pour me dire que je ne m’occupe pas assez d’Anthony, je vous ferai remarquer qu’il se débrouille très bien seul, et qu’il n’a pas besoin de moi ! Et si c’est pour critiquer la façon dont je traite Johnnie, je vous rappelle que vous avez promis de ne pas vous en mêler…Et si c’est pour me confier une autre âme en péril, je vous dis non tout de suite ! Alors ?
Elsa était étonnée de l’agressivité dont il faisait preuve. Il ne lui avait jamais parlé avec un ton aussi dur ! Comme Ted, elle avait remarqué le changement qui s’était opéré chez le jeune homme. Il était redevenu si fermé, si distant, et il avait perdu de sa jeunesse. Mais contrairement à Ted, elle avait compris ce qui minait Brad. S’il ne voulait pas souffrir, il ne voulait encore moins que les autres souffrent, et pour cela, il fallait que personne ne s’attache à lui, car Bradley Thomas était persuadé qu’il n’atteindrait pas ses vingt-cinq ans ! Elle s’installa près de lui, et d’une voix très douce, lui dit ;
- Je ne veux pas te demander de protéger plus Anthony, je ne veux pas te parler de Johnnie, et je veux encore moins que tu prennes soin d’une autre âme perdue, comme tu dis. Mais je me demandais ; qui prend soin de toi ?
- Je n’ai besoin de personne ! dit-il durement.
- Et tu te trompes ! Fuir le monde ne te rendra pas plus heureux, et ne nous épargnera pas plus ! Il faut que tu acceptes notre aide, notre amitié, et tous les moments de bonheur ! Pourquoi refuser toutes nos marques d’affection ?
Il tourna la tête, et la regarda dans les yeux. Elle fut saisie par son regard désespéré ;
- Pour que personne ne me regrette ! dit-il d’une voix sourde.
Elle lui prit la main ;
- Dis-toi que c’est trop tard ! Peu importe ce que tu feras aujourd’hui ou demain, je te regretterais ! Ted te regrettera, Dan, Richie, Anthony… Ils penseront toujours à toi. Et Johnnie, pour lui, tu seras toujours un héros qu’il admirera, et aimera ! Tu ne peux pas empêcher les gens de t’aimer !
Brad dégagea brusquement sa main, et se leva. Faisant face à Elsa, lentement, il se mit à applaudir ;
- Belle tirade, Elsa ! C’est tout ? Je peux partir maintenant ?
- Brad…
- Laissez tomber ! Vous ne pouvez rien pour moi ; alors gardez bien la tarte pour Richie ! Moi, j’ai l’appétit coupé !
Et il partit en claquant la porte. Ca devenait une habitude chez lui. Pourquoi ce garçon était-il si mal dans sa peau ? Il avait fermé tellement de portes que personne ne pourrait jamais l’atteindre ! Brad, qui avait pourtant besoin d’amour, était terrifié à l’idée de perdre ce bien si précieux. Il préférait le garder loin de lui pour ne pas risquer de le perdre, pour ne pas risquer qu’on le perde, lui, et qu’on le pleure comme on avait pleuré Cris ! Elsa n’avait aucun doute ; Brad avait le cœur chargé d’amour, mais personne ne lui avait appris à le donner et encore moins à le recevoir. Toute sa vie, il s’efforcerait à ne pas tomber dans la faiblesse. Il voulait ne rien regretter. Mais à force de durcir son cœur, Brad perdrait le goût de vivre. Elsa priait pour qu’il ne soit pas trop tard.

A peine était-il sorti de la maison que Brad tomba sur Anthony et Johnny. Immédiatement, Anthony, qui tenait toujours Johnnie par le bras, l’interpella ;
- Hé Brad !
Il se tourna violemment vers lui ;
- Quoi encore ? Vous pouvez pas me foutre la paix, non ? C’est trop demander ? La paix, je veux la paix ! C’est clair, non !
- Johnnie a provoqué un type en duel au saloon ! lâcha Anthony d’une traite.
Brad stoppa net. Il dévisagea l’enfant qui leva la tête et dit effrontément ;
- Laisse tomber Anthony ! Il y a longtemps que mon sort ne l’intéresse plus !
Brad fut touché par cette remarque. Ce n’était pas vrai. Le sort de Johnnie le préoccupait, malgré lui. L’aveu d’Anthony avait été comme une bombe sur lui. Johnnie avait provoqué un duel. Cet enfant qui ne savait pas tirer ! Il aurait pu se faire tuer !
- Tu es fier de toi ? demanda Brad.
- Oui ! Il faut bien que je provoque des duels, puisque tu ne veux même pas m’apprendre !
Brad, piqué au vif, lui répondit froidement ;
- Alors, vas-y, si c’est comme ça que tu veux apprendre ! Vas-y ! Provoque des duels ! Va te faire tuer !
- Personne ne me regrettera de toutes façons ! hurla l’enfant au bord des larmes, devant l’impassibilité de son héros.
Et Brad se sentit alors confronté à sa propre situation. La différence était que Johnnie voulait qu’on se souvienne de lui. Et Brad savait qu’il le regretterait. Mais comment lui dire qu’il ne voulait pas le perdre ? Johnnie avait le regard perdu, attendant un mot, une parole, qui l’aurait rassuré sur les sentiments que Brad avait à son égard. Le jeune homme ne dit rien. Il tourna les talons et continua son chemin. Dans son dos, il entendit le cri d’un enfant blessé ;
- Je te déteste !
Le cœur de Brad se serra. Au moins, personne ne lui en voudrait de mourir, un jour !

Installé à une petite table du saloon, Art Mackensie assistait à un étonnant spectacle. Quand il aperçut que Wilson qu’il avait envoyé chercher pour assister à la scène qui se déroulait sous ses yeux était entré, il s’empressa de lui faire signe de le rejoindre. Wilson le rejoignit et avant qu’il ne puisse parler, le maire l’invita à prendre place ;
- Asseyez-vous, Wilson ! Asseyez-vous, et contemplez ce magnifique spectacle !
Wilson regarda dans la direction indiquée et vit, attablés non loin, Dan et Richie. Les deux hommes passablement ivres parlaient fort , riaient et étaient partis pour commander une autre bouteille. Wilson n’en croyait pas ses yeux. Mackensie claironna ;
- Ah, ils sont beaux les adjoints du shérif ! Quelle bonne représentation de l’ordre ! Des ivrognes ! Et encore, vous avez loupé le plus beau ! Avant que ces deux-là n’arrivent, il y a failli y avoir un duel ici ! Et provoqué par le gamin qui vit à la vieille grange !! Je vous avais dit que votre idée ne nous amènerait que des ennuis !
Wilson fut gêné. Les éclats de voix de Dan attirait l’attention de tous les consommateurs, amusés de voir ces représentants de la loi, dans un si piteux état. Cependant, Wilson défendit ;
- Allons, Mackensie ! Vous n’allez pas faire une montagne d’un malheureux écart !
- Un écart? Mon cher, dois-je vous rappeler, que ces hommes ont été embauchés pour rendre la ville plus sûre et ramener l’ordre, et jusque là, que nous ont-ils offert ? Une bagarre dés le premier jour, l’un d’eux a tiré sur mon fils et n’a toujours pas quitté la ville, un de ceux que j’ai embauchés pour le convoi s’est fait tuer, le père d’un autre n’a rien trouvé de mieux que de venir cambrioler notre banque, alors permettez-moi de douter de leur efficacité ! Ce serait eux qu’il faudrait expulser de la ville !
Wilson ne pouvait dire le contraire. Même s’ils avaient contribué à apaiser la ville, ils avaient créé pas mal de problèmes. Le maire continua ;
- Wilson, puisque vous êtes ami avec notre shérif, allez lui dire que c’est mon dernier avertissement. A la prochaine incartade, je jette tout le monde hors de ma ville, et ils iront semer le trouble ailleurs ! Compris ?
Wilson approuva. Aucune protestation ne serait crédible, alors que Richie venait de tomber brutalement de sa chaise et riait.
- Et mettez-les moi dehors ! Qu’ils aillent cuver ! conclut le maire.
Wilson, peu fier, s’approcha des adjoints qui le saluèrent gaiement ;
- Wilson, on vous offre un verre ? proposa Dan, les yeux vitreux, la voix bégayante.
Passée la partie de cartes dans l’office, Dan avait réussi à traîner son ami au saloon, prétextant qu’ils n’auraient plus souvent l’occasion de boire un verre ensemble. Richie s’était laissé tenter, en souvenir du bon vieux temps, et voilà qu’à chaque fois, qu’ils se trouvaient tous les deux dans un saloon, ils avaient du mal à se maîtriser ;
- Vous ne croyez pas que vous avez assez bu ?
- Non ! Richie peut-être…
Richie se releva péniblement, se rassit et tenta de se servir un autre verre. Dan continua en riant bêtement;
- Richie, il a jamais tenu l’alcool !
Wilson enleva la bouteille des mains de Richie, et tenta de les raisonner ;
- Vous vous donnez en spectacle ! Vous êtes quand même les adjoints de Ted !
- Et alors ! répliqua Dan, d’une voix forte, alors que Richie semblait incapable de réagir. On est des hommes ! Et on a aussi le droit de se détendre ! Et puis, on fête quelque chose ! Vous saviez que Richie allait épouser Elsa !!
- Je m’en fiche ! Le maire est là !
Dan, également sous l’effet du whisky, tourna lentement la tête vers Mackensie, et le salua en criant ;
- Hé ! Salut, Monsieur le maire ! Rich, dis bonjour à Monsieur le maire !
Pour toute réponse, Richie rota, ce qui fit rire Dan.
- On va partir ! les informa Wilson. Puis, il regarda avec inquiétude Richie ;
- Il va pouvoir tenir à cheval ?
Dan se mit à rire encore plus fort ;
- Il ne peut même plus tenir sur une chaise !
Wilson prit sur lui de ramener à Ted ses deux terribles adjoints. Aidé par Dan, qui accepta de bon gré de quitter l’établissement, il soutint Richie, et l’emmena à l’extérieur sous les quolibets et les rires des consommateurs.

La porte de la maison d’Elsa se dressait devant Samantha comme barrière insurmontable. Allait-elle oser frapper ? Il le fallait. Elle avait beau être forte, elle ne pouvait plus supporter seule ce qui oppressait son cœur. Elle avait besoin d’aide, de parler, de se faire consoler. Elle frappa. Lorsque la voix chantante de la Suédoise lui répondit, elle ouvrit la porte mais resta sur le seuil, incapable de faire un pas. Elsa fut surprise de voir la jeune fille sur le pas de sa porte. Immédiatement, elle vit dans ses yeux une grande détresse, et lorsqu’une larme commença à couler sur sa joue, Elsa n’hésita pas ; elle ouvrit grand ses bras. Samantha vint presque s’y jeter, et laissa libre cours à ses larmes. Ce qu’elles se dirent resta dans le secret de la petite maison d’Elsa, mais elles sellèrent ce jour, une grande amitié.

Ted faisait les cent pas. Il avait rassemblé ses adjoints et Elsa devant la grange, et leur faisait face. Wilson se tenait à ses côtés. Ce dernier avait ramené Dan et Richie quelques heures auparavant. Le shérif s’était efforcé de les dessoûler, avant de rassembler tout le monde. Peut-être que finalement une mise au point s’imposait ! Car Ted avait pris l’avertissement du maire au sérieux. Il savait que si de telles choses se renouvelaient, il risquait de tout perdre. Et il ne voulait pas perdre "ses" gars !
- Lorsque vous êtes arrivés ici, je vous ai énoncé quelques règles, et j’ai l’impression qu’il est temps de vous les rappeler !
Dan et Richie baissaient les yeux, un peu honteux. Et si Dan craignait les représailles du shérif, Richie appréhendait celles d’Elsa. Jusque là, elle n’avait pas dit un mot. Sans manifester aucune déception ou colère, elle avait préparé du café qu’elle leur avait fait boire brûlant, et s’était abstenue de tous commentaires. Et pour Richie, ce silence était pire que tout. Maintenant que les vapeurs d’alcool avaient libéré son esprit, il se rendait compte que par sa conduite, il risquait de perdre la jeune femme. Il ne le supporterait pas !
Brad, appuyé contre un des piliers de la grange, assistait à la mise au point de Ted, d’un air détaché, comme si cela ne le concernait pas. L’état pitoyable de ses amis ne l’avait presque pas distrait de son occupation favorite ; il avait à peine levé les yeux de son colt lorsqu’ils étaient revenus soutenus par Wilson. Anthony jetait des regards vers Brad, qui ne semblait pas le remarquer. Anthony, encore secoué par son intervention au saloon, en voulait à Brad de délaisser ainsi son élève. L’élève, lui, très fier de ce qu’il venait d’accomplir, était sûrement le seul à montrer un visage avenant aux reproches de Ted. D’ailleurs, il n’avait pas à s’inquiéter, il n’était pas adjoint, lui !
- J’avais dit, pas d’alcool, et voilà dans quel état certains reviennent ! Alors, qu’ils étaient sensés parer à tous débordements dans cette ville ! Et qu’est-ce que j’avais dit sur le poker ? Pas de jeu d’argent, et pas de duel ! Vous vous rendez compte que vous avez enfreint toutes ces règles ! Vous vous rendez compte que c’est vous qui semez le trouble dans cette ville ?
- Il faut nous renvoyer, alors ! lança Brad, comme s’il s’agissait d’une solution évidente.
Ted s’approcha de lui, et dit doucement ;
- Et ça se terminera sûrement comme ça ! Et je peux te dire que ce n’était pas ainsi que je voyais les choses finir. Je pensais que vous seriez tous assez adultes et raisonnables pour que tout se passe bien… Je me trompais !
Brad se redressa, et se sentant visé, se défendit ;
- Eh ! C’est pas moi qui me suis saoûlé à m’en rendre malade ! Alors, vous en prenez pas à moi !
Le ton de Ted monta d’un seul coup ;
- En effet, ce n’est pas toi qui t’es saoûlé, mais tu as fait pire ! Tu as décidé de prendre en charge Johnnie et tu l’as laissé livré à lui-même ! C’est à cause de toi qu’il s’est retrouvé au saloon !
- A cause de moi ? Elle est bonne celle-là ! Et pourquoi pas m’accuser de tous les maux de la terre, aussi ?
Brad contestait comme toujours. Ted aurait pu lui répondre, mais il préféra se taire. Ce fut Anthony, dont les mots brûlaient les lèvres, qui réagit et cria à Brad, d’une voix frémissante ;
- Pourquoi tous les maux de la terre ? La détresse de Johnnie sera suffisante ! C’est de ta faute, Brad ! Tu lui as fait des promesses, tu devais t’occuper de lui, lui apprendre à devenir quelqu’un de bien, il t’admirait, et tu l’as lâchement laissé tomber ! S’il a fait ça, c’est parce qu’il espérait que tu viendrais le défendre ! Un jour, je lui ai dit que tu traverserais le pays pour lui, et tu n’as même pas été capable d’aller jusqu’au saloon !
- De quoi je me mêle ? lança Brad, agressif, envers les reproches d’Anthony qu’il savait fondés.
- Il t’admirait ! Il voulait devenir comme toi, c’est tout ! Moi aussi, je t’admirais !
- Je t’avais dit qu’il ne fallait pas…
- Tu n’avais pas le droit de le laisser tomber ! Il aurait pu se faire tuer !
- Mais, bon sang, Anthony, en quoi ça te regarde !
Johnnie ne disait rien, tellement surpris qu’Anthony prenne son sort à cœur. Il avait un peu raison, si Brad ne l’avait pas mis de côté, il ne serait jamais allé au saloon. Il était curieux de voir ce que son protecteur aurait à dire. Dan et Richie étaient sortis de leurs pensées. Anthony réagissait violemment, et il s’en prenait à Brad ! Mais le garçon, ce jour là, n’était nullement impressionné par celui qu’on appelait le tueur. Ce jour-là, il voulait lui dire le fond de sa pensée, peu importaient les conséquences;
- Ca me regarde parce que… parce que moi, je ne veux pas que tout ça s’arrête ! Je ne veux pas qu’on soient renvoyés, je veux que personne ne se fasse tuer… Je veux continuer à vivre ici, avec Ted, Elsa et tout le monde… Avec toi aussi…Et je ne veux pas risquer de tout perdre à cause de deux ivrognes et à cause de toi…
Ted jugea alors bon d’arrêter son protégé ;
- Doucement, mon garçon, doucement !
Puis, il jaugea du regard, un par un, tous ses adjoints, choqués par les propos d’Anthony et leur dit simplement ;
- Moi non plus, je ne veux pas que ça s’arrête ! Le maire nous laisse une dernière chance. Ne la gâchez pas ! Au risque de tout perdre ! Disparaissez !
Alors, qu’ils s’éloignaient tous à pas lents, Ted se rendit compte que la mise au point qu’il comptait faire, avait été en réalité faite par Anthony. Avec ses mots de garçon qui n’a pas eu de chance, il avait livré les craintes de chacun. Et cela avait fait plus d’effet que le sermon qu’il se préparait à leur servir. Anthony avait surmonté ses angoisses, s’était opposé à Brad, et avait fait part de ses craintes les plus secrètes. Ted avait une tendresse particulière pour Anthony.
Elsa, elle aussi secouée par tout ce qui venait de se passer, retint Richie par le bras, et lui souffla ;
- Tu ne vas pas t’en sortir comme ça !
Richie se sentit soulagé. Enfin, elle allait laisser libre cours à sa colère.
Brad avait été touché par les reproches du garçon. Il avait d’abord été surpris, car il jugeait Anthony comme un garçon calme et pacifique, mais que celui-ci prenne la défense de Johnnie, s’oppose à lui alors qu’il l’avait toujours soutenu les yeux fermés l’avait stupéfait. Anthony était devenu un homme. Alors que Johnnie passait tout près de lui, Brad l’attrapa par le cou et l’attira à lui, et lui murmura à l’oreille ;
- Toi, si tu recommences une chose aussi stupide, je te tue !
Et il laissa Johnnie bouche bée, derrière lui.

Chapitre 13

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