Sur la frontière


Une amitié

MARS 1852

Six heures. Comme tous les matins, le sergent Kirby entra dans l’écurie, sa lampe tempête à la main, et fit le tour des box. Tout semblait calme. Les chevaux bougeaient à peine. On n’entendait que leur respiration tranquille. Le bruit de mâchoires en action ou le crissement de la paille se mêlaient parfois au souffle des naseaux d’où sortait un peu de vapeur. Il faisait bon, ici, malgré le froid encore prenant du petit matin. Le sergent s’attarda un moment devant Bérénice. La jument maintenant énorme mettrait bas d’un jour à l’autre. Pour l’instant, elle ne semblait guère s’en préoccuper. Elle tourna vers l’homme sa grosse tête aux yeux doux et au nez blanc, puis revint à sa mangeoire. Le soldat n’était même pas pour elle un objet de curiosité. Elle le connaissait trop bien et avait l’habitude de ces visites matinales. Kirby passa d’un box à l’autre et s’arrêta, étonné, devant Black Storm. Contrairement à la jument, l’étalon se montrait toujours nerveux quand on approchait son refuge. Or, aujourd’hui, il ne leva même pas la tête en l’entendant. Le sergent haussa sa lampe au dessus de la porte. L’animal se tenait contre le mur de droite, le nez dans la paille. A son opposé, il distingua clairement une forme allongée sur la botte éparpillée, à moitié dissimulée sous une couverture militaire.
"Fanny ?" s’exclama-t-il, sentant une angoisse sourde le gagner.
Le cheval leva la tête et le regarda. Puis, il étendit le cou vers la petite fille et souffla sur son visage. Kirby vit avec soulagement une main écarter les naseaux, tandis qu’elle grognait : "Arrête, Black. C’est pas drôle."
"Qu’est-ce que tu fais là ?" s’écria Kirby, prêt à entrer. Ce n’est qu’en la voyant se frotter les yeux qu’il réalisa que le cheval se tenait volontairement éloigné d’elle, comme s’il avait craint de lui faire du mal par mégarde. Le vieux sergent comprit alors qu’il ne serait jamais un danger pour elle.
"Sergent ? Quelle heure il est ?
– Six heures. Ne me dis pas que tu as passé la nuit ici !
– J’étais trop énervée pour dormir. Alors je suis venue tenir compagnie à Black Storm. Je crois qu’il est anxieux, lui aussi." Kirby se rappela que c’était aujourd’hui le grand jour. Après plus de six mois de travail acharné pour dresser Black Storm et lui faire accepter selle et bride, le commandant avait enfin donné son accord pour que Fanny le monte en extérieur.

Il s’était passé bien des choses, depuis l’arrivée du bronco fou. D’abord, elle ne s’était pas risquée à renouveler son exploit. Si l’animal l’avait tolérée le premier jour, il n’en était pas moins un cheval sauvage auquel il restait tout à apprendre. Le commandant lui avait imposé des règles qu’elle se devait de respecter si elle ne voulait pas qu’on lui enlève Black Storm. Avant de le monter, il lui fallait prouver qu’il n’était plus dangereux. Fanny s’était donc attelée à la tâche. Elle avait décidé de garder la même ligne de conduite : douceur, communication et friandises. Son but était de gagner la confiance du mustang et de la garder. La première épreuve avait été de lui faire accepter d’autres humains. On l’avait donc laissé dans un corral proche de la place d’armes, lieu de passage obligé de la plupart des habitants du fort. Plusieurs jours à voir des soldats aller et venir, et il finit par ne plus y prêter grande attention.
Dès l’aube, Fanny était à la barrière avec une pomme ou un croûton de pain et l’appelait. Reconnaissant sa jeune amie, l’animal venait la saluer. Alors, elle lui parlait pendant des heures de la vie du fort, des projets qu’elle formait pour eux deux. C’est elle qui venait lui apporter de la paille et du foin, qui remplissait son abreuvoir et qui versait à ses pieds sa ration de grain tous les soirs. Il finit par connaître le rituel et par attendre chacune de ses visites. Et s’il lui arrivait d’être en retard, Black Storm commençait à piaffer et tournait en rond dans son enclos, de plus en plus nerveux. Mais il suffisait à Fanny d’apparaître pour qu’il stoppe net et dresse les oreilles dans sa direction. Au bout d’une quinzaine de jours, Fanny put entrer dans le corral un brosse à la main. L’animal n’accepta pas immédiatement le nouvel objet, mais plutôt que de se montrer brusque, il préférait esquiver la brosse et se réfugiait à l’opposé du cercle au petit trot, d’où il faisait mine de la snober. Ce fut à ce moment-là que John MacLand découvrit à sa fille une nouvelle qualité : la patience. Nullement découragée ou agacée, Fanny s’asseyait contre la barrière et jouait avec la brosse. Parfois, elle sortait de sa poche une pomme dans laquelle elle mordait à belles dents. Elle pouvait alors remarquer le regard oblique et les mouvements de tête indécis de son obstiné compagnon. Et un matin, Black Storm s’était laissé faire. Oh ! Quelques instants à peine, et Fanny avait pris soin de ne pas frotter trop fort. Et puis il lui sembla au fil des jours, qu’il y prenait goût, tout comme lorsqu’il venait se gratter le front contre son dos. Ainsi, jour après jour, l’enfant faisait la conquête de l’étalon des plaines.
Quand l’hiver arriva, à force de persévérance, elle l’avait habitué à la longe et au box. Venait maintenant la phase la plus importante et la plus difficile de son travail : le dressage. Elle s’était pour l’occasion adjoint les services de Ben Kipper qui fut contraint de revoir toutes ses théories et ses méthodes de dressage. Ensemble, il lui apprirent à travailler à la longe et à répondre à la voix. Mais si le caporal était toujours présent dans le corral, prêt à intervenir, c’est bien Fanny qui tenait les rênes. D’ailleurs, l’animal semblait vouloir n’obéir qu’à elle. En peu de temps, elle instaura entre eux un code précis et riche en nuances, fait de mots et de sons, qui différait complètement du langage habituel. Black Storm l’assimila aussi vite qu’elle le mettait en pratique. Bientôt, elle put lui faire faire sur ordre à peu près tout ce dont un cheval est capable, du reculé au demi-tour sur l’épaule ou sur la hanche et au changement de pied au temps. Nul doute qu’elle lui aurait fait faire de la Haute Ecole si elle en avait connu l’existence. Il suffisait d’apprendre en s’amusant.
Mettre une selle à Black Storm fut finalement moins difficile que la première tentative l’avait laissé prévoir. Il n’en alla pas de même pour le mors. Elle se replia donc dans un premier temps sur un licol puis une bride indienne, beaucoup plus souple. La première fois qu’elle le monta, tout le monde retint son souffle. Mais le cheval ne broncha pas. D’une immobilité parfaite, il attendit que la jeune cavalière se fut mise en selle et eut exercé une légère pression des jambes pour faire le premier pas. Il y eut bien quelques ratés dans l’interprétation de certains ordres encore trop subtils, mais l’ensemble donnait un aperçu plutôt réussi, au grand soulagement du commandant.
Tout l’hiver avait donc passé ainsi, occupé par l’éducation d’un chef de bande, travail acharné de tous les jours pour faire d’un rebelle un compagnon sûr. Maintenant qu’il avait compris que rien n’altèrerait jamais la souplesse et la légèreté de la main de sa cavalière, Black Storm avait fini par accepter le mors. Hormis un reste de méfiance envers les autres humains, sa transformation était achevée. Il ne restait qu’une ultime épreuve, capitale : l’extérieur. Rien ne pouvait garantir qu’après des mois d’enferment, il ne retrouverait pas ses premiers instincts en revoyant les grands espaces. Et le grand jour était enfin là. Fanny allait accompagner la patrouille de la matinée. Alors, elle saurait si Black Storm était véritablement son ami.

Le sergent Kirby lui ouvrit la porte du box, et l’obscurité retomba sur le mustang noir. « On part à sept heures tapantes », lui rappela-t-il seulement, alors qu’elle prenait la direction du logement de fonction qu’occupaient le commandant et sa famille. Elle crut un instant, en voyant le visage sévère de sa mère, que la sortie avait toutes les chances d’être annulée, mais le commandant reposa sa tasse et lui sourit. Fanny se dirigea sans discuter vers le baquet que lui désignait Carol MacLand et se débarbouilla avant de s’asseoir entre ses sœurs qui riaient sous cape. Le commandant replia sa serviette et se leva. "Je t’attends à mon bureau dans une demi-heure, en tenue", dit-il simplement en sortant.

A midi, la patrouille était de retour, le pari était gagné, et Fanny jubilait. Comme Ben Kipper le confirma, Black Storm s’était admirablement comporté, seul comme au milieu des autres chevaux, obéissant sans hésitation, ne cherchant pas à se dérober ou à reprendre sa liberté, et passant avec aisance tous les obstacles. Black Storm venait de gagner ses galons de cheval de troupe.
"Bien, conclut le commandant. Vous pensez donc, caporal, qu’il est apte pour n’importe qu’elle sortie ?
– Si c’est Fanny qui le monte, sans aucun doute, mon commandant.
– Alors, nous aurons l’occasion de vérifier ça pendant la tournée de printemps."
Fanny n’en crut pas ses oreilles.
Depuis son arrivée à Fort Laramie, John MacLand faisait deux fois par an le tour des villages et des campements indiens de la région. Ces visites de politesse avaient grandement contribué à construire la paix qui régnait actuellement sur son territoire. Il avait créé par ce biais des relations de bon voisinage qui s’étaient même muées en relations d’amitiés avec certains clans. Car non seulement, le chef des Longs-Couteaux venait à leur rencontre avec une escorte réduite au minimum, mais il ne leur montrait aucun dédain et acceptait leur hospitalité pleine et entière, se pliant à leurs coutumes sans réticence. Ces périodes durant lesquelles son père s’absentait plusieurs jours avaient toujours stimulé l’imagination déjà fertile de la fillette. D’autant qu’il ne manquait jamais de ramener à chacune de ses filles un cadeau troqué dans un village contre du tabac ou quelque autre objet. Et les six sœurs passaient alors des heures à l’écouter raconter tout ce qu’il avait pu y voir, des animaux aux jeux des enfants, des teepees aux magnifiques costumes brodés de perles multicolores. La perspective de découvrir enfin cet univers avec ses propres yeux fit bondir Fanny.
"C’est vrai ? Tu m’emmènes voir les tribus ?
– J’emmène le caporal MacLand, répondit son père avec sérieux. Fais bien attention, Fanny. C’est un voyage de plusieurs jours qui ne sera pas de tout repos. Alors il te faudra obéir constamment et te tenir correctement. Si tu me joues un mauvais tour, je te renvoie illico au fort.
– Tu as ma parole, Papa. D’ailleurs, je suis grande, maintenant. J’ai huit ans, alors je ne dois plus faire de bêtises, répondit-elle d’un ton grave.
– A la bonne heure ! s’exclama l’officier. Nous partirons dans dix jours. Mets donc ce temps à profit pour te préparer au voyage."

A l’aube du grand départ, Carol vint réveiller sa fille. Mais malgré toutes ses précautions, Fanny sursauta et bondit hors du lit. Sa première pensée fut qu’elle était en retard et qu’on allait partir sans elle. Elle se précipita donc à la fenêtre, pour ne découvrir qu’une place d’armes déserte, noyée dans l’obscurité. "Il n’est que cinq heures, fit remarquer sa mère en riant. Tu as tout ton temps." Elle l’aida à faire sa toilette et à s’habiller, puis la coiffa et tressa ses cheveux très serrés. Fanny était tout à fait capable de se débrouiller, mais c’était pour Carol un moment important. Quand elle la reverrait, elle ne serait plus une enfant. Cette expérience allait la faire grandir, et Carol ne serait pas là pour l’aider à franchir cette étape. Elle avait beau se répéter que John serait à ses côtés, ça n’y changeait rien. Elle avait le sentiment de perdre un peu sa fille. Elle sentit son cœur se serrer imperceptiblement quand, une heure plus tard , elle vit le groupe des cinq cavaliers passer la porte du fort en entourant son époux et son enfant.

Le soleil au zénith les vit abordant un étroit sentier au milieu des cèdres. En quittant l’enceinte fortifiée, ils avaient tourné le dos à la rivière qui se précipitait en grondant à travers la plaine, pour prendre la route des montagnes. Plus haut, dans les collines, ils avaient retrouvé la neige qui s’étalait en plaques plus larges au fur et à mesure qu’ils avançaient. Il faisait encore très froid malgré un soleil radieux, et les hommes avaient entonné une chanson pour se donner du courage. Emmitouflée dans son épais manteau, le nez dissimulé derrière une fourrure, Fanny les écoutait de toutes ses oreilles, cherchant à retenir les paroles pour chanter avec eux ensuite. Elle ne perdait pas pour autant une seule miette du paysage pour l’instant encore bien limité par les grands arbres qui les entouraient. Mais il pouvait arriver par endroits que le mur de verdure s’éclaircisse soudain et laisse apercevoir la plaine. Alors elle ralentissait sa monture et contemplait de tous ses yeux la vaste étendue où scintillait un serpent argenté.
"C’est la North Platte, indiqua le sergent Kirby, qui s’était arrêté près d’elle.
– Celle qui passe près de Fort Laramie ? s’étonna-t-elle. Je ne la voyais pas si grande ni si belle.
– Et encore, tu n’en vois qu’un petit bout. Quand le printemps sera bien avancé, elle sortira de son lit et recouvrira tous ces îlots que tu vois. Elle occupera au moins le triple de sa largeur actuelle.
– Comment font les chariots pour la traverser, alors ?" Le sergent la considéra avec surprise. Fanny rougit imperceptiblement et baissa les yeux.
"Je sais, ils n’arrivent que beaucoup plus tard, quand le niveau a baissé. Faut pas m’en vouloir, sergent. Je n’arrive pas à me faire à l’idée que c’est cette rivière qui passe presque devant chez nous.
– Petite Chouette serait-elle stupide ?"
Fanny jeta un regard de travers à l’éclaireur cheyenne qui venait d’arriver à sa hauteur.
"J’suis pas une chouette, marmonna-t-elle, vexée.
– Pourtant, la chouette est un noble animal, répondit Vent-Aveugle, impassible. Un grand chasseur, maître de la nuit.
– Oui, mais c’est pas pour ça que tu m’appelles comme ça, répondit la fillette qui surprit le sourire en coin adressé au sergent.
– Tu chouines comme une chouette", dit l’indien en se penchant vers elle et en lui enfonçant son chapeau sur les yeux, avant de partir d’un grand éclat de rire.
Fanny remit le chapeau en place en souriant benoîtement. Après tout, elle l’avait bien cherché… et elle pensait déjà à autre chose.
"Vent-Aveugle, il est loin, ton village ?
– A une journée et demi de marche d’ici, sur la Wind River.
– Pourquoi tu l’as quitté ?
– Tu es curieuse comme une pie.
– Attention, Fanny, s’exclama Kirby en riant. Il va t’abreuver de tous les noms d’oiseaux qu’il connaît, si tu continues.
– Tant qu’il me traite pas de dinde…", bougonna-t-elle en faisant accélérer Black Storm. Décidément, ce n’était pas drôle du tout. Elle remonta par le côté de la colonne, jeta un coup d’œil circonspect au docteur qui avait tout à fait l’air de dormir, bercé par le pas régulier de son cheval, et rejoignit son père. Quelques minutes plus tard, ils atteignaient le col. De l’autre côté, le chemin redescendait à travers les arbres en longeant le flanc de la montagne. Mais derrière la vallée, on apercevait les sommets neigeux et escarpés des Monts Laramie.
A l’approche du soir, ils débouchèrent sur un replat qui abritait une large clairière. Dans le fond, contre un mur rocheux, la rivière se déversait dans une cuvette après une succession de petites cascades. Puis elle s’enfonçait de nouveau dans la forêt. Des chevaux broutaient à quelque distance. Des poneys indiens, à en juger par les marques de peinture sur la croupe et les épaules. D’ailleurs, leurs propriétaires venaient déjà à leur rencontre. Vent-Aveugle, qui avait rejoint le commandant à l’avant du groupe, les salua en levant la main en signe d’amitié. Ils le reconnurent aussitôt et répondirent à son geste. Puis, ils saluèrent l’officier de la même façon. Ils étaient trois, vêtus de jambières et de tuniques de cuir très simplement ornées. Ils portaient par ailleurs des guêtres par-dessus leurs mocassins, ainsi que des manteaux en peau de bison. L’un d’eux portait un bonnet de fourrure grise, presque blanche, tandis que les cheveux des deux autres, bien que noués de plumes, leur tombaient librement sur les épaules. Kirby s’approcha de la fillette et lui expliqua que c’étaient des chasseurs de la tribu de Vent-Aveugle. Ils avaient fait de bonnes prises le jour même, et ils leur proposaient de se joindre à eux pour la nuit, ce que le commandant venait d’accepter. Les hommes mirent pied à terre et dessellèrent les chevaux qu’ils menèrent à boire. Tandis que Fanny s’occupait de Black, son père était entré en grande discussion avec l’homme à la toque. Elle ne le quittait pas des yeux, perplexe, se demandant d’où pouvait venir une si jolie fourrure.
"C’est du loup, lui glissa Vent-Aveugle, qui avait deviné sa pensée.
– Vraiment ?
– Oui. Loup-Gris a tué un solitaire au couteau pendant ses rites de totémisation. Il s’est fait un bonnet de sa fourrure.
– C’est un tueur de loups ? demanda la fillette, impressionnée.
– Non. Le loup est son esprit protecteur. C’était son épreuve. Ce loup-là avait tué plusieurs de nos chiens et de nos poneys.
– Alors mon totem, c’est peut-être le mustang, dit Fanny. Après tout, j’ai bien dressé Black Storm.
– Je ne crois pas que ce soit ton épreuve, répondit l’éclaireur avec un sourire en coin. Toi, tu es plutôt une chouette."

Alors que les chevaux à l’attache près de la rivière paissaient paisiblement, les hommes avaient allumés des feux et se rassemblaient autour. Loup-Gris avait invité les soldats à partager leur repas. Puis Fanny s’était blottie contre son père pour écouter les récits des chasseurs. La douce chaleur du feu sur son visage et la fatigue de la longue journée ne tardèrent pas à avoir raison d’elle. Mais elle avait beau sentir ses paupières s’alourdir, elle luttait contre le sommeil pour ne pas perdre une parole. Il ne lui semblait pourtant pas s’être endormie, quand elle sursauta. Ce hurlement, était-ce le chasseur qui l’avait poussé, ou bien son rêve ? Ni l’un ni l’autre. Elle en eut conscience en l’entendant à nouveau, et se redressa, l’oreille aux aguets.
"Papa ?
– Oui, Fanny. C’est bien un loup. Ne t’inquiète pas.
– Et Black ?
– Kirby et Jasper surveillent les chevaux. Ils ne craignent rien. Allons, il est temps d’aller te coucher, maintenant."
Prenant la fillette ensommeillée dans ses bras, il se leva et prit congé de leurs hôtes. Puis, il l’enroula dans une couverture et l’allongea près du feu, en posant délicatement sa tête sur sa selle.

Ils atteignirent le village sur le déclin du jour suivant. Après avoir franchi un nouveau col, ils débouchèrent soudain sur la vallée nichée au creux des montagnes où s’écoulait lentement la Wind River. Elle s’étalait dans une large cuvette dont les bords parsemés d’arbres remontaient en pente douce vers des prairies d’altitude encore couvertes de neige. Fanny ne profita pas vraiment du spectacle. La longue route de la journée l’avait épuisée. La marche lui avait parue interminable. En plus, elle commençait à avoir mal aux fesses. Elle s’était retenue à grand peine de demander si on arrivait bientôt ou de se plaindre. Elle se doutait qu’il n’en faudrait pas plus pour mettre un terme à son aventure.
Elle ne vit pas le village tout de suite. Elle entendit d’abord les chiens. Le sergent Kirby lui avait expliqué qu’ils étaient les meilleurs garants de la sécurité du village, ce qu’elle comprenait tout à fait à présent. Elle n’imaginait pas une telle meute. Les premières tentes apparurent ensuite, fièrement dressées sur la prairie, se regroupant à bonne distance de la berge. Les chiens venaient maintenant à leur rencontre en jappant à qui mieux mieux. La colonne se trouva aussitôt assiégée par les enfants qui avaient reconnu les Longs-Couteaux amis et couraient à côté des chevaux en riant et en se poussant. Quelques uns s’arrêtèrent et considérèrent Fanny avec réserve. Nul doute que le cheval les impressionnait, tout comme la cavalière qui avait visiblement leur âge. Ils semblaient se demander s’il ne valait mieux pas rester prudents et se tenir loin des deux. Un ordre les figea. Ils se dispersèrent aussitôt, à l’exception d’un jeune garçon qui regarda s’approcher deux hommes enroulés dans leurs peaux magnifiquement tannées. John MacLand descendit de cheval, confiant ses rênes au sergent, et s’avança à leur rencontre en levant la main.
"Je te salue, Epervier-En-Chasse. La paix t’accompagne.
– La paix t’accompagne, John MacLand. Nous t’attendions.
– La paix t’accompagne, Orage-Du-Matin, répéta le commandant, pour le deuxième indien dont le regard ne quittait pas Fanny.
– Le Grand Esprit est avec toi, John MacLand. Je vois que tu t’es enfin décidé, continua-t-il en désignant la fillette. Il y a longtemps que je l’attends. » MacLand fit signe à Fanny de le rejoindre.
"Voici mon fils Petit-Lynx, enchaîna le chaman, en présentant le garçon qui était resté quand les autres enfants s’étaient enfuis. Laissons-les faire connaissance. Nous avons des choses à te dire."
Les deux enfants demeurèrent face à face longtemps après que les hommes furent entrés dans le teepee du chef. Ils s’observaient en silence, se demandant peut-être qui oserait faire le premier pas. Le manège amusa Vent-Aveugle qui était en train de décharger les chevaux. En passant près d’eux, il enfonça le chapeau de Fanny sur ses yeux : "Et bien, Petit-Lynx est-il un papoose, pour avoir peur d’une chouette ?
– T’es une chouette ? demanda le jeune indien, un sourire moqueur sur les lèvres.
– C’est ça, rigolez bien, pesta Fanny en remettant son chapeau d’aplomb. Je t’avertis que si tu prends exemple sur lui, on risque pas d’être copains.
– Je ne veux pas être copain avec une squaw.
– Hé ! Je suis pas une squaw. Je suis caporal de l’armée des Etats-Unis.
– Tu es une squaw, répondit Petit-Lynx en attrapant une mèche de ses cheveux échappée de la tresse désordonnée et en tirant dessus.
– Et alors ? Toi aussi, tu as les cheveux longs. Ce qui compte, c’est que je suis capable de faire tout ce que tu fais." Petit-Lynx se dit qu’il serait intéressant de la prendre au mot. Il l’entraîna vers la rivière et désigna un petit rocher de l’autre côté, à bonne distance. Puis il prit sa fronde, ramassa un galet bien régulier et le lança. Le caillou percuta le rocher avec un bruit sec. Il tendit la fronde à la fillette qui la regarda perplexe. Elle avait bien observé son geste, mais elle eut du mal à le reproduire. Sa première tentative se solda par un cuisant échec, puisque que le galet tomba à ses pieds. Petit-Lynx éclata de rire. « Ben quoi, me dis pas que tu as réussi du premier coup la première fois que tu as essayé. » Sur quoi, elle remit une pierre dans la pièce de cuir et recommença… avec le même succès. Au sixième essai, la pierre atterrit dans l’eau, et Fanny se dit qu’elle avait saisi l’astuce. Le galet suivant frôla la cible, le suivant la toucha. La fillette se tourna vers son compagnon en souriant de satisfaction. "C’était pas très dur, commenta le garçon en haussant le épaules. Mais bon, peut-être que t’es pas une squaw." Un quart d’heure plus tard, ils riaient ensemble comme deux vieux amis. Et elle lui avait déjà fait promettre de lui apprendre à tirer à l’arc.

Après s’être entraînés sur une souche, Petit-Lynx avait décidé de montrer à sa nouvelle élève que tirer sur une cible mouvante n’avait absolument rien à voir. Le commandant avait prévu de passer trois jours dans le village, le temps pour lui de parler affaires avec Epervier-En-Chasse, et pour le docteur de s’occuper de tous ceux qui auraient besoin de ses services, et en particulier d’ausculter les enfants généralement affaiblis par un long hiver et le manque de nourriture fraîche. Les deux enfants disposaient donc de tout leur temps, et Petit-Lynx n’avait eu aucun mal à obtenir la permission d’emmener Fanny chasser avec lui. Ils avaient donc quitté le village deux heures plutôt pour s’enfoncer à pieds dans la forêt. Malgré ses onze ans, Petit-Lynx avait déjà une bonne carrure et était très autonome. Il était un chasseur de petit gibier confirmé, et il ne lui tardait qu’une chose, pouvoir enfin s’attaquer à plus gros et participer aux chasses collectives. Pourtant, il savait qu’il n’était pas destiné à devenir chasseur. Il était le fils d’un chaman, et une fois adulte, il serait chaman lui-même. Cette pensée ne le contrariait pas outre mesure. Il savait combien sa position était enviable, et qu’elle lui confèrerait un statut privilégié dans la société. S’il savait y faire, il deviendrait un élément clé de la tribu. Tout ça, c’était encore loin. Pour l’instant, il y avait cette fille bizarre qui marchait à côté de lui sur le sentier. Elle était plus jeune que lui, mais il y avait quelque chose de particulier dans son attitude. Une assurance qu’il n’avait jamais remarquée chez une autre fille de son âge. Elle voulait être à part. En tout cas, elle savait suivre une piste, et c’était déjà ça. Le lapin qui pendait à sa ceinture pouvait en témoigner. C’est elle qui l’avait déniché. Il n’avait eu qu’à tirer sa flèche. Par contre, ce qui était épuisant, c’est qu’elle n’arrêtait pas de parler et de poser des questions. Les indiens sont d’habitudes plutôt avares de paroles. Mais son père lui avait dit qu’il n’en allait pas de même pour les blancs. Surtout pour leurs femmes, d’ailleurs. Heureusement qu’elle posait des questions intelligentes. Il n’aurait pas supporté qu’elle parle pour ne rien dire. Alors il s’efforçait de trouver les réponses les plus appropriées, et de lui expliquer patiemment. Mis à part ce petit défaut, il se dit qu’elle pourrait faire un bon guerrier.
Perdu dans ce genre de réflexions, Petit-Lynx ne s’aperçut pas tout de suite qu’elle s’était tue. Ce n’est qu’en la voyant s’arrêter. "Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il, perplexe.
– Tu n’as rien entendu ?
– Si, toi qui parlais beaucoup.
– Ecoutes, ça recommence, dit Fanny, sans relever la plaisanterie. Ca vient de par là."
Cette fois, Petit-Lynx entendit nettement un bruit métallique qui dura plusieurs secondes. Il regarda vers les arbres qu’elle indiquait du doigt et comprit, mais trop tard, qu’elle allait à la rencontre du bruit. Il voulut la retenir, car il savait qu’il n’était pas bon de quitter les sentiers dans cette forêt, mais elle ne l’entendait même pas. Elle avançait à travers les broussailles, suivant ce son intermittent. Ils débouchèrent bientôt sur un sentier beaucoup plus étroit et encombré de végétation. Et là, ils comprirent ce qui les avait guidés jusqu’ici. De l’autre côté du sentier, à demi caché par les buissons, ils virent un animal couché qui semblait lutter pour échapper à ce qui le retenait.
"Un renard argenté, souffla Petit-Lynx. Je n’en ai vu qu’une fois, jusqu’ici.
– Qu’est-ce qu’il est beau, murmura Fanny. C’est si rare que ça ?
– Oui, et c’est un animal sacré, pour nous."
L’animal s’immobilisa et se tourna vers eux, méfiant. Il les regardait de biais, la queue entre les jambes, tremblant et soufflant bruyamment.
"Regarde, sa patte est coincée dans quelque chose, dit Fanny. On dirait un piège.
– C’est la chaîne qui faisait ce bruit bizarre quand il essayait de se dégager.
– On peut pas le laisser là, enchaîna-t-elle, en s’avançant.
– Attends. C’est un animal dangereux. Il pourrait te mordre.
– Qu’est-ce que t’attends pour m’aider, alors ? Ecoutes, tu vas détourner son attention pendant que je m’approcherai. Quand je l’aurai immobilisé, on le décoincera.
– Tu n’y arriveras jamais, remarqua le jeune indien, sceptique.
– Tu veux parier ?"
Fanny fit un pas en avant. Elle vit le renard se coucher sur le côté. Il était visiblement mort de peur. C’était dans ce genre de situation qu’il fallait se montrer le plus prudent. On ne pouvait pas anticiper ses réactions. Petit-Lynx le contourna et, quand il jugea que Fanny était assez près, il se mit à faire du bruit et à remuer les buissons. L’animal tourna la tête vers lui. La fillette en profita. Tout doucement, elle posa une main sur sa nuque et le sentit frémir. Puis elle plaqua lentement la tête au sol tout en le caressant et en lui parlant d’une voix rassurante. Très lentement, elle l’enjamba et s’assit à califourchon sur son corps. Impressionné, Petit-Lynx s’était immobilisé. Il lui semblait que le renard l’écoutait et comprenait ses paroles. Il avait cessé de trembler et ne faisait pas mine de se rebeller.
"Regarde, dit Fanny. Sa patte est blessée, et ça n’a pas l’air très joli.
– C’est en train de s’infecter, répondit le jeune garçon. Attends, je vais préparer un onguent. Il doit y avoir tout ce qu’il faut par ici." Fanny le regarda cueillir quelques plantes. Puis il sortit une pièce de cuir de son sac et une pommade verte qui empestait. Il se mit à écraser les plantes et les mélangea à la pâte jusqu’à ce que le tout soit parfaitement homogène. Connaissant sa camarade, il crut bon de préciser : « C’est un onguent à base de genévrier que mon père m’a montré. Ca va désinfecter la plaie et ça l’aidera à cicatriser. Tiens-le bien. » Fanny se remit à parler au renard en le caressant. Petit-Lynx s’approcha prudemment et examina la patte. Il écarta les mâchoires du piège avec précaution et examina la blessure qui suppurait. Le renard frémit quand il appliqua la pommade, mais ne bougea pas. Il semblait avoir compris que les deux enfants n’étaient là que pour l’aider. Le jeune indien recouvrit l’emplâtre avec la pièce de cuir qu’il noua solidement, sachant très bien que l’animal finirait de toute façon par l’arracher.
"Tu peux le lâcher, maintenant.
– Passe-moi ton outre.
– Quoi ?
– Regarde-le. Ca doit faire un bon moment qu’il est là. Il est maigre et sans force. Laisse-moi lui donner à boire." Comme le jeune indien s’exécutait, Fanny fit remarquer qu’il devait aussi avoir faim, en regardant le lapin que Petit-Lynx avait déposé sur une pierre. Celui-ci s’insurgea en arguant que c’était sa chasse. "Peut-être, mais c’est moi qui l’ai trouvé, ton lapin, rétorqua Fanny alors que l’animal léchait sa main humide. Avec sa patte folle, il risque de ne pas pouvoir chasser pendant un moment. On peut bien faire ça, non ?… En plus, je croyais que c’était un animal sacré, pour vous ?
– D’accord", soupira Petit-Lynx. Il alla chercher sa prise et la déposa devant le renard. Fanny lui murmura encore quelques paroles apaisantes, puis tout doucement, elle se leva et s’écarta de lui. Un peu en retrait, les enfants virent le renard ramper jusqu’au lapin et le renifler un instant. Il se leva avec difficulté et s’approcha encore, puis il le prit dans sa gueule et quitta le sentier en boitillant. Arrivé sous le couvert des arbres, il s’arrêta et les regarda une longue minute, puis il disparut. Petit-Lynx aurait juré qu’il leur disait merci.
Les enfant tombèrent d’accord sur le fait qu’on ne pouvait pas laisser le piège là. La chaîne était solidement fixée, et ils eurent beaucoup de mal à l’enlever, mais ils finirent par en venir à bout. Ils rentrèrent au village sans prise, mais en brandissant ce trophée inhabituel qui étonna tous les adultes. Apparemment, quelqu’un s’était mis en devoir de poser des pièges à loups dans lesquels n’importe quel animal pouvait se prendre. Et dans un endroit pareil, alors que les loups ne pouvaient nuire qu’aux indiens, il s’agissait probablement d’un chasseur blanc qui ne voulait que les fourrures. Le commandant promit qu’il mettrait la main sur le chasseur qui agissait en territoire Cheyenne sans y être autorisé.

"Aujourd’hui est un grand jour pour ta fille, déclara Orage-Du-Matin au commandant MacLand, alors qu’ils fumaient, assis autour du foyer dans le teepee de Ecoute-Avec-Le-Cœur, le père du chaman, qui les hébergeait. Aujourd’hui, elle a rencontré son esprit et son esprit l’a reconnue.
– Le renard argenté est son esprit ?
– Petit-Lynx m’a raconté comment le renard s’est soumis à elle.
– Black Storm s’est soumis aussi.
– Oui, elle a vaincu le Démon Noir. Mais le Démon Noir était gourmand. C’était sa faiblesse. Elle l’a vaincu parce qu’elle s’est montrée plus subtile que vous… Je sais depuis toujours que le renard est son esprit. Mais il devait la reconnaître. Maintenant, elle est une cheyenne."
MacLand frémit. Il avait toujours eu du mal à déchiffrer les paroles généralement à double sens du sorcier. Celui-ci devina sa pensée et sourit. "Ne crains rien, John MacLand. Nous ne t’enlèverons pas ta fille. Mais regarde-la." John se tourna dans la direction que lui indiquait Orage-Du-Matin. De l’autre côté du teepee, assis en tailleur, Fanny et Petit-Lynx se faisaient face. Le fils d’Orage-Du-Matin avait entrepris de lui apprendre la langue cheyenne, qui était un équitable mélange de mots et de gestes. Les gestes ayant souvent une interprétation bien plus nuancée que les mots, les leçons étaient ponctuées de nombreux éclats de rire, quand elle se trompait et donnait un sens tout à fait loufoque à l’idée qu’elle voulait exprimer. Petit-Lynx riait de bon cœur et lui expliquait ce qu’elle venait de dire, puis il rectifiait l’erreur.
"Regarde ces enfants, John MacLand, intervint Ecoute-Avec-Le-Cœur. Ils sont l’avenir de nos deux peuples. Ils peuvent nous apprendre à vivre en bonne intelligence.
– Ta fille peut être un trait d’union entre nos peuples, renchérit Orage-Du-Matin. Elle a un cœur de cheyenne et l’esprit d’un homme blanc. Petit-Lynx la considère déjà comme une sœur, et il peut en être de même pour tous les cheyennes."
John MacLand hocha la tête en constatant la complicité qui unissait maintenant les deux enfants. Il comprit que Fanny pourrait toujours trouver un refuge ici, et il en fut rassuré.
"D’accord, dit-il. Si tu veux faire cette cérémonie, je ne m’y oppose pas.
– Bien, répondit le chaman en hochant la tête. Demain soir elle recevra son nom indien. Annonce-le lui. C’est à toi de le faire."

"Petit-Renard est bien songeuse."
Fanny sursauta. Elle se tourna vers Vent-Aveugle qui chevauchait maintenant à ses côtés. Il avait ce masque impassible qui l’avait toujours impressionnée. Quel âge pouvait-il avoir ? Qu’est-ce qui l’avait poussé à quitter ce merveilleux village où elle venait de passer les instants les plus magiques de son existence ? Elle essaya de répondre par un geste de sa langue, mais apparemment, elle s’était encore trompée. L’éclaireur sourit et répliqua d’un air moqueur : "Petit-Renard a encore des progrès à faire.
– Tu m’apprendras. Je disais que je serais bien restée là-bas.
– Mais ce n’est pas ta place.
– Pourtant, Orage-Du-Matin a dit que j’étais une cheyenne, maintenant.
– Oui, mais tu es comme moi. Ce n’est pas ta place. Tu dois suivre la route tracée pour toi, et elle ne s’arrête pas dans ce village.
– Et ta route à toi ?
– Ma route me conduit chez les blancs. C’est une route difficile, mais c’est la mienne.
– Vent-Aveugle, qui trace nos routes ?
– Petit-Lynx a raison. Tu poses trop de questions. Ne sois pas triste. Le commandant a dit que tu pourrais revenir pour les grandes chasses. Et puis, tu as beaucoup de choses à voir encore. Il y a d’autres villages, d’autres tribus.
– Où allons-nous, maintenant ?
– D’abord au village de Elan-Noir. Ce sont aussi des cheyennes. Ensuite, nous redescendrons dans la plaine.
– Et là, il y a des sioux, n’est-ce pas ?
– Oui, des hunk-papa et des lakotas. Le dernier camp est celui de Neuf-Doigts. C’est aussi un grand ami du commandant.
– C’est vrai que vous vous êtes fait la guerre ?
– Il y a bien longtemps, mon peuple et celui de Neuf-Doigts étaient ennemis. Aujourd’hui, Nous sommes obligés de nous allier, répondit l’indien d’un ton amer.
– Pourquoi ?"
Vent-Aveugle jeta un regard méfiant sur le sergent Kirby qui venait de les rejoindre. Celui-ci guettait sa réponse, un peu tendu. Il y avait des choses que Fanny était encore trop jeune pour comprendre, et celle-là en faisait partie. L’éclaireur jugea au visage du sergent qu’il était préférable de différer sa réponse.

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