Le Poney Express


Chapitre 5

Buck venait de monter sur son cheval pour regagner le relais lorsqu’il aperçut P.V. qui sortait d’un pas déterminé de la boutique. Celle-ci s’approcha de son destrier et sans utiliser les étriers se hissa sur son dos. Buck la regarda légèrement surpris. L’animal était plutôt grand et pourtant c’était avec une impressionnante facilité qu’elle s’était retrouvée installée sur l’étalon blanc. C’est à ce moment que l’indienne remarqua le regard de Buck posé sur elle. Elle esquissa un sourire tout en lui disant :
" Cela t’ennuie que je rentre avec toi ? Après tout, je suis aussi un de ces sauvages ! "

Le jeune homme la regarda. Il paraissait un peu gêné mais il était content que la jeune femme ait réagi ainsi. Une nouvelle fois, il se fit la remarque mentalement qu’elle ne ressemblait pas tant que cela à une indienne. Sa peau était bronzée par le soleil, mais elle était loin d’avoir la couleur cuivrée des indiens. Cependant, Buck n’arrivait pas à déterminer si elle était comme lui une métisse ou si elle était une enfant blanche élevée par les indiens. Quoiqu’il en soit dans son coeur et dans sa tête, elle était fière de son appartenance au peuple Apache. Et Buck l’envia à nouveau. Puis, se rendant compte que P.V. attendait une réponse, il lui dit :
" Non, bien sûr que non ! Allons-y ! "
Sans un mot, les deux indiens sortirent tranquillement de la ville. Chasseur les accompagnait tranquillement aux côtés du cheval de sa maîtresse. Teaspoon les aperçut alors qu’ils s’éloignaient. Cependant, il ne chercha pas à les rappeler. Mais voulant savoir ce qui c’était passé, il se dirigea tout de même vers le magasin où il savait qu’il retrouverait le reste de l’équipe.

Lorsqu’ils furent hors de la petite ville, Buck ouvrit la conversation le premier :
" Je suis désolé de ce qui s’est passé. D’habitude, j’évite d’entrer dans ce commerce. Monsieur Tompkins ne m’aime pas vraiment !
- Pourquoi t’excuser ? Demanda l’indienne. Tu n’as rien fait de mal. Et puis, j’ai cru comprendre que ce n’était pas toi que ce monsieur n’aime pas, mais les indiens en général !
- Peut-être mais si je n’étais pas venu, tu aurais pu rester avec les autres. Il ne t’aurait probablement pas chassée !" Répondit l’indien encore gêné par l’incident.

Il pensait sincèrement que s’il n’avait pas été là, Monsieur Tompkins n’aurait pas fait le rapprochement entre P.V. et les indiens. Ainsi, la jeune femme aurait pu rester avec les autres au lieu de se sauver comme un voleur. Jusqu’à présent, il regardait les oreilles de son cheval qui remuaient dans tous les sens à l’affût du moindre bruit. Il n’osait pas regarder l’indienne qui l’accompagnait. Il craignait de la voir poser sur lui un regard désapprobateur. Mais devant le silence dans lequel P.V. venait de se murer tout à coup, il risqua un coup d’oeil. Celle-ci l’observait tranquillement. Elle ne semblait pas en colère par tout ce qui venait de se passer. Lorsque le regard de la jeune femme croisa le sien, elle lui dit avec calme :
" Je suis indienne et fière de l’être ! "

Sa phrase était courte, mais elle avait le mérite de tout dire. P.V. n’aurait pas caché ses origines que Buck eut été là ou non. L’indien fut alors convaincu qu’elle serait tout de même sortie du magasin comme elle l’avait fait, même si lui avait préféré ne pas les accompagner. Il lui adressa un sourire auquel la jeune femme répondit facilement. Buck était rassuré, elle ne semblait pas lui en vouloir. Tout à coup, une idée lui traversa l’esprit :
" La visite de la ville n’ayant pas été une réussite, cela te dirait de visiter le coin. Il y a essentiellement de la forêt, mais il y a quelques coins plutôt agréables !
- J’aime bien les forêts ! " lui répondit simplement P.V.

En effet, c’était essentiellement en zone boisée que l’indienne allait chasser en général. Seul le bison se trouvait en plaine. De petits rongeurs agrémentaient aussi leurs repas de temps en temps, et ceux-ci trouvaient refuge au coeur des sous bois. Elle espérait donc que cette visite lui permettrait de se faire une idée sur la faune des environs. Elle souhaitait pouvoir continuer de chasser. Buck lui adressa un sourire. Aussitôt, il fit bifurquer sa monture en direction de la forêt et accéléra un peu le rythme oubliant complètement le loup qui les accompagnait. Mais l’animal ne s’en formalisa pas et s’adapta tout de suite au nouveau rythme. P.V., quant à elle, suivit sans mal l’indien qui avait l’air de savoir exactement où l’emmener.

Ils atteignirent les abords de la forêt plutôt rapidement. Buck semblait bien connaître le coin et les conduisit directement vers un chemin qui s’enfonçait dans le bois. Il s’y engagea et c’est seulement à cet instant qu’il ralentit le rythme. Il ouvrit alors presque immédiatement la conversation :
" C’est une piste qui n’est guère pratiquée. Elle ne conduit nulle part précisément, mais un peu plus loin nous pouvons rejoindre la route principale. C’est par là que nous rentrerons. J’ai pensé que c’était mieux de faire une petite boucle pour visiter. Comme cela, tu verra plusieurs endroits différents ! "

L’indienne lui adressa un sourire amical. L’endroit lui paraissait calme et elle se sentait beaucoup moins nerveuse que lorsqu’elle était en ville. Esprit Sauvage aussi était plus à l’aise. Elle n’avait plus besoin de le calmer. Le cheval avait toujours eu du mal à se faire aux villes. Il y avait souvent du bruit et il n’avait pas été habitué à cela dans le village indien. Buck regarda la jeune femme qui l’accompagnait. Celle-ci observait le coin en silence. Elle n’était pas bavarde du tout. Buck le sentit immédiatement, mais il ne lui en voulait pas. Elle paraissait assez impressionnée, même si elle faisait son maximum pour ne rien montrer. L’indien espérait donc que lorsqu’elle serait habituée à eux, qu’elle parlerait plus facilement. Il admira aussi le cheval de la jeune femme. C’était une belle bête, il avait rarement eu l’occasion d’en croiser d’aussi magnifiques. Sa couleur blanche était vraiment merveilleuse. Tout en observant l’animal, il finit par remarquer la présence de Chasseur aux côtés d’Esprit Sauvage. Il se demanda alors depuis quand le loup les suivait-il ? Il y réfléchissait lorsqu’il se rendit compte que sa peur naturelle du prédateur semblait disparaître comme s’il s’habituait déjà à sa présence. Peut-être qu’il arriverait à être comme Ike vis-à-vis de l’animal et à le caresser facilement. Buck reporta à nouveau son regard sur la jeune femme. Elle observait les buissons. Elle semblait vouloir percer le mystère des sous bois. Elle caressait son cheval avec douceur et paraissait plus rassurée qu’elle n’en avait l’air en ville. L’indien décida d’essayer d’ouvrir la conversation et lui demanda :
" Alors qu’en dis-tu ? La forêt est belle ! "
P.V. sortit de sa rêverie et se tourna vers lui. Elle lui adressa un sourire avant de lui répondre :
"Elle a l’air giboyeuse ! "

Pour l’indienne, c’était ce qui importait le plus. Depuis qu’ils s’étaient engagés dans la forêt, elle n’avait cessé d’observer le sous bois et elle y avait plus d’une fois distingué des signes d’activités. Elle avait aussi souvent remarqué les oreilles à l’affût de son compagnon de chasse. Régulièrement, celles-ci s’orientèrent en direction des bois. Le loup avait plus d’une fois tourné la tête en direction de ces bruits que lui seul entendait. Cependant, il n’avait jamais tenté de partir à la poursuite de l’imprudent qui s’était fait entendre. Le loup était resté docilement aux côtés de sa maîtresse comme pour ne pas la laisser seule en compagnie de l’inconnu qui les accompagnait. Habituée à chasser avec lui, l’indienne avait remarqué tous ces subtils signes dans le comportement de l’animal et elle avait su les interpréter. Buck savait que la forêt était giboyeuse. Il avait eu l’occasion plusieurs fois d’apercevoir des cerfs et quelques unes de leurs compagnes en rentrant de voyage. Mais, il lui semblait peu probable que l’on en surprenne en pleine journée. Ces animaux devaient plutôt attendre la nuit pour sortir. Pour lui, P.V. ne pouvait en avoir vu et il pensa que la remarque de la jeune femme était une question. Aussi, il lui répondit :
" Oui, elle l’est ! J’ai aperçu quelques cerfs en rentrant de voyage. Mais en général, ils sortent plutôt la nuit. Je n’en ai jamais vu en pleine journée ! "

P.V. qui avait rapidement reprit l’observation de la forêt, posa le regard sur l’indien qui l’accompagnait. Il la regardait aussi. Gêné, Buck lui adressa un sourire avant de reporter son attention sur les bois. La jeune femme aperçut sa gêne. Elle ignorait à quoi elle pouvait être dûe et se demanda rapidement, si elle avait un rapport avec son manque de conversation. C’était vrai qu’elle n’avait pas pour habitude de parler beaucoup. Mag s’y était faite avec le temps, mais cela n’avait pas été évident. Buck éprouvait peut-être la même chose. Elle essaya donc de faire un effort et lui dit :
" Le cerf est un bel animal, mais il est trop grand ! Et puis, je n’aime pas beaucoup sa chair. Je préfère le lapin ou mieux encore le bison ! "

Ravi d’entendre la jeune femme lui parler, Buck se tourna de nouveau vers elle, et il poursuivit la conversation qui venait de s’engager.
" Je crois que rien ne vaut la viande de bison ! J’aime aussi beaucoup cela. Par contre, je n’ai jamais eu l’occasion de goûter du cerf.
- Les forêts qui entouraient le village en étaient pleines. Lorsque nous n’avions pas assez de viande de bison pour nourrir tout le monde, nous en chassions. Mais, sa chair n’est pas aussi tendre que celle du bison. "

Dès lors, l’indienne observa avec moins d’attention le paysage. Buck lui parlait et lui posait pas mal de question sur les coutumes de son peuple. Il lui avoua qu’il ne les connaissait pas du tout. Il n’avait eu que très peu de rapport avec d’autres tribus que la sienne. Qui plus est, il avait quitté le monde indien pour celui des blancs lorsque sa mère mourut. Ils échangèrent donc quelques informations sur l’un et sur l’autre. Pour l’essentiel, P.V. n’employait que des phrases courtes et ne s’étendait jamais dans ses réponses, mais Buck ne s’en sentit pas vexé. Cependant, toute question relatant les raisons du départ de P.V. de sa tribu furent, inconsciemment ou non, éludées. L’indienne n’aborda pas le sujet et Buck ne posa pas de question.
Cela faisait un moment que les deux cavaliers avaient quitté le sentier qu’ils avaient pris au début. Ils chevauchaient maintenant sur la piste principale menant à Sweetwater. L’indienne répondait toujours aux questions de Buck, cependant cela ne l’empêchait pas de continuer à observer le paysage. C’est ainsi que peu avant de quitter le premier sentier qu’ils avaient suivi, elle avait repéré une clairière qui lui semblait agréable et paisible. La conversation avec Buck en fut momentanément coupée. Aussi, l’indien ne fut pas surpris lorsque tout à coup, la jeune femme s’arrêta de nouveau de parler. Sans même s’en apercevoir, elle stoppa net au milieu de la piste. Elle venait d’apercevoir au milieu des arbres et un peu en contrebas de leur position une autre clairière. Elle était un peu plus grande que celle qu’elle avait repérée peu avant. La jeune femme ignorait comment son regard avait été attiré par cet endroit, car de là où elle était, elle la distinguait à peine. Le coin était abrité des regards par la végétation environnante. Malgré tout, P.V. n’eut aucun mal à repérer un chemin pour y accéder. Il était légèrement escarpé, mais un cheval devrait pouvoir l’emprunter sans trop de mal. Et puis, elle avait confiance en le pas sûr de son compagnon. Il saurait descendre jusqu’à elle. Ce lieu était l’endroit idéal pour venir s’y réfugier lorsqu’elle aurait besoin d’être seule. Elle aimait s’entraîner au tir à l’arc régulièrement. Mais ce qui lui plu particulièrement, c’était la rivière. Elle tombait en cascade dans la clairière avant de poursuivre son chemin en direction de la vallée. Elle adora cet endroit et sentait qu’elle allait y passer des heures. Machinalement, elle partagea ses sentiments avec ses compagnons à fourrure et notamment Chasseur qui ne les avait pas quittés. Buck avait été surpris au début. Non seulement par le fait que le loup ne se soit jamais fait distancer, mais aussi par le fait que la jeune femme leur ait souvent parlé. Il n’avait pas toujours tout compris ce qu’elle leur disait, mais il avait eu le sentiment qu’elle leur commentait le paysage. Cette fois, il fut encore plus étonné. Rapidement, il fut totalement exclu de l’échange qui se produisait sous ses yeux. Tout d’un coup, ce fut comme s’il n’existait plus, comme s’il n’avait jamais été présent. P.V. discutait avec son loup et plus rien autour d’eux ne semblait exister. Buck se rendit compte alors que ce qu’il y avait entre ces deux êtres étaient plus qu’une simple complicité. Ils semblaient en totale symbiose. L’indien n’avait jamais vu chose pareille auparavant. L’échange dura quelques minutes, puis comme si rien ne s’était passé, P.V. se remit en route. Buck la suivit en reprenant la conversation et tenta de l’orienter sur le loup. Il voulait comprendre d’où de tels liens pouvaient provenir et comment ils avaient pu se tisser. L’indienne sembla ravie de parler de Chasseur et elle raconta comment elle l’avait trouvé trois ans auparavant et comment elle l’avait recueilli. Buck l’écoutait. Elle en parlait avec passion et n’était pour une fois pas avare de paroles.

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