Le Poney Express


Parties 22 à 24

22

Les deux jeunes femmes ne pouvaient mettre leurs chevaux au galop en étant hors du sentier. Elles auraient risqué de se blesser, elles ou leurs coursiers, voire même d'être désarçonnées à cause des branches assez touffues des buissons. C'est pourquoi P.V. avait proposé d'attendre le passage des soldats avant de se lancer à leur poursuite. Cachées derrière leurs buissons, les deux amies attendirent patiemment. Comme l'avait espéré l'indienne, les hommes de l'armée ne les remarquèrent même pas en passant devant elles tant ils étaient concentrés sur leur cible. Dès qu'ils furent passés, les deux amies regagnèrent la route. Les traces laissées au sol par le passage du groupe d'hommes étaient si voyantes, qu'elles ne risquaient nullement de les perdre. Néanmoins, elles décidèrent de ne pas trop accélérer le rythme. Elles se lancèrent dans un galop assez rapide pour ne pas se faire distancer, tout en restant suffisamment en arrière pour ne pas se faire repérer.

L'une comme l'autre connaissaient bien leurs montures et elles savaient qu'en cas de besoin, elles pourraient les rattraper sans mal. En effet, Esprit Sauvage avait grandi dans les collines, ayant pour lui seul des espaces immenses où s'ébattre. Il avait développé au fil des années passées à la tête de son troupeau une ossature et une musculature lui permettant de rivaliser avec n'importe quel cheval élevé en corral. BlackSun, lui, avait été élevé en corral toute sa vie, mais il avait du sang de cheval sauvage dans ses veines. Sa mère, une pouliche fugueuse, avait quitté le ranch du père de Mag pour faire une escapade en solitaire. Lorsqu'elle avait été enfin retrouvée, elle était pleine, probablement fécondée par un cheval sauvage dont on ne savait rien. Le poulain qui était né de cette union, devait avoir hérité beaucoup de son père car il avait toujours été très rebelle et développa lui aussi une musculature que les autres animaux du ranch ne purent atteindre. Les deux femmes avaient parfaitement conscience des capacités de leurs compagnons et savaient parfaitement les employer. Elles galopèrent donc ainsi jusqu'à midi à peu près. Les traces au sol montraient bien que le cavalier traqué avait, pour une raison quelconque accéléré le pas et que les soldats suivaient toujours. Pour l'instant, ils ne semblaient pas l'avoir rattrapé. C'était bon signe, peut-être n'y parviendraient-ils pas !

P.V. aurait aimé qu'il en soit ainsi. Elle aurait préféré ne pas se mêler de cette affaire. Ce n'était pas dans ses habitudes de fourrer son nez dans ce qui ne la regardait pas, mais son amie n'était pas de ce genre-là. Toujours à se battre contre les injustices ou à défendre la veuve et l'orphelin, elle fonçait souvent tête baissée pour venir en aide aux gens même si elle ne les connaissait pas. P.V. était en train de penser à cela lorsque des coups de feu retentirent. L'indienne arrêta son cheval et écouta. Cela ne faisait aucun doute, les tirs venaient de devant elles. Elle lança un regard à sa compagne. Celle-ci comprit immédiatement. Elle déclara :
"Tu crois qu'ils l'ont rattrapé ?
- C'est ce que nous allons voir !" Lui répondit P.V. En lançant son cheval au galop."

Tout en restant prudentes, elles se dépêchèrent de se rendre sur les lieux. La fusillade continuait. L'indienne estima que c'était plutôt bon signe. Tant qu'elles entendaient tirer, cela voulait dire que le cow-boy était encore en vie, et qu'il pouvait riposter.
Rapidement, elles arrivèrent à la sortie de la forêt. Ralentissant pour rester à couvert des arbres, les deux jeunes femmes évaluèrent la situation très rapidement. Les soldats se tenaient sous la protection de la végétation de la forêt pour leur sécurité, le cavalier ne devait pas les distinguer, ni avoir vu qui ils étaient. Il était lui-même descendu de cheval et se tenait à l'abri derrière un rocher. Il ripostait aux coups tirés par ses assaillants. P.V. remarqua vite que le cheval du cavalier, ne s'était pas beaucoup éloigné. Il devait être habitué à ce genre de scène et les coups de feu ne l'avaient pas effrayé au point qu'il prenne la fuite. L'indienne déclara alors :
"Avec une petite diversion, il devrait pouvoir filer en douce !"
Mag lui répondit en désignant un bosquet d'arbres :
"Tu crois que si on tirait sur les soldats de derrière ces buissons, cela pourrait faire une bonne diversion ?"

P.V. avait toujours paru à Mag comme étant un bon stratège. Elle était réfléchie et agissait rarement sur un coup de tête. Elle évaluait et calculait les risques comme personne. L'indienne étudia la situation et elle lui parut convenable. La diversion serait idéale, si l'homme au courrier savait en profiter. Elle hocha la tête. Les deux jeunes femmes descendirent donc de cheval et se placèrent derrière les broussailles pour agir de sorte à mettre les soldats en déroute et permettre à leur protégé de prendre la fuite. Ni l'une ni l'autre n'attachèrent leurs chevaux car elles savaient que leurs coursiers répondraient au moindre appel. C'est ainsi qu'elles se mirent à tirer sur les hommes de l'armée. P.V. jugea que prendre son arc n'était pas une bonne solution, leurs adversaires pourraient se douter de quelque chose en voyant les flèches. Aussi, c'est avec son revolver qu'elle agit. Les tuer à cette distance aurait été un jeu d'enfant pour elle comme pour Mag, mais aucune des deux n'avait le tempérament d'un assassin aussi elles visèrent à côté.


23

Les soldats furent d'abord surpris de voir siffler des balles si près d'eux. Elles venaient de leur gauche, mais avec toute l'attention possible, ils ne purent déterminer l'endroit exact d'où elles étaient tirées. Ils n'avaient donc aucun moyen de connaître le nombre de leurs agresseurs, ils pouvaient être nombreux. Ils essayèrent donc de chercher leur assaillant tout en se mettant à l'abri de ses balles et en restant hors de vue du cavalier qu'ils devaient arrêter. La moitié des hommes continua à tirer sur le cavalier porteur de la lettre pendant que l'autre se défendait tant bien que mal contre ces invisibles agresseurs. Mag et P.V. le remarquèrent rapidement. Aussi se consultant du regard, elles jugèrent nécessaire d'ajuster leurs tirs plus finement.
Mag fut la première à le faire en ôtant d'une balle l'un des chapeaux des soldats. Elle était plutôt fine gâchette. Ce fut donc pour elle un jeu d'enfant. Son tir précis fit alors prendre conscience aux soldats qu'ils avaient à faire à de redoutables tireurs dont les projectiles se rapprochaient dangereusement. Aussi, finirent-ils par en oublier leur cible pour se concentrer uniquement sur ces adversaires embusqués dans les arbres. Le cavalier porteur du courrier eut vite fait de remarquer que ses agresseurs s'étaient tous retournés contre ceux qui les prenaient eux-mêmes à partie. Il ignorait qui pouvait bien être intervenu et pourquoi ils l'avaient fait, mais il leur devait une fière chandelle. Leur intervention allait lui permettre de prendre la fuite, bien que cela ne soit pas vraiment dans ses habitudes de prendre ses jambes à son cou devant un danger quel qu'il soit. Mais lorsqu'on lui avait confié son courrier, on lui avait bien signalé qu'il était de la plus haute importance qu'il arrive. On l'avait aussi prévenu qu'il courrait des risques, mais cela faisait partie du métier. C'est aussi pourquoi il touchait une prime pour ce genre de voyage. Lorsque l'on avait commencé à lui tirer dessus alors qu'il allait s'installer pour manger, il était sûr que c'était à cause du courrier qu'il transportait. Donc, il en déduisit qu'en quittant la scène de la fusillade, il attirerait forcement ceux qui en voulaient à sa lettre. Ses agresseurs laisseraient donc ses mystérieux défenseurs en paix pour le poursuivre. Il jugea que c'était la meilleure solution pour parvenir à sauver sa vie et celle des personnes qui s'étaient mises à le défendre. Il commença à reculer prudemment vers son cheval. Dès qu'il l'eut rejoint, il en attrapa la bride et hésita. Il ne pouvait pas laisser ces gens se faire tuer pour l'avoir défendu. Il ne les connaissait pas et aurait voulu en savoir plus sur ces hommes qui risquaient leurs vies pour le défendre, lui, un total inconnu. Il ne pouvait vraiment pas partir ainsi sans rien faire. Puis, il se rappela la lettre. Elle était importante et devait arriver à Fort Brymes le plus rapidement possible. Il devait partir, et laisser derrière lui ses agresseurs et ses valeureux défenseurs. Il monta donc en selle. Une fois installé, il tourna la bride pour partir en direction du fort, mais il hésita une nouvelle fois. Il n'arriverait à Fort Brymes que le lendemain dans la journée en faisant vite, et ne pourrait pas revenir assez rapidement pour aider ceux qui étaient intervenus en sa faveur. Un cas de conscience se posait vraiment à lui. Devait-il sauver la lettre et laisser ses bienfaiteurs risquer leurs vies pour lui ou devait-il charger dans le tas pour leur éviter de se faire tuer, mais risquer de perdre sa lettre ou sa vie ? L'appel du devoir fut finalement le plus grand. Il remercia mentalement ceux qui avaient permis sa fuite et s'excusa auprès d'eux de la même façon avant de s'élancer au galop.

Malgré sa concentration sur ses tirs, P.V. avait remarqué le départ de l'homme au courrier. Plusieurs fois, il avait hésité, et elle avait cru à deux reprises qu'il allait ne pas partir et continuer à se défendre. Mais, il avait fini par filer. Cependant, elle ne dit rien à Mag. Il fallait qu'il prenne un peu d'avance. Il était parti à bride abattue, et quelques minutes supplémentaires ne seraient certainement pas de trop pour assurer sa fuite. Aussi, les deux jeunes femmes continuèrent de tirer quelques coups. C'est ce moment-là que Chasseur choisit pour réapparaître. Il ne fut nullement effrayé par les coups de feu, mais joua tout de même la prudence en s'approchant à pas feutrés de sa maîtresse. Il tira alors un pan de la tunique de celle-ci. P.V. sursauta. Elle ne l'avait pas entendu arriver. Elle lui donna une caresse sur la tête, avant de déclarer à l'intention de Mag :
"C'est bon, il a filé ! Je propose d'en faire autant !
- Bonne proposition !" Répliqua cette dernière.

Tout en continuant de tirer pour assurer leurs arrières, elles reculèrent jusqu'à leurs montures et prirent la fuite à leur tour.


24

Dès que les deux amies furent remontées sur leurs coursiers, elles partirent au petit galop restant le plus possible à l'abri des quelques arbres et rochers qui marquaient la fin de la forêt. Tant qu'elles furent en vue de l'endroit où les soldats s'étaient réfugiés, elles tirèrent dans leur direction, assurant ainsi leurs arrières. Pour plus de précaution et pour garder leur avantage en restant inconnu, P.V. jugea bon de faire un petit détour. Cela devait leur permettre de brouiller les pistes au cas où les hommes de l'armée décideraient de les suivre. Sans ralentir leur rythme, elles galopèrent jusqu'à rencontrer la petite rivière que P.V. avait repérée dans les bois la veille. C'est sur ce point d'eau que l’indienne comptait pour égarer les soldats. Les deux jeunes femmes remontèrent la rivière un moment en faisant marcher leurs coursiers dans l’eau claire, aucune trace étant ainsi repérable. Dès qu'elles furent sûres que les soldats ne pouvaient qu'avoir perdu leur piste, elles sortirent de la rivière pour reprendre leur route normale afin de rejoindre le voyageur solitaire et le chemin qui les conduirait vers Fort Brymes.

Chasseur les accompagnait maintenant. Il voyageait tranquillement au côté d'Esprit Sauvage. Il ne s'était pas fait distancer une seule fois. Mag était continuellement surprise par le comportement des deux animaux. Le grand cheval semblait n'avoir jamais eu peur de Chasseur. P.V. n'avait pas été très bavarde à ce sujet, mais elle lui avait tout de même laissé entendre qu'ils s'étaient fait l'un à l'autre dès le premier jour où ils s'étaient rencontrés. Mais elle ne lui avait jamais narré cette rencontre et Mag ne comprenait pas comment cette entente avait pu naître aussi facilement. L'un était un prédateur redoutable, l'autre un animal qui aurait très bien pu servir de repas au premier. Mais ils semblaient tous les deux l'ignorer.

Lorsqu'elles eurent rejoint la route de Fort Brymes, midi était déjà passé depuis longtemps. Mag avait un peu faim, aussi, elles s’arrêtèrent quelques instants pour prendre dans leurs affaires des lanières de viande séchée qu'elles se mirent à mâchouiller. Cette opération avait permis à P.V. de lire les empreintes laissées au sol. Elle en avait déduit que le cavalier inconnu trottait encore à bonne vitesse, mais qu'il n'avait pas été rattrapé par les soldats.
Elles-mêmes avaient l'air d'être encore devant eux. Elles avaient alors repris la route. Pour le moment, les deux jeunes amies chevauchaient tranquillement C'était une immense plaine qu'elles traversaient pour l'heure. Pas de haute végétation pour les abriter en cas de besoin. Mais P.V. savait que bientôt elles arriveraient dans un autre bois. C'est probablement dans celui-ci que le cow-boy au courrier s'arrêterait pour passer la nuit, à moins qu'il ne fasse la route qu'il lui restait d'une traite pour arriver au fort rapidement. Mais quoi qu'il en soit, à moins qu'il ne choisisse cette dernière solution, il n'arriverait pas au fort avant le lendemain en fin de matinée.

La piste qu'elles suivaient actuellement était très fréquentée. C'est pourquoi l'indienne ne s'inquiéta pas du manque de végétation pour les abriter. Les soldats n'auraient aucune raison de les soupçonner de quoi que ce soit, s'ils venaient à les rattraper. Elles pourraient très bien prétexter avoir pris la piste beaucoup plus haut. Il n'y avait pas longtemps qu'elles s'étaient arrêtées. Cependant, Mag commençait à avoir faim. Ces morceaux de viandes, que l'indienne avalait sans aucune peine, ne lui remplissaient pas assez l'estomac, trouvait-elle. Elle se demandait souvent comment son amie pouvait ne pas avoir déjà faim. L'après-midi commençait à toucher à sa fin, lorsqu'elles rencontrèrent de nouveau la forêt. Mag se perdit très vite dans ses pensées. Elle avait l'impression que P.V. n'était pas d'humeur causante aussi ne voulait-elle pas l'ennuyer en lui posant des questions. Elle savait à quel point l'indienne n'aimait pas ses interrogatoires sans fin qui ne menaient nulle part. Aussi, se mit-elle donc à rêvasser.

Mag essayait de se faire une idée de qui pouvait bien être cet inconnu. Bien qu'elle eut toujours un comportement de garçon manqué suite à son éducation exclusivement masculine, elle avait dévoré pas mal de livres d'aventures rêvant de les vivre elle-même. Elle avait donc de l'imagination et ne cessait d'inventer pour cet homme des vies successives. Une fois, il était un shérif qui pourchassait une bande de dangereux criminels qui voulaient l'abattre au plus vite. Une autre fois, il était le sauveur d'un homme qui risquait la pendaison si les preuves qu'il apportait n'arrivaient pas à temps. Une fois encore... Ce n'était que vies successives débordant de suspense et d'aventure. P.V., elle, continuait à observer les traces laissées par l'homme au courrier. Elles le rattrapaient. Il avait ralenti son rythme et de plus en plus, elle pensait qu'il avait bien l'intention de dormir dans la forêt pour la nuit. Il était vrai, pensa l'indienne, que la forêt représentait un abri parfait pour qui voudrait se reposer tout en sachant qu'il a des hommes à ses trousses qui veulent sa mort. Les bêtes sauvages n'étaient pas trop à craindre. Avec un bon feu, elles ne s'approchaient pas des campements. Il pourrait donc dormir un peu et laisser son cheval prendre du repos sans trop s'inquiéter. Tout en observant les traces laissées par le cow-boy, P.V. finit par remarquer des marques formées par certaines pierres à même le sol. Perdue dans ses propres pensées, elle n'y prêta pas grande attention au début. Mais tout à coup, elle en sortit se rendant brutalement compte de l'importance de ces signes. Elle les connaissait, bien que ne les ayant jamais vu auparavant. C'était Ours-Debout qui lui en avait expliqué la signification. C'était des marques faites là de façon volontaire par des indiens dont le peuple se sentait proche des animaux. Aussi, à leur image, ils marquaient leur territoire. Mais le chef de la tribu lui avait expliqué que ces tribus n'étaient pas agressives tant que l'on respectait leurs règles, règles qu'il avait alors énumérées. P.V. comme tous les autres enfants avec lesquels elle avait grandi, les avait appris. Ours-Debout jugeait utile de connaître les traditions et les lois des autres peuples afin de n'en offenser aucune. Il disait souvent que plutôt que de se faire des ennemis des tribus lointaines, il fallait essayer de s'en faire des amis. Le chef du village avait même été jusqu'à leur apprendre les quelques coutumes du peuple sioux et ce malgré l'animosité qui régnait entre les Apaches et ce peuple. Mais l'indienne n'avait jamais pensé que cela lui servirait un jour. Mag la sortie brutalement de ses pensées :
"Regarde, on l'a rattrapé et il a l'air d'aller bien !"

Suite

Retour à la page des fan fictions

Retour à la page d'accueil