Le Poney Express


Parties 10 à 12

10

P.V. parlait plutôt bien la langue des blancs, mais elle avait parfois du mal à comprendre toutes les expressions notamment les plus imagées. Mag se tourna vers l'homme dont la vie était en danger et le regarda. Il avait fini de manger et s'allongea contre un arbre se reposant après avoir longtemps chevauché. Il ne lui semblait pas si dangereux. Au contraire, Mag le trouva plutôt sympathique. Elle se tourna alors vers son amie. Celle-ci s'était accroupie et caressait son loup.
"Ecoute, je ne sais pas ce que tu en penses, mais je suis presque sûre que si les soldats veulent agir de nuit et l'égorger, c'est parce que ce qu'ils s'apprêtent à faire n'est pas très légal... Tu es d'accord avec moi ?"
P.V. hocha la tête en signe d'acquiescement, aussi Mag poursuivit :
"Bon, alors si on l'aidait ? ..."
L'indienne garda le silence et Mag ne sut pas comment interpréter ce mutisme. Finalement l'indienne lui dit :
"L'ennui c'est que ce ne sont pas eux qui prennent les décisions, cela peut venir de quelqu'un d'important. Cela risque donc de gâcher nos chances d'obtenir le poste à Fort Brymes. Moi personnellement, cela ne me dérange pas, mais toi... Je croyais que tu voulais montrer à ton père que tu es capable de te débrouiller seule..."

P.V. habituellement peu enthousiaste à la perspective de se mêler de la vie d'étrangers, avait, cette fois-ci, envie d'intervenir. L'idée de causer des ennuis à des soldats en déjouant leurs plans lui plaisait bien. Rappeler à Mag leurs intentions d'origines avait été dur, mais la jeune blanche avait passé un marché avec son père. Il la laissait partir si elle promettait de se montrer responsable et de se prendre en charge. Certes P.V. était certaine que si Mag venait à avoir des ennuis, sa famille interviendrait pour l'aider, car aussi bien son père que ses frères l'aimaient énormément. Cependant, pour l'indienne, les promesses devaient être respectées dans tous les cas, alors elle s'était sentie obligée de lui rappeler leur but, même si elle n'était pas convaincue qu'elle parviendrait à oublier sa colère contre les soldats. Mag hocha la tête. Son amie avait raison. En agissant sans réfléchir, elle passerait à côté de l'occasion de tenir l'engagement qu'elle avait prit envers son père. Elle soupira. Elle ne pouvait tout de même pas laisser le cavalier inconnu se faire tuer sans rien tenter. La jeune femme se retourna dans sa direction, tournant le dos à son amie indienne et aux soldats.
"On ne peut pas le laisser se faire tuer ainsi. Il faut faire quelque chose, mais quoi ? ..."
Mag ne laissa pas le temps à l'indienne de répondre à sa question et poursuivit aussitôt : "Nous devons intervenir. On ne peut vraiment pas les laisser tuer un homme simplement pour une lettre. Cependant, nous ne pouvons pas agir ouvertement pour ne pas risquer de perdre les maigres chances que l'on a d'obtenir le poste. Il faut donc que l'on ruse. Il faut trouver une idée pour qu'il se mette sur ses gardes sans que l'on soit obligé de se faire voir. Si l'on ne fait rien, je ne pourrai plus me regarder en face. Mais qui peut bien être celui qui tire les ficelles, si c'est celui qui dirige le fort tout est perdu pour nous. Qu'est ce que l'on peut faire ? ..."


11

Mag s'était lancée dans un de ses longs monologues. Elle disait que cela l'aidait à mieux réfléchir. P.V. ne comprenait pas bien comment elle pouvait se concentrer sur un problème en ayant toujours la bouche ouverte. L'indienne haussa les épaules. Très vite, elle fut noyée par le flot de paroles de son amie. Pour une indienne, elle parlait plutôt bien la langue des blancs, mais elle ne comprenait pas toujours tout ce qu'elle entendait. Lorsque Mag se mettait à converser seule ainsi, elle parlait vite et employait parfois des mots qui échappaient à la compréhension de P.V.. Celle-ci la laissa donc poursuivre son discours et se concentra sur autre chose.
Mag n'avait pas tout à fait tord, elles devaient agir. Comment, elle n'en savait trop rien encore. Ce n'était pas tant l'idée d'aider un blanc qui lui plaisait, mais plutôt celle de mettre des bâtons dans les roues des soldats. Aussi, était-elle décidée à intervenir. En tournant la tête vers Esprit Sauvage, elle s'aperçut que celui-ci était toujours chargé par le poids des maigres affaires que l'indienne avait emportées pour ce grand voyage. Elle se contentait de peu de choses et la plupart de ce qu'elle possédait avaient été retrouvé sur les ruines du village dans lequel elle avait grandi. L'animal avait l'air plutôt docile et broutait tranquillement l'herbe du petit coin où Mag les avait conduits de sorte à ce qu'aucun des étrangers ne puissent le voir lui ou BlackSun.

P.V. se souvint alors de la fois où elle avait été autorisée à le monter pour la première fois. Esprit Sauvage était le chef du troupeau de chevaux appartenant à la tribu. Il était de loin le plus libre et le plus fougueux de tous. Parce qu'il était blanc et que cette couleur était sacrée pour la tribu de la jeune indienne, personne n'avait le droit de le monter. Pourtant, Esprit Sauvage et elle étaient devenus amis et c'est grâce à cette complicité qui était née entre eux qu'elle avait été autorisée à le monter. Depuis, il était devenu son cheval à elle et personne d’autre qu'elle-même ne put jamais le monter. L'indienne avait alors pris l'habitude de s'occuper de lui. Elle avait toujours su qu'il était son plus précieux ami avec Chasseur. C'est pourquoi elle avait pour coutume de le brosser chaque soir et de le soigner de façon à ce que l'animal préfère rester avec elle plutôt que de repartir pour sa liberté. Elle ne le forçait jamais à faire ce qu'il ne voulait pas et ne l'attachait jamais nulle part. C'était comme un pacte passé entre eux.
P.V. décida donc qu'il était temps de s'occuper de son compagnon. Elle reporta son attention sur Mag. Celle-ci continuait à débiter sa tirade ne s'occupant pas de savoir si P.V. l'écoutait ou non. Elle réfléchissait au problème. P.V. sourit et s'approcha de son cheval. Elle commença alors à décharger avec douceur ses quelques affaires. Mag se rendit compte que l'indienne ne l'écoutait plus et qu'elle s'était éloignée d'elle pour s'occuper de son cheval. L'indienne lui avait un jour dit qu'elle réfléchissait mieux au contact de ses compagnons à quatre pattes. Mag ne comprenait pas très bien. Elle était aussi perplexe devant cette méthode que pouvait l'être P.V. devant son besoin de parler pour se concentrer. Néanmoins, l'inattention de la jeune indienne ne l'arrêta pas. Elle continuait à débiter son discours. Elle s'était mise à donner des solutions à voix haute, mais aucune ne semblait lui convenir. Chaque fois, elle les rejetait trouvant que sa proposition avait plus de défauts que de qualités.


12

L'indienne de son côté avait commencé par enlever ses affaires du dos du grand cheval. Celui-ci était tranquille et ne s'était pas arrêté de brouter. Se faisant, l'indienne posa la main sur un paquet dans lequel elle avait rangé son arc. Cette arme qui était celle de son peuple était aussi sa préférée. Elle avait appris à manier le revolver avec Mag et ses frères et elle s'était montrée plutôt douée. Cependant, elle avait toujours avoué qu'elle préférait son arc, mais elle avait accepté pour Mag et son frère Matt, qui avait souvent pris soin d'elle pendant son séjour dans le ranch, de porter un revolver. C'était par sécurité qu'elle devait l'avoir lui avait dit la jeune blanche qui était devenue son amie. P.V. s'était finalement laissée convaincre, bien qu'elle pensa que Chasseur lui serait une protection plus efficace. Elle avait donc emballé son arc et ne s'en séparait pas.

C'est en posant la main dessus qu'elle eut une idée. Elle se tourna vers Mag. Elle parlait toujours pour elle-même. P.V. sourit puis porta son attention sur l'inconnu. Il était toujours assis près de son feu et ne semblait pas avoir la moindre idée de ce qui pouvait bien se tramer autour de lui. Elle déballa son arc tout en disant à son amie.
"Je l'ai trouvé ta solution !"

Mag surprise par les paroles de son amie s'arrêta net au beau milieu d'une phrase et se tourna vers l'indienne. Celle-ci venait de sortir son arc du sac où elle le tenait rangé et s'affairait à préparer une flèche. Elle lissa la plume du projectile en passant la langue dessus. La première fois que Mag vit l'indienne accomplir ce geste, elle avait été surprise et lui en avait demandé la raison. Celle-ci avait répondu avec l'innocence qui la caractérisait qu'elle accomplissait ce rituel pour prier la flèche d'atteindre son but sans faillir. C'était une tradition de son peuple et Mag savait à quel point elle aimait les perpétuer.
Dès qu'elle eut accomplit son acte, P.V. s'avança de quelques pas dans la direction de Mag tout en armant son arc. Puis l'indienne leva son arme et la pointa en direction du cavalier en danger. Il faisait plutôt clair. La lune éclairait bien le sous bois et aucun arbre ne gênerait le passage de sa flèche. P.V. connaissait bien son habileté, et même si elle s'en vantait peu, elle était sûre de faire mouche comme elle le souhaitait. Mag fut surprise par l'attitude de son amie et ne put s'empêcher de se rapprocher et de lui demander :
"Tu comptes l'aider en lui tirant dessus ? "

P.V. sans relâcher la pression qu'elle exerçait déjà sur la corde de son arc tourna la tête vers son amie. Elle avait un petit sourire malicieux et un regard plein de ruse. Mag remarqua silencieusement que les yeux de la jeune femme avaient retrouvé leur couleur vert pale habituelle. P.V. lui expliqua alors avec calme :
"Pas dessus, mais pas très loin. Tu voulais le mettre en garde et bien c'est ce que je vais faire. Il est blanc, et comme tous les blancs, il doit craindre les indiens. Or, je suis indienne..."

Suite

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