Le Poney Express


Parties 7 à 9

7

P.V. s'aventura dans les buissons. Chasseur fut immédiatement sur ses talons. La distance qui les séparait des soldats n'était pas bien grande, mais elle était suffisamment à couvert pour que l'indienne et son compagnon à quatre pattes puissent se faufiler sans risquer d'être aperçus. Mag les regarda faire. Il émanait d'eux une complicité que la jeune blanche avait déjà souvent remarquée. Le loup semblait réagir au moindre mouvement de sa maîtresse. Elle n'avait pas besoin de parler pour se faire comprendre de l'animal. Bien souvent un regard ou un geste suffisait. Mag enviait une telle amitié. Esprit Sauvage, sentant le départ de sa maîtresse, s'agita. La jeune femme jeta un oeil dans sa direction. Le grand cheval était nerveux. Il avait levé la tête, les naseaux pointés vers les buissons dans lesquels la jeune indienne venait de pénétrer. Mag le sentit prêt à réagir et à la rejoindre, mais il resta calmement sur place continuant à sentir l'air comme s'il s'assurait que sa jeune maîtresse ne courrait aucun risque. Mag reporta son attention sur son amie.

La jeune blanche trouvait que P.V. avait un goût sûr et simple en matière vestimentaire. Lorsqu'elle était arrivée au ranch avec son frère, elle était vêtue comme les indiens. Une tunique de peau légère lui descendant jusqu'à mi-hanche et un pantalon lui aussi de peau composaient ses seules affaires. Vent-De-Lune lui avait, un jour, expliqué que l'indienne ne portait pas de robes comme les autres femmes parce qu'elle avait toujours été un peu à part aux yeux des membres de la tribu. Ses vêtements étaient vieux et usés, mais elle y tenait beaucoup. Cependant dans l'attaque du campement, ils avaient été déchirés et assez abîmés. Elle avait donc dû trouver autre chose à mettre pour être décente. Mag avait commencé par lui prêter un pantalon ainsi qu'un chemisier qu'elle-même ne pouvait plus mettre car ils lui étaient trop courts. L'indienne était plus petite qu'elle et le pantalon lui allait bien, mais elle n'avait pas aimé la matière la trouvant trop rêche et pas assez souple. Elle avait donc demandé à Matt, l'un des frères de Mag, qui chassait beaucoup, de lui ramener les peaux des proies qu'il tuait. Il s'en était fait un plaisir et lui en avait apporté plus qu'il ne lui en fallait. Elle avait donc travaillé le cuir et réussi à faire, avec ce que le jeune homme lui avait donné, deux pantalons élégants et une paire de petites chaussures souples. P.V. n'avait jamais réussi à porter des bottes. Elle préférait ces mocassins ou marcher pieds nus car elle se sentait ainsi plus libre. Le chemisier était un peu serré pour elle. Elle avait du mal à le fermer correctement et se sentait étriquée dans ses mouvements. Là encore, ce fut Matt qui lui vint en aide. Il lui avait trouvé une ancienne chemise à lui. Elle était plus large que celle proposée par Mag et elle avait séduit P.V. tout de suite. Celle-ci était en flanelle jaune orangé et était totalement assortie avec son pantalon de peau. L'indienne ne connaissait pas cette matière et elle fut agréablement surprise par la douceur du vêtement qui se trouvait être à la fois chaud et léger et surtout très souple. Elle était un peu grande pour elle, mais elle avait retroussé les manches et la portait ainsi. La jeune femme avait catégoriquement refusé que Mag la donne à leur servante afin qu'elle la reprenne un peu. Cependant, Mag avait réussi à la convaincre de s'en faire une autre pour en changer. P.V. avait accepté, mais elle préférait porter celle que Matt lui avait donnée.

Mag, en repensant à cela, se demanda si son frère avait plu à la jeune indienne. Elle ne saurait le dire, en tout cas il était celui en qui elle avait le plus confiance et avec lequel elle avait passé le plus de temps. Par-dessus cette chemise, elle portait une veste ayant anciennement appartenue à Mag. Trop petite maintenant, Mag n'avait jamais pu se résoudre à la jeter. Lorsque P.V. avait commencé à chercher de quoi s'habiller, elle y avait tout de suite pensé et avait été ravie qu'elle aille à la jeune femme comme si elle avait été faite pour elle. C'était une veste de cuir marron. Des franges décoratives ornaient les manches descendant des épaules aux poignets. Une autre série de ces fines lanières ceinturaient la veste juste en dessous des aisselles. P.V. avait tendance à trouver cela un peu trop visible, mais elle avait accepté la veste telle qu'elle était sans rien changer dessus. Les épaules étaient recouvertes d'un autre morceau de cuir noir. Mag se souvenait du jour où en jouant avec ses frères, elle l'avait déchirée. Elle avait pleuré ce jour là parce qu'elle tenait beaucoup à ce vêtement. Mama, leur vieille servante noire, avait alors pris la veste et avait cousu ces deux bouts de cuirs noirs. L'un colmatait la déchirure, l'autre était là pour lui redonner sa beauté. Elle avait été alors vraiment très heureuse. Et sa veste avait encore longtemps été portée jusqu'au jour où elle était devenue trop petite.

A la ceinture, P.V. portait un colt neuf que Mag lui avait offert. L'indienne avait longtemps hésité avant de l'accepter, mais Mag était parvenue à la convaincre qu'il était nécessaire qu'elle soit armée au cas où elle serait séparée de l'arc qu'elle avait fabriqué pour remplacer celui qu'elle avait perdu dans l'attaque du campement. La jeune indienne avait fini par se laisser convaincre. P.V. avait choisi de ne pas porter de chapeau. C'était le signe des blancs et elle se refusait à en mettre un. Elle voyageait sans depuis leur départ et ne semblait pas en souffrir. Mag pensait qu'elle avait dû être habituée ainsi lorsqu'elle vivait parmi les indiens. Eux-mêmes n'avaient pas de chapeau, et devaient donc ne pas craindre le soleil autant que les blancs. P.V. perpétuait les traditions de son peuple dans sa façon d'être, de penser ou de parler, on pouvait la sentir plus indienne que blanche. Pourtant, elle n'avait pas l'air d'être véritablement indienne. Elle avait une épaisse chevelure brune qui descendait jusqu'au milieu de son dos. Mag avait été surprise car elle avait plus d'une fois imaginé les indiennes avec des cheveux très noirs. Elle appris plus tard que c'était cette couleur qui lui avait permis d'échapper au massacre car les soldats l'avait prise pour une blanche. Ce qu'elle n'avait pourtant pas l'air d'être lorsque l'on regardait son comportement.

Mag se souvenait de ce qu'on lui avait raconté au sujet de P.V.. Petite, elle avait été trouvée errante dans les collines. Elle avait déjà souvent essayé d'évoquer la question avec l'indienne. Elle aurait voulu savoir si sa famille était ou non blanche. Mais la jeune femme s'obstinait à taire son histoire. Tout ce qu'elle avait consenti à révéler c'était que Soleil-Levant n'était pas son véritable père. Et malgré tous ses efforts, Mag ne put en apprendre plus.
"Elle ne les connaît peut-être pas elle-même !" avait fini par se dire Mag, mais elle n'en était plus sûre.

Elle sortit de ses pensées. Ces moments lui étaient revenus en voyant son amie se glisser silencieusement dans les buissons, mais elle ne devait pas se laisser distraire. Si jamais P.V. avait besoin d'aide, elle devrait être à même de pouvoir intervenir. Elle tâcha donc de se concentrer à nouveau sur la progression de son amie.


8

P.V. était maintenant tout près des soldats. Elle les voyait bien. Ils étaient assis, mais ils n'avaient pas fait de feu. La lune était claire et elle pouvait facilement distinguer leurs visages. Aucun d'eux ne semblait amical. Elle frissonna en repensant à l'attaque et au court séjour dans leur camp. Chasseur grogna. Son grognement sourd était presque imperceptible, mais P.V. le sentit au fond d'elle. Les chevaux sentant la proximité du carnassier s'agitèrent une nouvelle fois. L'un des soldats déclara :
"Mais qu'est-ce qu'ils ont aujourd'hui. Tu devrais les calmer où l'on va se faire repérer. Et cela n'arrangerait pas nos affaires!
- Il doit y avoir de l'orage dans l'air !" Répliqua un autre se levant et rejoignant les chevaux.

P.V. se tapit un peu plus dans les buissons en le voyant approcher, mais il passa devant elle sans même la voir. Elle continua alors son observation silencieuse. Celui qui avait intimé l'ordre à l'autre de calmer les chevaux se tut et se plongea dans une contemplation du cavalier solitaire. Il était totalement perdu dans ses pensées, l'un de ses hommes tenta d'interrompre sa méditation en lui demandant :
"Que fait-on maintenant ? "
L'homme garda le silence un moment continuant à regarder le cavalier. On eut dit qu'il n'avait pas entendu la question. Il semblait être toujours perdu dans ses pensées. Celui qui avait pris la parole allait réitérer sa demande, mais il fut devancé par cet homme qui semblait être leur chef :
"Maintenant qu'on l'a rattrapé, on va faire ce pourquoi le patron nous a choisi. La lettre qu'il transporte nous fera tous tomber et c'est la mort pour chacun de nous. Elle ne doit donc pas arriver au fort. Nous n'avons donc plus qu'une chose à faire : lui régler son compte.....
- On s'y prend comment ? Demanda un des soldats qui n'avait pas encore parlé.
- On attend qu'il fasse un peu plus sombre et on lui tranche la gorge...
- Pourquoi ne pas tout simplement le tuer maintenant d'une balle ? Il ne sait pas que nous sommes là autant en profiter ! Répliqua le soldat regardant dans la direction du cavalier.
- Parce que c'est moi qui décide et je préfère lui trancher la gorge, cela sera plus douloureux pour lui..."

Il eut un sourire mauvais. Instinctivement, P.V. se mordit les lèvres pour ne pas se dresser immédiatement et leur tirer dessus. Chasseur montra les crocs et son grognement se fit un peu plus rauque. L'indienne savait qu'elle risquait de se faire découvrir si elle restait plus longtemps, aussi, sans un bruit elle fit demi-tour pour rejoindre son amie. Elle en avait entendu assez. Prenant garde de ne casser aucune brindille, de ne froisser aucune feuille, elle regagna le coin où Mag l'attendait.


9

Celle-ci se tenait près des chevaux. Elle avait l'arme au poing prête à agir si quoi que ce soit se passait mal. Elle s'assurait que son amie ne soit pas découverte par les soldats. Dès que la jeune indienne l'eut rejointe, Mag rangea son arme. Elle mourrait d'envie de presser P.V. de questions : Que voulaient donc les soldats à cet inconnu ? Etait-il dangereux ? ... Pensant à cela, elle posa les yeux sur lui, il ne semblait pas si méchant que cela. Il était assis près du feu qu'il avait allumé et mangeait un morceau de viande. Elle reporta alors son attention sur P.V.. L'indienne regardait dans la direction des soldats en gardant le silence. Mag aurait voulu savoir ce qu'elle avait appris, mais elle connaissait son amie et savait qu'elle ne parlait jamais beaucoup par habitude et qu'elle ne répondait aux questions que par obligation. Cependant son envie de connaître les informations récoltées par l'indienne était grande, elle se résolut à lui demander. Au moment où elle ouvrait la bouche, P.V. se retourna et Mag aperçut son visage. La colère peignait ses traits et ses yeux habituellement d'un agréable vert pâle étaient plus foncés qu'à l'accoutumée. L'indienne lui dit d'une voix calme et posée qui surprit la jeune blanche :
"Je ne suis plus sûre qu'il faille que je laisse une chance aux soldats blancs. Je sais que Vent-Sage disait qu'il faut savoir chasser la haine de son coeur pour vivre en paix, mais je ne suis pas sûre que je le pourrai. En tout cas, eux ne font rien pour m'en convaincre."

Mag savait qui était ce Vent-Sage dont P.V. parlait. C'était un vieil indien de la tribu. Il était aveugle, mais il était aimé de tous et considéré par le village, mais aussi par les tribus voisines comme un homme sage et bon. P.V. avait beaucoup souffert de sa perte et faisait souvent référence à ce qu'il avait coutume de dire essayant au mieux de respecter ce qu'il avait essayé de lui apprendre. L'indienne marqua une courte pause pour reprendre sans que Mag ait à lui demander:
"Selon ce que j'ai compris, l'homme que tu as vu en premier transporte une lettre jusqu'à un fort. C'est probablement celui de Brymes ou celui de l'Aigle. Je le saurai demain en voyant dans quelle direction il partira... Cette lettre ne doit pas arriver. Les soldats vont tenter de lui trancher la gorge lorsqu'il fera plus sombre !"

Mag fut une nouvelle fois impressionnée par son amie. Avant de quitter le ranch, l'indienne avait passé de nombreuses heures dans le bureau de son père à observer la carte qui était accrochée au mur. Elle ne représentait que le Texas, un vaste territoire. Cependant, P.V. en avait retenu presque tous les détails. Elle avait une mémoire qui lui permettait de se remémorer tout ce qu'elle avait pu voir sur cette représentation du Texas. Mag était sûre qu'elle savait exactement où elle était sur le plan et qu'elle pourrait la guider à travers toutes les terres de l'état sans se perdre. Néanmoins, les explications succinctes de la jeune indienne ne lui permirent pas de comprendre en quoi il était nécessaire de tuer le voyageur pour une lettre. Elle demanda donc à P.V. :
"Mais pourquoi donc cette lettre était-elle si importante ? L'ont-ils dit ?
- Ils ont juste dit qu'elle était la mort assurée pour chacun d'eux et l'un d'eux a utilisé une expression que je n'ai pas compris !" Répondit-elle en haussa les épaules en guise d'excuse.

Suite

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