Le Poney Express


Parties 4 à 6

4

A peine eut-il fini sa phrase que des soldats de l'armée surgirent de derrière les collines. Panthère-Vive ne comprit pas immédiatement ce qui se passait. Instinctivement, les femmes de la tribu se rapprochèrent d'elle et de Vent-Sage. Soudain, il y eut un bruit assourdissant, répercuté par les collines. C'est alors que Soleil-Levant qui les avait presque rejoint, s'écroula. La jeune femme sut alors où elle avait déjà entendu ce bruit. Aussitôt, ses souvenirs d'enfant, si profondément enfouis au fond d'elle-même, resurgirent en un instant. Elle comprit que ces gens qui arrivaient, feraient subir à la tribu le même sort que celui qu'avait subi sa famille lorsqu'elle était petite. Mais cette fois, elle n'était plus une enfant terrorisée par le danger, mais une adulte capable de se défendre et c'est ce qu'elle comptait faire. Sans aucune trace d'hésitation, elle se saisit de son arc, qu'elle avait décidé d'emmener pour le cas où elle trouverait une belle proie. Elle l'arma avec sa première flèche et tira. Elle eut du mal à viser. Les femmes, voyant Soleil-Levant s'écrouler, avaient été prises d'un vent de panique et elles courraient dans tous les sens. Panthère-Vive avait peur d'en blesser une. Sa première flèche n'atteint donc aucune cible. Mais, aussi vive qu'un éclair, elle en décocha une seconde. Celle-ci eut plus de succès. Elle se planta dans l'épaule d'un des soldats. L'homme qui était à côté de celui qui s'écroula, aperçut la jeune indienne debout au milieu de la foule qui s'apprêtait déjà à tirer une autre flèche. Il la visa et tira. Panthère-Vive fut touchée et elle s'écroula. Vent-De-Lune se précipita vers elle. La jeune femme était la meilleure amie de la blessée. Celle-ci réussit à la mettre avec son fils Petit-Aigle à l'abri du danger, pour attendre la fin du massacre. Panthère-Vive se souvenait parfaitement des cris angoissés des femmes de la tribu, des coups de feux qui ne tarissaient pas, des hennissements affolés des chevaux du troupeau et de la douleur fulgurante qui la faisait souffrir. Elle ne put rien faire pour sauver sa famille.

Quand les bruits des armes cessèrent, les soldats rassemblèrent les femmes encore en vie. Elle vit alors le village jonché de cadavres de femmes et d'enfants. Vent-De-Lune était toujours à ses côtés et tenait dans ses bras fermement Petit-Aigle. L'enfant n'était pas véritablement le sien, mais celui de l'indien qui l'avait accueillie dans son tippi et d'une jeune squaw morte en couche. Pourtant Vent-De-Lune le considérait comme son fils et elle était prête à le protéger du mieux qu'elle le pourrait. Panthère-Vive se rendit compte que les soldats avaient uniquement épargné les femmes blanches qui vivaient au sein de la tribu. Et ceux-ci voulurent aussi tuer le jeune enfant que l'amie de la jeune blessée serrait contre elle avec amour. Mais aucune des deux femmes ne semblaient vouloir les laisser faire et ils durent se résigner à l'emmener avec eux, pensant po uvoir s'en débarrasser plus tard.

Ils conduisirent les femmes dans un campement un peu plus loin au sud du village. Il était déjà monté quand elles arrivèrent avec les soldats. Panthère-Vive pensa alors qu'ils avaient dû camper là plusieurs jours pour attendre le moment propice pour attaquer le village. Vent-De-Lune ne la quittait pas espérant que si les soldats s'en prenaient à son fils, Panthère-Vive serait là pour l'aider à le défendre. Les deux jeunes femmes comprirent rapidement que les soldats étaient venus pour libérer les blanches que ces "sauvages", ainsi qu'ils se plaisaient à qualifier le peuple qui les avait recueillies, avaient faites prisonnières. De plus, elles n'eurent pas de mal à se rendre compte que ces blancs ne voulaient pas qu'un seul indien survive. Ils avaient l'intention de tuer les hommes lorsqu'ils rentreraient au village. Ils ne voulaient pas voir débarquer les chasseurs de la tribu et attaquer la ville pour récupérer leurs femmes et prendre les autres. Vent-De-Lune s'était attachée à l'indien dont elle partageait la vie, ce qui n'était pas le cas de toutes les femmes sauvées. Aussi, ne voulait-elle pas le voir mourir. Il avait toujours été bon pour elle, mais elle ne savait pas comment le sauver.

Panthère-Vive avait été blessée à l'épaule et celle-ci lui faisait horriblement mal. Mais, malgré sa douleur, la jeune indienne était bien décidée à sauver ce qui restait de son peuple. Ne faisant aucun cas de sa blessure, elle s'arrangea pour quitter le campement de fortune que les soldats avaient monté. Elle y parvint car le nombre des hommes qui montaient la garde était assez faible. De plus, aucun d'entre eux ne s'imaginait que l'une des prisonnières libérées tenterait de prendre la fuite. Ils ne s'étaient pas méfiés de la jeune femme qui leur avait tiré dessus, pensant qu'elle avait fait cela pour assurer sa survie. Il ne faisait aucun doute pour eux qu'elle était blanche et qu'elle avait sûrement dû vivre pas mal de choses horribles dans ce village, aussi ils comprenaient bien son geste.

La plupart des soldats étaient partis dans les collines et attendaient le retour des hommes de la tribu pour les massacrer à leur tour. La jeune indienne faillit se faire repérer une fois, mais profitant de l'obscurité déclinante, elle parvint à ne pas se faire prendre. Elle marcha longtemps dans le noir avant de finir par atteindre la vallée où se dressait son village, mais le bruit des fusils raisonnait déjà à travers le vallon. Elle ne put qu'assister impuissante au massacre des hommes de sa tribu avant de perdre connaissance. Lorsqu'elle reprit ses esprits, elle était dans une grande chambre au décor merveilleux. C'est dans cette maison qu'elle rencontra Margarette-Sue dite Mag par son père et ses frères. Mais une fois de plus la jeune femme se retrouva sans famille.


5

Panthère-Vive, que Mag avait presque immédiatement surnommée P.V., devint très vite l'amie de la jeune blanche. Maintenant que l'indienne y pensait, la vie de cette dernière ne fut pas toujours très heureuse. Elle avait perdu sa mère alors qu'elle avait huit ans. La jeune femme fut élevée par son père et ses frères. Son père était un riche propriétaire terrien qui possédait un immense ranch où il élevait du bétail. Elle avait toujours vu ses frères participer à cette occupation et après la mort de sa mère, la jeune enfant de l'époque troqua ses robes et ses rubans contre des pantalons et bien plus tard des colts. Dès son plus jeune âge, elle avait appris à monter à cheval et elle aimait beaucoup être en compagnie de ses frères avec qui elle faisait les quatre cents coups.

L'arrivée de P.V. dans sa vie changea bien des choses. La jeune indienne fut la première amie que Mag se fit qui n'était pas un garçon. Elles devinrent très vite liées et rien ne semblait pouvoir les séparer. Son frère l'avait ramenée un jour à moitié morte. Elle avait survécu au massacre de sa tribu. Ils l'avaient soignée et très vite prise sous leur protection. La jeune femme resta longtemps inconsciente, mais Mag passait des heures à lui parler. Elle avait rencontré, en ville, Vent-De-Lune et son fils que tout le monde appelait "le bâtard". Mag avait pris sa défense et elles s'étaient liées d'amitié. Elle racontait cela à la jeune indienne plongée dans son sommeil. Par l'intermédiaire de Vent-De-Lune, qui avait tenu à garder son nom pour honorer la mémoire de ceux qui l'avaient nourrie pendant plusieurs hivers, elle apprit ce que P.V. avait dû endurer. Lors d'une de leur rencontre, la jeune femme expliqua à Mag que l'indienne avait été trouvée très jeune errant dans les collines, mais que personne ne savait ce qui l'avait poussé à se réfugier si loin.

Panthère-Vive reprit connaissance deux semaines après le massacre, mais elle devait récupérer. Sa blessure avait failli lui coûter la vie. Mag dut la sermonner pour qu'elle reprenne le dessus. Depuis qu'elle avait vu sa mère mourir en se battant vainement contre la maladie, elle ne supportait pas de voir quelqu'un renoncer à la vie. Lorsque P.V. prit conscience que plus personne à part elle ne pouvait perpétuer les traditions de son peuple, elle récupéra à une vitesse surprenante. P.V. se sentait bien dans le ranch, mais très vite les grands espaces lui manquèrent. Et puis, il y avait cet homme dont elle n'aimait pas le comportement. Et elle avait fini par décider de quitter le ranch. Mag refusa de la laisser s'en aller seule et proposa de l'accompagner. Elle eut du mal à convaincre son père d'accepter son départ. Sans ses frères et la jeune indienne, elle n'aurait probablement pas obtenu la permission. Son père lui offrit un merveilleux cheval et en confia un à la jeune indienne afin qu'elles puissent prendre la route ensemble. Immédiatement après avoir quitté le ranch, P.V. émit le souhait de passer sur les terres de son peuple afin de leur rendre un dernier hommage avant de s'éloigner de la région où elle avait vécu tant de tragédies. C'est sur les lieux du drame qu'elle retrouva la compagnie de Chasseur et celle d'Esprit Sauvage avec qui elle décida finalement de prendre la route.


6

P.V. et Mag chevauchaient en direction de Fort Brymes. Après leur départ du ranch du père de Mag, les deux jeunes femmes avaient décidé de trouver un travail qui leur permettrait d'assurer leurs besoins. Dans la dernière ville qu'elles avaient traversée, Mag avait appris que Fort Brymes cherchait des personnes pour leur servir d'éclaireurs. Elle avait voulu tenter d'avoir le poste. P.V., suite à ses souvenirs du massacre, n'était pas très chaude. Mais, Mag l'avait convaincue en lui disant qu'elle pourrait, peut-être, en servant d'éclaireur à l'armée, éviter que d'autres drames, comme celui qu'elle avait vécu, ne se reproduisent. P.V. avait été difficile à convaincre, mais elle avait fini par accepter de suivre Mag.

En quittant cette ville, elles avaient commencé à traverser une s le massacre de sa tribu, l'indienne avait paru si abandonnée. Elle ne voulait pas que son amie se sente à nouveau sans famille et sans personne au monde. C'est pourquoi, elle avait décidé de l'accompagner. Ainsi, elle lui tiendrait compagnie jusqu'à ce que la jeune solitaire se trouve enfin une famille qui remplacerait la tribu anéantie. Mag aurait beaucoup aimé que le ranch avec son propre père et ses frères devienne, pour la petite sauvage effarouchée que semblait être P.V., sa nouvelle maison. Mais avec tout ce qui s'y était passé et la récente perte de la tribu, cela n'avait pas pu être possible. Mag en avait conscience et avait bien compris les raisons de l'indienne.

Elle finit par sortir de ses pensées. Elle aperçut tout de suite la présence de Chasseur. Le loup marchait docilement au côté d'Esprit Sauvage, le merveilleux cheval blanc que son amie montait. Elle avait été surprise par l'entente entre les deux animaux alors qu'ils auraient dû être ennemis. Sa propre monture était un cheval noir comme l'ébène, une tache marron foncé courait tout le long de ses naseaux et sa patte arrière gauche était de la même couleur que cette marque. Celui-ci avait eu beaucoup de mal à adopter le loup. A chacune des apparitions du prédateur, il manquait presque de s'emballer. Pourtant, le coursier que lui avait donné son père était d'une docilité incomparable quand on le traitait bien. Néanmoins, BlackSun, ainsi que Mag avait fini par décider de le nommer, avait fini par s'habituer à la présence de Chasseur. Dès à présent, il chevauchait en sa compagnie sans se soucier des allées et venues du loup. En pensant à cela, Mag se demanda où il pouvait partir lors de ses virées en solitaire. Elle posa la question à P.V.. L'indienne jeta un oeil sur son compagnon. Elle haussa les épaules en guise de réponse, probablement qu'il chassait. Cette question fut alors le début d'une discussion entre les deux amies. P.V. parlait peu et répondait aux questions de son amie par quelques hochements de tête, mais Mag n'en sembla pas plus contrariée que cela. Elle avait fini par s'y habituer.

Les deux jeunes femmes chevauchèrent ainsi pendant encore un petit moment. Puis, le jour se mit à décliner laissant sa place à la nuit. L'indienne envisagea alors de s'arrêter pour se reposer. Elle en fit part à son amie qui approuva sa proposition. Mag repéra alors un petit espace dans le bois qu'elles traversaient. Celui-ci était à l'abri, protégé par les buissons qui l'encadraient et semblait tout à fait agréable. P.V. l'approuva d'autant que le son de la rivière lui parvenait toujours avec la même intensité, preuve que son lit n'était pas loin. L'indienne mit pied à terre et s'approcha de l'espace. Mag la suivit toujours juché sur BlackSun. C'est alors qu'elle aperçut un jeune homme quelques mètres devant elles. Il avait fait un feu et avait établi un campement pour passer la nuit là. Mag aimait beaucoup le contact humain et aurait bien voulu en connaître plus sur cet étranger. Elle proposa donc à P.V. d'aller lui demander de se joindre à lui. L'indienne regarda dans la direction de l'homme. Elle se méfiait. Elle était toujours méfiante envers les hommes blancs et elle ne savait pas si elle devait accepter ou non la demande de son amie. Mais elle savait que Mag appréciait beaucoup de discuter avec des gens nouveaux, aussi elle s'apprêta à approuver l'idée de la jeune blanche.

C'est alors que Chasseur se mit à grogner. L'indienne porta son attention sur son compagnon. Il regardait un point fixe et montrait les dents émettant un son sourd. P.V. s'approcha de lui et s'accroupit à ses côtés pour voir ce qui faisait réagir son loup. Elle ne fut pas longue à repérer la raison de l'attitude de Chasseur. Elle frissonna en les voyant. En quelques instants, la colère et la tristesse montèrent en elle. Elle se souvint du premier coup de feu qui avait éclaté tuant Soleil-Levant, son père, et tout le reste de la tribu ensuite. Elle serra les dents pour retenir les larmes qui humidifiaient ses yeux chaque fois qu'elle se rappelait la scène. Mag la sortit de ses pensées en lui demandant à voix basse :
"C'est cet homme qui fait réagir Chasseur ainsi ?"
La jeune blanche était descendue de cheval et s'était approchée, mais elle n'était pas suffisamment bien placée pour les voir. P.V. lui répondit sur le même ton bas que son amie :
"Non ! Regarde, ce sont eux que Chasseur n'aime pas !"

Mag s'approcha sans bruit et finit par apercevoir à son tour ce que le loup avait découvert. Dans les buissons, devant elles, un groupe de cinq soldats en uniforme observait avec attention l'homme qui se tenait près du feu en solitaire. Sans le flair et l'ouïe du loup, elles ne les auraient certainement pas repérés. Les chevaux des soldats s'énervèrent brutalement. Un des soldats se leva et s'approcha d'eux pour les calmer, puis il s'assura que celui qu'ils surveillaient n'avait rien entendu. Cela semblait être le cas. L'inconnu continuait de manger tranquillement devant son feu. Mag connaissait les sentiments de son amie indienne face aux hommes de l'armée. Mais, tous n'étaient pas méchants. Ils ne faisaient qu'obéir aux ordres. Toutefois, elle voulait savoir pourquoi l'armée s'intéressait à cet homme. Qu'avait-il fait de si terrible pour que les soldats le surveillent ainsi ? Elle posa la main sur l'épaule de son amie et lui demanda à voix basse :
"Que fait-on ?"
P.V. la regarda, hésita un instant puis lui répondit :
"Tu sais ce que je pense d'eux ! Je veux savoir ce qu'ils lui veulent avant de prendre une décision. Chasseur et moi allons voir. Peut-être que l'on entendra quelque chose qui nous permettra d'en apprendre plus ! Reste avec les chevaux, je reviens."

La jeune blanche hocha la tête. Elle savait que P.V. pourrait se faire suffisamment discrète pour aller espionner les soldats sans se faire repérer. Elle comprenait aussi pourquoi l'indienne voulait prendre son loup, même si cela ne lui semblait pas prudent. Mag était, en effet, parfaitement consciente que si elle aurait un tant soit peu d'autorité sur Esprit Sauvage, et parviendrait ainsi à le garder pendant l'absence de sa maîtresse, elle n'en aurait aucune sur le loup. Elle observa donc son amie et son compagnon s'approcher furtivement du campement militaire.

Suite

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