Le Poney Express


Parties 43 à 45

43

Le soir s'avançait déjà. P.V était consciente que bientôt ils pourraient s'arrêter pour prendre du repos. Elle avait attendu de pouvoir faire cette halte toute la journée. Ce qui la rendait si impatiente, c'était l'idée d'aller chasser avec son fidèle compagnon à quatre pattes. Elle jeta un oeil sur lui. Il marchait aux côtés du cheval blanc qu'elle chevauchait. Ils avaient trotté à une bonne allure durant toute la journée, et le loup ne s'était jamais fait distancer. Cependant, il semblait quand même commencer à fatiguer. L'indienne savait que lorsqu'il en aurait marre du rythme imposé, il s'éclipserait dans les buissons pour ne revenir qu'un peu plus tard. Elle s'intéressa alors à ce que disait son amie. Mag sentant qu'ils ralentissaient leur allure, avait alors instantanément rouvert le dialogue avec Cody. Celui-ci avait répondu immédiatement avec plaisir. Ils échangeaient leur opinion sur le chemin fait depuis qu'ils s'étaient arrêtés pour manger à midi. Le cow-boy était plutôt satisfait et avoua qu'il trouvait qu'elles étaient toutes deux excellentes cavalières. Le soleil déclinait sur l'horizon et Cody finit par dire à P.V. :
"Vu que c'est toi qui t'occupe du repas de ce soir, tu choisis le moment que tu souhaites pour t'arrêter. Nous avons pas mal avancé et maintenant, je pense que nous pouvons faire une halte quand tu le désires !"

Chasseur venait de disparaître dans les buissons. L'indienne pensait qu'elle ne tarderait pas le revoir. Elle hocha donc la tête et déclara au cow-boy :
"Pour l'instant, le soleil est encore assez haut. Nous pouvons continuer d'avancer un peu !"
Cody la regarda et sourit. Elle n'était vraiment pas bavarde, mais sa compagnie n'en restait pas moins agréable. Elle avait une voix douce et semblait être très calme. Même dans le bureau du commandant du fort en présence de ce soldat qui la dévisageait, elle avait été d'une sérénité qui l'avait fortement impressionné. Mag avait remarqué le départ du loup. En entendant la réponse de son amie, elle sut immédiatement que l'indienne souhaitait attendre son retour pour s'arrêter. Elle ne fit aucune remarque. Elle savait à quel point P.V. aimait chasser avec son compagnon à quatre pattes. Cody reprit la conversation avec elle, et très vite, ils se plongèrent dans une discussion qui les amena à partager leurs opinions sur les progrès qui leur venaient de l'est. Le cow-boy et la jeune blanche n'avaient pas les mêmes idées à ce sujet. De ce fait, dès que l'un avançait des arguments, l'autre les démontait en toute hâte. P.V. les écouta longuement. Elle trouvait amusement un tel jeu. Aucun des deux n'aurait reconnu que certaines des idées de l'autre n'étaient pas fausses. L'indienne écouta, mais elle évita tout commentaire à ce sujet. Ils trottèrent encore quelques temps. Ils étaient maintenant dans un bois. Cody leur annonça qu'ils n'allaient plus le quitter jusqu'à Sweetwater, mais qu'ils avaient encore du chemin pour y arriver. Chasseur ne fit pas sa réapparition. Néanmoins, P.V. finit par décider qu'il était temps de s'arrêter. Le bois avait l'air giboyeux. L'indienne était sûre de pouvoir trouver un lapin sans trop de mal. Elle repéra facilement un petit coin où ils pourraient passer la nuit tranquillement. Elle stoppa son coursier et déclara :
"Ici, nous serons bien pour passer la nuit !
- Tu crois pouvoir attraper quelque chose dans ce coin ? Lui demanda Mag qui commençait à avoir faim.
- Je pense ! Je vais décharger Esprit Sauvage et puis j'irai voir !"

Ce faisant, l'indienne espérait que Chasseur réapparaîtrait durant le temps qu'elle s'occupait de son compagnon. Elle descendit de cheval et commença à le décharger des affaires qu'il portait. Mag comprit immédiatement ce que l'indienne attendait. Il y avait un moment déjà qu'elle n'était pas partie chasser en compagnie de son loup et la jeune blanche avait très vite appris que ces moments lui étaient indispensables. Sans commenter l'attitude de son amie, elle descendit de cheval et se mit à ôter ses affaires du dos de son coursier. Cody en fit de même. Il constata néanmoins que la jeune femme avait choisi un coin tranquille pour s'arrêter, qui plus est, ils avaient parcouru un bon bout de chemin entre le moment où il lui avait dit qu'ils pouvaient faire une halte et celui où ils l'avaient faite. Il se faisait déjà tard, et le cow-boy ne put s'empêcher de se demander si l'indienne allait pouvoir trouver quelque chose à manger facilement ou non. Cependant, il ne fit pas part de ses inquiétudes, il craignait de la blesser en lui exposant ses doutes. P.V. fut la première à terminer d'ôter ses affaires du dos de son cheval. Chasseur n'était pas encore revenu. Mais elle devait y aller tout de même. Aussi, sortit-elle de ses affaires son arc et ses flèches. Chasser avec une arme à feu ne lui plaisait pas, elle préférait pour cela les armes traditionnelles de son peuple. L'indienne dégaina son revolver et le posa parmi ses affaires. A sa place, dans son ceinturon, elle y glissa son couteau. Celui-ci avait un manche en bois gravé d'entailles qui ne semblaient pas représenter quelque chose. Pourtant, elle savait qu'aucune de ces marques n'avaient été faites au hasard. Ce couteau avait appartenu à Petit Renard, avant le massacre de la tribu. Lorsqu'elle avait demandé à Mag avant de partir de faire un dernier tour sur les ruines de son village, elle y avait trouvé un champ de ruines, dévastée et encore fumante. Tout avait été brûlé. Parmi les décombres, la jeune femme avait retrouvé quelques souvenirs ayant échappé aux ravages des flammes. Ce couteau en faisait partie et depuis elle le conservait précieusement. Un bruit dans les buissons attira son intention.

Mag discutait avec Cody et ni l'un, ni l'autre ne semblait l'avoir entendu. Elle tourna donc la tête vers la source du bruit. Très rapidement, elle remarqua les yeux de Chasseur. Le loup caché dans les buissons attendait l'approbation de sa maîtresse pour en sortir. P.V. ne tarda pas à émettre le signal et l'animal s'approcha. Mag sursauta en l'apercevant, elle ne l'avait pas entendu arriver. L'indienne lança quelques mots à Chasseur pour lui expliquer ses intentions. Cody fut alors une fois de plus surpris par l'animal. Celui-ci sembla alors se redresser comme pour signaler à sa maîtresse qu'il venait avec elle. Le cow-boy aurait juré que le loup l'avait comprise, mais il chassa cette idée de sa tête et regarda l'indienne monter à cru sur son cheval et disparaître dans les buissons, accompagnée de son compagnon à fourrure. P.V. adorait chasser. Elle avait appris cet art toute seule désireuse de faire comme son grand ami Petit-Renard. Cette initiative aurait pu l'obliger à quitter la tribu. La chasse était défendue aux femmes. La seule arme que celles-ci avaient le droit d'apprendre à manier était le couteau. Les arcs et les frondes leurs étaient tabou. Mais P.V., qui avait toujours tout fait avec son compagnon de jeux, eut beaucoup de mal à comprendre pourquoi chasser ne lui était pas permis. Aussi, un beau matin, elle avait décidé d'apprendre en cachette, toute seule. Mais un jour, Ours-Debout l'avait surprise dans les bois essayant de tendre l'arc qu'elle avait construit elle-même. Elle était assez maladroite et lorsqu'elle avait été découverte, elle eut peur d'être punie. Mais Ours-Debout avait été indulgent à cause de son esprit protecteur. Le loup l'avait choisie et Ours-Debout avait dit qu'un loup qui ne chassait pas n'était pas vraiment un loup. Alors il avait accepté que les hommes de la tribu l'initient à cet art pour lequel elle s'était finalement montrée très douée. P.V. aimait beaucoup être au milieu du groupe de chasseurs, malgré tout lorsque son loup fit son apparition dans sa vie, il devint son compagnon de chasse préféré. De là, était née entre eux la complicité qui les unissait maintenant.

L'indienne chassa ces pensées de sa tête, elle devait maintenant se concentrer sur son but. Elle devait trouver de quoi faire manger ses amis. Elle jugea alors qu'elle s'était suffisamment éloignée du campement pour accomplir sa tâche. Aussi, elle descendit de cheval et donna une tape amicale sur la croupe de son compagnon. Celui-ci, habitué à ce geste, partit sans un bruit en direction du campement. P.V. s'avança alors dans les buissons avec chasseur. Son arc était prêt à tirer et elle était à l'affût du moindre bruit, guettant sa proie. Elle sentait Chasseur à ses côtés. Lui-même était aussi sur le qui-vive. Soudain, il s'arrêta, la tête légèrement tournée sur la gauche. Il avait repéré quelque chose. Ils avaient l'habitude de chasser ensemble et ils réagissaient au moindre signe de l'autre. P.V. comprit donc immédiatement l'attitude de son loup. Aussi silencieusement qu'elle savait l'être, elle se dirigea vers la gauche accompagnée de l'animal qui se mouvait lui aussi sans un bruit. Tapie dans les buissons, P.V. aperçut rapidement les deux lièvres que son compagnon avait sentis. Le flair de Chasseur était vraiment utile lorsqu'elle chassait. Elle était bien placée par rapport à la direction du vent. Elle ne voulait pas les rater. L'indienne savait que l'un d'eux serait pour elle et l'autre pour le loup. Celui-ci était toujours à ses côtés prêt à bondir au signal de sa maîtresse. L'un des lapins cessa de manger la feuille qu'il avait entamée et se dressa sur ses pattes arrières. L'indienne remarqua ses moustaches qui frémissaient légèrement et ses oreilles qui s'étaient soudain dressées. Durant un instant, P.V. pensa qu'il les avait sentis et elle faillit donner le signal de l'attaque à Chasseur. Mais elle resta calme et ne bougea pas. Quelques secondes après, le petit lièvre se remit à mâchouiller les feuilles de la plante qu'il avait commencées. L'indienne eut donc le temps de finir de se préparer. Dès qu'elle se sentit prête, elle banda son arc. Le signal était proche. Chasseur se tapit au sol prêt à bondir dès qu'il serait donné. D'un très léger signe de tête, P.V. le donna enfin. Chasseur se lança alors tandis qu'elle-même lâchait la corde de son arc. La flèche vola vers les lapins qui, effrayés, commençaient à fuir. Mais le projectile fut plus rapide et transperça l'un des lièvres avant même qu'il n'ait eu le temps de faire demi-tour pour prendre la fuite. L'autre animal apeuré tenta de fuir, mais Chasseur redoutable prédateur fut sur lui en un rien de temps. D'un coup de crocs bien placé, il égorgea le deuxième lièvre qui rendit l'âme à son tour. La chasse avait été bonne ce jour là.


44

Pendant ce temps, Esprit Sauvage rentra tranquillement au campement. C'était une habitude qu'il avait prise. La tape amicale de sa maîtresse sur la croupe signifiait pour lui qu'il pouvait rentrer au village. Depuis qu'ils avaient pris la route, le cheval avait associé le village au campement provisoire. Lorsqu'il arriva, il rejoignit BlackSun et se mit à brouter aux côtés du cheval noir. Mag aperçut son retour, mais elle ne s'en préoccupa pas plus que cela. Elle était habituée aux allées et venues des compagnons de son amie et savait également que si un malheur était arrivé Esprit Sauvage ne serait pas aussi calme. Elle continua donc tranquillement de préparer son foyer pour faire cuire le repas que l'indienne ne manquerait pas de rapporter. Cody était un peu plus loin, il ramassait quelques bouts de bois pour alimenter le feu que la jeune femme qui l'accompagnait maintenant avait allumé. Il ne remarqua pas tout de suite l'arrivée du cheval blanc. Il ramena le bois qu'il avait récolté à Mag et c'est en levant les yeux vers leurs coursiers qu'il l'aperçut. Il regarda alors la jeune femme qui se tenait près du feu. Elle ne semblait pas avoir remarqué le retour de l'animal. Cody décida donc de le lui signaler et il ouvrit la conversation :
"Le cheval de P.V. est rentré tout seul. Il y a peut-être eu un problème ? Nous devrions aller voir !"

Mag releva la tête et regarda en direction des chevaux. Tous trois broutaient tranquillement et Esprit Sauvage ne semblait nullement agité. La jeune femme était sûre que si un problème quelconque était arrivé à son amie, le grand cheval blanc se serait chargé de lui faire comprendre. Et puis, ce n'était pas la première fois que P.V. partait chasser en sa présence et chaque fois l'animal était revenu avant elle. Mag n'était donc nullement inquiète. Elle savait que l'indienne n'allait pas tarder à réapparaître, probablement avec une belle proie pour leur servir de festin. Cependant, elle jugea bon de rassurer Cody.
"T'en fais pas de trop. Esprit Sauvage rentre souvent tout seul quand P.V. chasse c'est une habitude qu'il a pris, il y a longtemps. Cela ne veut pas dire que P.V. a des problèmes.
- Mais si elle en a ? Comment peux-tu être sûre qu'elle va bien ? Elle a très bien pu être désarçonnée par son cheval et celui-ci serait revenu tranquillement ici. Elle est donc peut-être inconsciente quelque part dans ce bois..."

Il avait l'air véritablement inquiet pour la jeune indienne. Et il se posait aussi de nombreuses questions à leurs sujets. Mag comprenait bien sa réaction, elle avait eu les mêmes au début. Et lors de la première chasse de son amie, elle était partie à sa recherche. Lorsqu'elle l'avait retrouvée, l'indienne était à deux doigts d'abattre un lapin bien dodu, animal qui avait fui en entendant Mag approcher. De plus, il y avait maintenant un moment qu'elles faisaient route ensemble, elle n'avait donc pu s'empêcher de remarquer l'amitié que P.V. entretenait avec ses deux compagnons à quatre pattes. Mag était maintenant certaine que ces deux animaux donneraient leurs vies pour sauver celle de leur jeune maîtresse, si celle-ci était en danger. Elle tenta alors d'expliquer la chose à Cody.
"Esprit Sauvage ne désarçonnera jamais P.V.. Leur entente est telle que le cheval comme sa maîtresse, ils n'hésiteraient pas à risquer leur vie pour sauver celle de l'autre s'il le fallait. Je ne saurais t'expliquer pourquoi. C'est comme ça. Il y a un lien très fort entre eux et le loup le partage. Il est d'ailleurs le seul. Je n'ai pas pu entrer dans cette communion, et je doute que quelqu'un puisse le faire un jour.
- De ce que j'en ai vu au fort, il m'a paru plutôt nerveux son cheval. Et amitié ou pas, il reste un animal. Mais admettons qu'il ne l'ait pas désarçonnée et qu'elle soit descendue seule. Il a pu être effrayé par quelque chose et prendre la fuite. P.V. pourrait donc toujours être en danger."

Il avait décidément une réponse à tout. Mais Mag était du même style. Elle trouvait toujours une réplique pour avoir le dernier mot. Elle aimait d'ailleurs beaucoup ce genre de jeux. Aussi, elle n'hésita pas à répliquer.
"P.V. est une grande fille, elle saura se défendre contre n'importe quel danger !
- Sans arme ? Demanda Cody en désignant le revolver que la jeune femme avait posé sur ses affaires avant de partir.

Cette fois, ses craintes n'étaient plus l'origine de ses paroles comme si son inquiétude première s'était envolée. Mag avait l'air de bien connaître son amie. Il avait donc fini par juger que si elle n'était pas inquiète, il n'avait pas de raisons de s'en faire. Mais il avait continué ses questions pour en apprendre un peu plus sur les deux femmes. Il avait en effet remarqué qu'au contraire de P.V., Mag semblait plus bavarde et parlait avec beaucoup de plaisir. Ni l'une, ni l'autre ne semblait vouloir parler directement d'elle. Il en avait donc déduit qu'avec un soupçon de malice, il pourrait mieux connaître les deux amies. Il avait, en effet, constaté que lorsque Mag avait parlé de l'amitié entre le cheval et l'indienne, qu'elle en avait dit beaucoup. Cody espérait donc en continuant d'insister qu'il pourrait en savoir encore d'avantage. Mag jeta à peine un regard sur l'arme que le cow-boy montra d'un simple geste. Mais elle connaissait vraiment bien son amie et l'avait déjà vue se servir de son arc, aussi elle répondit gentiment.
"Là, tu oublies une chose, P.V. est avant tout une indienne et elle a appris à se servir des armes traditionnelles de son peuple. Si elle sait se servir d'un revolver, avec un arc et des flèches, elle est encore plus dangereuse. Sans compter qu'elle a emmené son couteau avec elle. Entre nous, je trouve qu'elle le manie plutôt bien. De plus, Chasseur l'accompagne, et c'est un loup qui peut se montrer redoutable. Il est fort et robuste. Il n'hésitera pas à la défendre et il saura faire la différence !
- Que crois-tu qu'il fera contre un ours ? Même plein de bonne volonté, je ne suis pas sûr qu'il fasse le poids !
- Ne sous-estime jamais Chasseur. Il est plus rusé qu'un renard. Fais-moi confiance ! Je l'ai souvent vu agir et accomplir des actions qui m'ont plus d'une fois surprise. Tu auras peut-être l'occasion de t'en rendre compte si nous obtenons le poste !
- Je ne le connais pas assez, mais je ne le surestimerais pas à ta place. Comme tu le dis, on peut souvent être surpris. Cependant, j'admets que tu les connais mieux que moi..."

Cody en avait appris pas mal sur la jeune indienne, mais il ne voulait pas que Mag découvre son manège, il espérait pouvoir l'utiliser à nouveau pour en savoir d'avantage plus tard. Mag était perspicace et risquait de se rendre compte de la ruse. Aussi, il décida qu'il fallait se montrer patient pour mieux connaître les deux jeunes femmes. Il souhaitait maintenant qu'elles soient prises au relais pour avoir le temps de découvrir cette amitié qui semblait les unir ensemble et unir P.V. à ses compagnons à quatre pattes. Il avait beaucoup de mal à comprendre ce dernier lien. Comment la jeune femme pouvait-elle être aussi proche d'un cheval et d'un loup ? C'était une idée qu'il n'avait jamais envisagée et il ne parvenait pas à l'assimiler sans se poser plus de question qu'il ne s'en posait déjà. Après un instant de silence, il finit donc par dire à Mag :
"Je consents à attendre un peu, mais si elle tarde de trop, je pars à sa recherche avec ou sans toi !
Une voix venant de derrière eux, s'éleva alors et le coupa : "A la recherche de qui, veux-tu partir ? ..."


45

La voix qui venait de se faire entendre était douce et calme. Mag reconnu aussitôt celle de son amie et se pencha pour la voir. Cody lui se retourna. P.V. était debout devant lui. Il remarqua le loup qui se tenait à ses côtés et le lapin qu'il avait attrapé dans la gueule. L'animal alla alors se coucher près des affaires de sa jeune maîtresse et se mit à dévorer sa proie. L'indienne s'approcha de Mag et lui remit sa prise. La jeune femme se mit immédiatement au travail pour préparer l'animal. Il fallait avant de le faire cuire le dépecer et le vider de ses entrailles. Mag connaissait les gestes pour accomplir cet acte aussi bien que l'indienne. Elle avait appris avec les hommes de son père lorsqu'ils convoyaient des bêtes. La première fois, cela lui avait paru vraiment horrible, mais elle s'était vite habituée. Cody la regarda faire. Ses gestes étaient rapides, sûrs et efficaces. P.V. voyant que son amie prenait en charge le repas dans son intégralité se tourna vers le cow-boy et lui déclara gentiment :
"Tu n'as pas répondu à ma question !"

Cody la regarda. Les yeux verts de l'indienne le fixaient. L'espace d'un instant le cow-boy fut troublé par la limpidité de son regard, clair et doux comme une caresse. Il ne trouva pas immédiatement de réponse à lui formuler. Mais la jeune femme semblait pourtant en attendre une, aussi il finit par murmurer dans sa barbe.
"Personne !"
Il ne put en dire plus essayant de se ressaisir au mieux. P.V. nota son hésitation, mais elle ne parvint pas l'interpréter. Elle se comporta donc comme si elle n'avait rien vu et adressa au cow-boy un petit sourire. Mag s'arrêta quelques instants dans sa corvée et déclara à son tour.
"William s'est mis à s'inquiéter pour toi après l'arrivée d'Esprit Sauvage !"

L'indienne qui avait porté son regard sur Mag lorsque celle-ci avait pris la parole, posa de nouveau les yeux sur le cow-boy. Elle appréciait beaucoup l'attention, bien qu'elle jugea qu'il était inutile de s'inquiéter pour elle. La jeune femme savait se défendre et puis Chasseur était là pour veiller sur elle. Cody eut l'air gêné et baissa les yeux. Il ne savait pas bien quoi lui dire maintenant et craignait de l'avoir blessée en n'ayant pas eu suffisamment confiance pour ne pas se faire du souci pour elle. P.V. perçut la réaction de Cody. Elle essaya de le réconforter sachant qu'il n'avait rien fait de mal.
"C'était gentil de ta part, mais il ne fallait pas. J'ai appris à me défendre et je dois dire que je suis bien protégée !"

Disant cela, elle posa ses yeux sur le loup qui mangeait avec appétit son lapin. L'animal, comme s'il avait senti le geste de sa maîtresse, s'arrêta et leva la tête pour lui rendre son regard. Ce simple échange, dont Cody fut le témoin, fit comprendre au cow-boy que plus qu'une simple amitié, c'était de l'amour qu'il y avait entre ce redoutable animal et la frêle indienne. Il sut alors presque immédiatement que Mag avait raison sur un point : Personne ne pourrait s'immiscer entre eux. Mag avait été surprise que son amie essaie de réconforter le cow-boy, visiblement gêné de son inquiétude. Mais, elle n'avait fait aucun commentaire. C'était peut-être une bonne chose que l'indienne si renfermée d'habitude commence à s'ouvrir à quelqu'un. Mag espérait que P.V. finisse, un jour, par retrouver un endroit où elle se sentirait bien au milieu de personnes qu'elle pourrait, à nouveau, considérer comme sa famille. La jeune blanche continua donc son travail. Très rapidement, le lapin fut dépecé et vidé de ses entrailles. Elle le prépara donc avec quelques plantes que P.V. avait ramassées et dont elle lui avait montré l'utilisation. Celles-ci lui permettaient alors d'assaisonner le repas et de lui donner une saveur très agréable. Dès qu'il fut prêt, elle le mit à cuire. P.V. venait de se mettre à brosser son cheval, en attendant que le lapin soit prêt à être mangé. Cody proposa son aide à Mag, mais celle-ci venait de finir, et lui répondit qu'il n'y avait plus qu'à attendre. Tous deux s'assirent donc autour du feu et se mirent à discuter.

Cody avait toujours quelque chose à dire et Mag était bien pareille. La jeune femme plongée dans la conversation n'en oubliait pas pour autant qu'elle était responsable de leur repas. Aussi, régulièrement, elle se levait pour retourner le lapin qui cuisait. Puis, elle se rasseyait et la conversation reprenait de nouveau. Cody aurait voulu en savoir plus, notamment sur la jeune blanche. Mais celle-ci avait l'air peu enclin à en dire d'avantage. Elle avait pourtant l'air d'aimer beaucoup sa famille, notamment ses frères et son père auxquels elle faisait souvent allusion. Mag avait également sous-entendu qu'elle espérait rentrer chez elle un jour, lorsqu'elle en aurait découvert un peu plus sur le monde qui l'entourait. Cody l'enviait un peu. Il n'avait que très peu connu sa famille. Celle-ci avait été massacrée par des bandits alors qu'ils allaient s'installer dans l'ouest. Il en avait réchappé grâce à l'intervention d'un marshal qui passait par-là. Il avait alors été confié à un orphelinat. Il ignorait donc ce qu'était la joie d'être chéri par des parents qui l'aimaient. Il n'avait jamais eu l'occasion de revoir ce marshal, mais il avait appris que les bandits responsables avait, soit été tués durant une fusillade, soit pendus. Seul un avait réussi à s'échapper et tout le monde ignorait maintenant où il se cachait. Cody essaya alors de diriger la conversation sur P.V.. Il avait eu le temps de remarquer que l'indienne était peu bavarde. Il pensait donc avoir plus de chance de la connaître mieux en interrogeant Mag que la jeune femme elle-même. Il la regardait brosser avec soin et délicatesse le cheval blanc. Celui-ci docile ne bougeait pas. Chacun des gestes de la jeune femme était doux et fait avec amour. Cela ne faisait aucun doute, elle était aussi proche de son coursier que de son loup. La peau de la jeune indienne, bien qu'elle soit dorée par le soleil, semblait plutôt claire. Tout dans ses gestes, son comportement ou son parlé laissait paraître qu'elle était indienne. Pourtant, Cody pensait qu'elle ne l'était pas vraiment. Il aurait voulu savoir qui elle était réellement. Avec un air innocent, il demanda donc :
"Elle fait cela souvent ?"

Mag regarda dans la même direction que le cow-boy. P.V. était en train de démêler la queue de son compagnon avec la même patience que d'habitude. Elle reporta son attention sur Cody qui la fixait de ses yeux d'un bleu profond. Elle lui sourit et lui répondit :
"Tu veux parler de la façon dont P.V s'occupe de son cheval ?"
Le cow-boy hocha la tête. Et Mag lui expliqua :
"Elle fait cela tous les soirs. C'était une des traditions de son peuple. Elle attache beaucoup d'importance à toutes ces coutumes aux seins desquelles elle a grandi. Elle les perpétue donc avec rigueur. Mais c'est plus, pour elle, un plaisir qu'une obligation. Surtout lorsqu'il s'agit de s'occuper d'Esprit Sauvage. Elle aime beaucoup ses compagnons à quatre pattes...
- Elle n'est pas née de parents indiens, n'est-ce pas ? Demanda Cody espérant que Mag répondrait sans trop de difficultés.
- Au plus profond de son coeur, elle est indienne. Et il vaudrait mieux ne jamais lui dire le contraire. Mais, je crois, en effet, que ses parents biologiques sont blancs. De ce que j'ai pu apprendre sur elle, elle aurait été recueillie par sa tribu alors qu'elle n'était qu'une toute petite enfant. Je doute qu'elle ait le moindre souvenir sur ses origines. Elle ne sait probablement même pas comment elle est arrivée dans la tribu. Ou si elle le sait, elle n'en a jamais parlé à personne, pas même à Vent-De-Lune qui était, pourtant, sa meilleure amie. Nul ne sait ce qui lui est arrivé réellement, à part peut-être elle, et encore je n'en suis pas certaine.
- Tu crois que les indiens ont pu massacrer sa tribu et la garder elle, pour l'élever ? Demanda Cody touché par le destin de la jeune femme.
- Je n'en sais absolument rien. Mais j'en doute ou alors elle était vraiment très jeune quand cela s'est produit et n'a vraiment aucun souvenir de la scène ! Et puis Vent-De-Lune me racontait qu'une histoire courrait au sujet de P.V., comme quoi elle aurait été trouvée errant au milieu des collines. Certains disaient même qu'une importante meute de loups veillait sur elle et que c'était pour cela qu'elle pouvait désormais commander à ces redoutables animaux. Vent-De-Lune n'a jamais pu faire la part de vérité dans cette histoire, mais elle avait l'air certaine que certains détails étaient vrais !" Lui répondit Mag en regardant de nouveau la jeune femme.

Elle se souvenait parfaitement bien de l'arrivée de ces femmes que l'armée avait libérées de l'emprise du village indien, dans la petite ville de Strawberry. Toutes avaient l'air d'être heureuses et chacune d'elles affichait son dégoût des indiens et de ce qu'elles avaient vécu. Seule Vent-De-Lune ne reniait pas ces moments passés au sein de la tribu. Et quand P.V. avait, enfin, repris le dessus sur son abattement, Mag n'avait eu aucun mal à noter sa différence de comportement. Elle était fière d'être apache et refusait qu'on la traite en blanche. Les indiens étaient sa famille, cela ne faisait aucun doute pour elle. Elle ne réagissait pas comme une femme qui avait passé des mois voire des années prisonnières de sauvages. Cela Mag en était sûre. L'histoire qu'on lui avait raconté sur P.V. était peut-être incroyable, mais, tout comme Vent-De-Lune, elle restait persuadée que cette anecdote n'était pas totalement inventée. C'était pour toutes ces raisons qu'elle pensait vraiment que la famille blanche de P.V. n'avait pas été massacrée par les indiens. Cody garda le silence comme pour méditer les paroles de Mag. La jeune femme ne semblait vraiment pas en savoir plus. Il porta de nouveau son regard sur la jeune indienne. Celle-ci avait fini de s'occuper de son cheval et revenait vers eux. Au passage, elle rangea sa brosse dans ses affaires, donna une caresse au loup, avant de les rejoindre.
"Hum ! Ça sent drôlement bon. Je meurs de faim !"

L'estomac de Cody émit un grognement indiquant que lui aussi était prêt à dévorer le repas avec appétit. Les deux jeunes femmes sourirent en entendant cette plainte. Et, Mag se leva une nouvelle fois pour regarder son lapin. Il semblait cuit, aussi elle déclara alors : "Cela tombe bien pour tous les deux. Je pense que c'est cuit !"

Suite

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