Le Poney Express


Parties 37 à 39

37

L'indienne s'en rendit compte et une fois encore apprécia que cet homme ne soit pas aussi violent que certains qu'elle avait rencontrés. Beaucoup auraient tiré sur l'animal. Cependant, elle fut prompte à l'arrêter. Elle l'obligea gentiment à baisser son arme en lui disant :
"C'est mauvais de tirer sur tout ce qui bouge !"
Cody la regarda et lui répondit :
"Je n'ai pas l'intention de lui faire du mal. Je voulais tirer à côté pour le faire fuir.
- Je sais, lui répondit la jeune femme. Je m'en suis rendue compte et t'en remercie. Mais il est inutile de le faire fuir !"
Puis, sans autre explication, elle passa sa jambe gauche par-dessus l'encolure de son cheval et se laissa glisser à terre. Elle s'approcha ensuite de l'animal sauvage. William Cody s'en inquiéta et se tourna vers la jeune blanche. Celle-ci aperçut son regard et comprit ses questions silencieuses. Elle tenta donc de le rassurer en lui disant :
"Ne t'inquiète pas, elle sait ce qu'elle fait. Elle l'a élevé depuis qu'il est né. C'est son compagnon de route et son meilleur ami !"

Le cavalier n'était toujours pas très convaincu. A ses yeux, c'était surtout un animal sauvage qui pouvait très bien se retourner contre l'indienne. Cependant, il continua d'observer la scène et le loup qui n'avait toujours pas bougé. Il reniflait l'air dans l'espoir d'identifier les odeurs nouvelles qui accompagnaient sa maîtresse. Il ne s'occupa pas de la jeune femme qui s'approchait de lui. Néanmoins, il frémit à son contact. P.V. comprit tout de suite l'inquiétude de son loup. Elle la sentait au plus profond d'elle. Elle caressa sa fourrure lui murmurant des mots de réconfort à l'oreille. Le loup restait très calme et pourtant il était méfiant vis-à-vis des nouveaux venus dans le groupe. La jeune femme savait que son compagnon était aussi effrayé par l'homme et le nouveau cheval qu'ils ne l'étaient par lui. Mais elle était consciente que si elle pouvait calmer la frayeur du cavalier par des mots, elle ne pourrait pas en faire autant pour le cheval. Elle devait donc faire comprendre aux deux animaux qu'ils n'avaient rien à craindre de l'autre. Elle donna donc quelques consignes au loup qui bien sagement s'assit dans l'herbe. Puis, l'indienne fit demi-tour et retourna près du groupe. Elle attrapa les brides du cheval de Cody et lui dit :
"Descends !"
L'homme hésita. Il ne comprenait pas où voulait en venir l'indienne. Cet animal bien qu'il ait l'air totalement docile, ne lui inspirait pas confiance. Il jeta un nouveau regard sur la jeune blanche. Elle semblait plus raisonnable et peut-être l'aiderait-elle à mieux comprendre ce que son amie avait l'intention de faire. Mag lui dit alors :
"Elle sait ce qu'elle fait. Fais-lui confiance. Si nous voulons continuer à faire un bout de chemin ensemble, nous devons nous plier à ce petit contre temps !"

Toujours aussi peu rassuré, Cody finit par descendre de cheval et laissa la jeune femme agir. Celle-ci tenant fermement la bride du cheval se mit à reculer en direction du loup entraînant avec elle l'animal terrorisé. Celui-ci piétinait sur place, dans l'espoir de ne pas s'approcher trop près du prédateur qu'il sentait. Il essayait de résister, mais la jeune femme ne semblait pas de cet avis et continuait à l'attirer avec elle. Tout en faisant cela, elle lui murmurait des mots doux, des mots apaches apaisants. Elle l'encourageait, lui expliquant qu'il ne craignait rien. Comprenait-il vraiment ou la voix de la jeune femme ne faisait-elle que le bercer ? Personne n'aurait su le dire, mais il avançait, rechignant à la tache, mais chaque pas qu'il faisait le rapprochait inexorablement du loup, assis, qui attendait patiemment. Mag et Cody observaient la scène en silence. La jeune blanche avait déjà vu une telle scène se produire, lorsqu'il avait fallu présenter BlackSun à Chasseur. Cela s'était plutôt bien passé et depuis, le grand cheval noir semblait avoir moins peur du redoutable loup. Elle entendait certains mots que l'indienne prononçait avec douceur. Elle ne les connaissait pas tous, mais certains lui semblaient familiers. Cody, lui aussi, entendait ces mots, mais il n'en comprenait pas un. Pourtant en les écoutant ainsi, il semblait plus calme, plus serein comme si cela l'aidait à calmer un peu sa frayeur. Il ne savait pas à quoi il devait la relative tranquillité qu'il éprouvait soudain. Les mots prononcés par l'indienne en étaient-il à l'origine ou était-ce autre chose ? A cet instant précis, il n'aurait su le dire. Le cheval toujours un peu nerveux n'était plus qu'à quelques centimètres du loup qui attendait sagement assis, un ordre de sa maîtresse. P.V. se tourna alors vers son compagnon à quatre pattes et lui donna de nouvelles instructions dans sa langue. Tout doucement, le loup s'approcha du cheval. Celui-ci sentant le danger leva la tête au ciel en hennissant tentant d'échapper à la rencontre. Mais l'indienne avait prévu la réaction et ne le laissa pas fuir. Elle posa doucement la main sur l'encolure de la bête et continua de lui parler doucement. Chasseur docilement s'assit au pied de sa maîtresse. Cody fut alors surpris en le voyant faire, il semblait avoir une confiance totale en la jeune indienne. Il ne semblait pas craindre un coup de sabot du cheval. Ce dernier finit par baisser la tête vers le loup, intrigué par cet animal qui aurait dû lui sauter à la gorge et qui n'en faisait rien. Le loup avait toujours vécu parmi les chevaux et ne sembla donc pas plus effrayé que cela par le coursier. La présentation était maintenant faite dans les règles, P.V. espérait donc que l'un comme l'autre se tolérerait au moins le temps du voyage. Toujours dans sa langue, elle félicita Chasseur, qui content de lui, se dressa sur ses pattes arrières pour venir donner un coup de langue à sa maîtresse. Il en avait déjà oublié le nouvel animal qui fut effrayé par le geste brusque du loup. Il leva alors à nouveau la tête vers le ciel en hennissant, mais ne chercha plus à prendre la fuite. L'indienne jugea que cela était bon signe et qu'ils pourraient reprendre leur voyage. Le loup retomba sur ses pattes et regarda la jeune femme d'un air triste, pensant avoir fait une bêtise, mais celle-ci lui sourit et lui donna une petite caresse. Ce dernier, rassuré par le contact doux de la caresse, rejoignit sans crainte Esprit Sauvage. La petite troupe allait pouvoir se remettre en route.


38

P.V. ramena alors son cheval à Cody qui la regardait surpris. Il ne trouva rien à dire sur le moment. La scène l'avait intrigué au plus haut point. Cependant, si son cheval avait l'air moins effrayé par le carnassier, lui ne l'était pas. Il ne le quitta pas des yeux tant que P.V. s'occupait de ranger sa précieuse lanière de cuir dans ses affaires et de défaire ses nattes. Elle pensait qu'arriver avec ces attributs au Fort ferait mauvaise impression. Et puis, en la gardant précieusement dans ces affaires, elle passait plus discrètement, ce qui pouvait lui éviter des ennuis. Elle avait en effet remarqué qu'en affichant ses origines beaucoup de blancs se méfiaient d'elle. Mag en avait déduit la même chose et appréciait beaucoup que son amie accepte de cacher ce genre de signe. Néanmoins la jeune blanche savait que l'indienne était fière de son peuple et de ses coutumes et qu'elle n'hésitait jamais à défendre sa façon de penser, même si elle tachait le moins possible de montrer sa différence. Dès que P.V. eut finit de ranger ses affaires, elle remonta sur son coursier. William Cody n'avait toujours pas bougé et ne quittait pas des yeux le loup couché tranquillement au pied du grand cheval blanc. Celui-ci voyant sa maîtresse s'installer sur le dos de son compagnon blanc se leva et s'étira se préparant ainsi à partir lui aussi.
"On peut y aller, maintenant. Nous avons encore de la route et je préférerais m'éloigner encore du territoire indien que nous venons de traverser !" Déclara P.V..

William Cody se décida enfin à remonter sur son cheval. Bien que peu rassuré par le loup, il souhaitait continuer la route avec les deux jeunes femmes qui lui paraissaient assez sympathiques. Mais, malgré tous ces efforts, il ne pouvait s'empêcher de penser au loup, de se poser des questions à son sujet. L'animal semblait aussi docile qu'un agneau et pourtant si dangereux à la fois. Son cheval restait un peu nerveux, alors que les deux autres coursiers semblaient à peine de soucier de la présence du prédateur. Tant de questions se posaient à lui à cet instant, et pourtant grand bavard, il ne parvenait à en formuler aucune. Finalement, il finit par demander :
"Vous êtes sûres qu'il ne me fera aucun mal ?"

Mag ne sut quoi répondre à cette question. Elle comprenait parfaitement bien l'appréhension du cow-boy. Elle-même avait eu une réaction identique. Mais sa première rencontre avec le loup avait été plus mouvementée puisque celui-ci, afin de sauver sa maîtresse, avait attaqué un homme qu'il avait mordu sérieusement. Elle l'avait vu comme un fauve sanguinaire et avait eu beaucoup de mal à se faire une autre opinion de lui. Pourtant, elle avait fini par se rendre compte qu'il n'était pas aussi sauvage qu'elle ne l'avait cru au départ. Cependant, elle n'aurait su quoi dire pour calmer le nouveau venu dans le groupe. P.V. ressentit aussi l'angoisse que l'homme éprouvait face à son compagnon à quatre pattes. Du coin de l'oeil, elle regarda l'animal qui suivait tranquillement les pas d'Esprit Sauvage. C'était son plus fidèle ami et le seul qui lui restait de sa tribu. Rapidement, elle revit le jour où elle l'avait trouvé au cours d'une chasse qu'elle faisait en compagnie de Petit-Renard et deux autres de leurs amis. Elle avait dû plaider sa cause auprès du chef de la tribu pour le garder et celui-ci avait émis plusieurs conditions. Elle les avait toutes respectées et savait que désormais le loup obéissait à la moindre de ses paroles. L'indienne était donc sûre que si le cavalier ne tentait pas de l'agresser, il ne risquerait rien. Mais, elle se sentit dans l'obligation de lui dire quelques mots pour le rassurer.
"Ta peur face à Chasseur est naturelle. Je la comprends. Mais Chasseur est un animal sage et ne te fera pas de mal, à moins d'avoir une raison. Il n'aura pas de raison tant que tu ne te montreras pas agressif vis à vis de lui, de Mag ou de moi-même. S'il a l'impression que tu nous veux du mal, il pourra se montrer méchant. Mais pour l'instant, il te tolère à ses côtés, essaie d'en faire autant !"

William Cody n'était pas tout à fait convaincu par les paroles de la jeune femme. Il ne cessait de se demander comment réagirait l'animal s'il interprétait mal un de ses gestes. Certes, le jeune homme n'avait pas l'intention de faire de mal aux deux jeunes filles. Elles lui avaient sauvé la vie, mais il n'était pas sûr que le loup voit les choses de la même façon que lui. Cependant, pour apprendre à mieux connaître ses nouvelles amies, il décida de faire un effort pour lui aussi tolérer le loup. Mag essaya alors de rouvrir la conversation. Elle se dit qu'ainsi, il lui serait probablement plus facile d'oublier la présence de Chasseur à leurs côtés. Néanmoins, elle craignait de ne pas y arriver. Si l'homme était trop effrayé par l'animal, il pourrait très bien se refuser à toute discussion. P.V. le sentirait immédiatement et risquerait de se sentir froissée par l'attitude du cow-boy. Malgré tout, Mag tenta sa chance. William Cody était d'un naturel tout aussi bavard que ne pouvait l'être la jeune femme, aussi lorsqu'elle essaya d'ouvrir la conversation à nouveau, il saisit l'occasion d'en apprendre plus et discuter avec les jeunes femmes. Très rapidement, le dialogue s'établit entre Mag et William. L'un comme l'autre avait un débit de paroles qui se valait bien. P.V., comme à son habitude, se contenta d'écouter. Elle fut, cependant assez vite noyée par le jeu des questions réponses auquel se livraient les deux blancs. Bien que ne parlant pas beaucoup, l'indienne en apprit beaucoup sur le cow-boy. Celui-ci leur dévoila qu'il travaillait pour le Poney Express, la célèbre agence postale réputée pour sa traversée des Etats Unis en dix jours seulement. Mag en avait déjà souvent entendu parlé et elle était impressionnée par le travail accompli par ces cavaliers qui parcouraient des miles et des miles simplement pour porter une lettre à destination. William Cody leur apprit aussi qu'il se rendait à Fort Brymes porter une lettre importante. Il exprima aussi des doutes quant à la véritable importance de cette lettre. Le capitaine de l'armée qui avait confié ce message à l'agence avait aussi fourni l'itinéraire que le cavalier qui la porterait devait prendre. Cody n'était pas sûr que le chemin conseillé soit vraiment le plus court. Il était même certain du contraire, mais il avait reçu des ordres alors il les avait suivis. Mag parla beaucoup elle aussi. Elle n'aborda pas trop de sujet concernant directement son amie. Elle lui expliqua simplement comment elles avaient un beau matin décidé de prendre la route pour découvrir de nouveaux lieux et acquérir de nouvelles expériences. Elle lui raconta qu'elles avaient tenté de le prévenir et que c'était elles qui étaient à l'origine de la flèche qui s'était plantée au-dessus de sa tête. Elle n'omit pas non plus de lui dire qu'elles l'avaient aussi défendu lorsqu'il s'était fait attaquer par les soldats. Ils bavardèrent ainsi jusqu'à midi. P.V. ne parla pas beaucoup, mais elle apprécia de les écouter échanger leur point de vue. Le cow-boy comme son amie étaient d'incorrigibles bavards, ils se racontèrent beaucoup de choses ayant trait à leurs vies respectives. L'indienne nota quand même que Mag évita de faire certaines révélations notamment au sujet de sa famille. Elle n'aborda pas le sujet des raisons de son départ et ne laissa percer aucune information sur sa famille même. Le soleil était maintenant haut dans le ciel. P.V. estima qu'ils avaient parcouru pas mal de chemin. Elle ne fut donc nullement surprise en apercevant les contours du Fort qui se dessinaient à l'horizon. Mag le fut plus, elle n'avait pas remarqué le chemin qu'ils avaient fait ensemble, le temps lui avait paru si court. Très vite, ils virent grandir les murs de l'enceinte du Fort. A quelques mètres de l'entrée, ils s'arrêtèrent pour observer la place posée au milieu de la prairie. P.V. fut un peu effrayée à l'idée de franchir cette porte ouverte sur la vie des soldats blancs. Tant de souvenirs l'envahirent d'un seul coup. Cette vague faillit la submerger sans qu'elle parvienne à maîtriser ses sentiments. Mag aperçut l'effort que son amie dut faire pour se contrôler, aussi elle lui déclara :
"Si c'est vraiment trop dur pour toi, nous pouvons toujours faire demi-tour ! Nous trouverons autre chose ailleurs!"

P.V. la regarda. Elle était contente que son amie soit aussi compréhensive envers elle. Elle lui adressa un petit sourire et lui répondit :
"Vent-Sage disait qu'il ne fallait pas haïr. Celui qui arrive à vaincre la haine qu'il porte en lui, devient plus fort et plus sage. J'y arriverai !"
Elle reporta alors son attention sur les murs du Fort et murmura pour elle-même :
"Enfin, je l'espère !"

Mag n'entendit pas la dernière remarque de son amie, mais elle remarqua parfaitement son geste qui lui fit attraper une nouvelle fois la petite bourse de cuir qu'elle avait sous ses vêtements. A cet instant, la jeune blanche prit conscience que ce qu'elle avait demandé à l'indienne en lui proposant d'accepter ce poste était vraiment très dur pour elle. Pourtant, elle avait accepté, mais Mag se demandait maintenant si elles avaient vraiment bien fait de venir jusque là. Si elle l'avait su plutôt, jamais elle n'aurait eu une telle idée. Néanmoins, sans exprimer ses sentiments, elle suivit William Cody et P.V. qui s'avançaient déjà vers l'intérieur du Fort.


39

Les trois amis franchirent la grande porte qui leur donnait accès sur l'intérieur du fort. De nombreux hommes en uniformes s'affairaient dans tous les coins. P.V. remarqua que quelques civils étaient présents et s'occupaient de divers petits travaux. Un soldat s'approcha d'eux. L'indienne posa son regard sur lui et immédiatement, son coeur se serra. Elle reconnut l'homme qui venait les accueillir. Il était présent lors du massacre de la tribu. C'était un des rares visages qu'elle avait souvenir d'avoir vu. Il lui avait tiré dessus, et c'était un des gardiens auxquels elle avait échappé pour essayer de prévenir les hommes de la tribu. La jeune femme n'avait jamais compris pourquoi les visages de quelques-uns uns des soldats l'avaient marquée plus que certains autres, mais elle sut alors que cette tentative de travailler pour l'armée allait être particulièrement dure pour elle. Mais elle serra les dents et puisa au fond d'elle tout le courage qu'elle put y trouver. Mag et Cody mirent pied à terre en voyant le soldat arriver. L'indienne en fit donc de même et resta le plus près possible de son compagnon blanc pour essayer de masquer le plus possible la nervosité qui s'emparait d'elle à ce moment. Chasseur la sentit néanmoins, et vint donner quelques coups de tête amicaux dans les jambes de sa maîtresse comme pour lui signaler qu'il était avec elle et qu'elle n'avait donc rien à craindre.

Le soldat leur demanda ce qu'ils voulaient. Mag énonça les raisons de leur visite et Cody en fit de même. L'homme en uniforme leur demanda de le suivre les informant qu'il allait les annoncer au commandant de la garnison. Les trois amis s'engagèrent donc à sa suite. Chasseur restait près de sa jeune maîtresse. Il la sentait, elle, mais aussi Esprit Sauvage plutôt nerveux. Lui-même avait du mal à être à l'aise. Le soldat qui conduisait les trois amis vers une maison au centre du campement, avait remarqué le grand cheval blanc, il avait alors regardé la jeune femme qui en était descendue. Elle était assez petite de taille et avait un visage plutôt angélique. Pourtant, ces traits, l'homme était sûr de les avoir déjà vus quelque part. Il faisait travailler sa mémoire pour retrouver où il avait déjà croisé cette jeune femme. Sa mère lui avait toujours dit qu'il avait une petite tête, qu'il devrait essayer de faire travailler plus sa mémoire. Mais, il n'avait jamais jugé cela vraiment très utile. Aussi, il finit par se dire qu'il n'était pas important de savoir absolument qui était cette jeune personne et finit par essayer de penser à autre chose. Mais très vite les traits de la jeune femme lui revinrent en tête. Devant la maison qui semblait abriter le dirigeant du fort, le soldat leur demanda d'attendre quelques minutes. Il entra dans le bâtiment, laissant seuls les trois amis.

Cody et Mag en profitèrent pour attacher leurs coursiers à la barre prévue à cet effet qu'il y avait devant la maison. P.V., quant à elle, laissa ses rennes prendre à terre, et fit un petit signe de tête à Chasseur. Le loup hésita un instant, mais finit par attraper les rennes qui pendaient pour conduire le cheval dans un coin un peu plus tranquille. Puis, il se coucha aux pieds de l'animal nerveux, choisissant une position qui lui permettait de voir sa maîtresse au cas où elle serait menacée. P.V. le regarda faire et se sentit rassurée de savoir qu'il veillait ainsi sur elle. Cody fut impressionné par l'action du loup. Il n'avait pas remarqué le signe de tête que l'indienne avait adressé à l'animal. Il se disait donc qu'il avait agi ainsi de son propre chef. Il était vraiment surpris et ne parvenait pas à détacher son regard du couple animal. Le soldat ressortit de la maison dans laquelle il était entré quelques instants auparavant et déclara aux trois jeunes gens :
"Le commandant va vous recevoir, veuillez me suivre !"

Les trois jeunes gens suivirent le soldat. Ils entrèrent dans le bâtiment et l'homme en uniforme qui leur servait de guide ferma la porte sur eux. P.V. se sentit un instant oppressée, mais elle parvint très vite à maîtriser ce sentiment. Celui qui les avait accueillis se plaça près de la porte, droit, le regard fixé sur un point du mur en face de lui et ne bougea plus. Mag et Cody s'avancèrent de quelques pas. Un homme plus âgé que le précédent était assis à un bureau. Il terminait de lire un papier qu'il prit le temps de classer dans un dossier avant de faire attention aux nouveaux venus. L'indienne avait du mal à garder son calme. Le soldat qui se tenait derrière elle la mettait mal à l'aise. S'il la reconnaissait que se passerait-il ? Certes Mag lui avait dit que la plupart des soldats ayant participé au massacre de sa tribu la considéraient comme morte, mais il n'était pas exclu qu'il se souvienne d'elle. Pour essayer de cesser de penser à cela, la jeune femme se força à observer la maison dans laquelle ils se trouvaient maintenant. La pièce était relativement petite, meublée d'un unique bureau, de trois chaises en bois dont l'une était occupée par le commandant du fort. Dans le dos de cet homme, un feu brûlait dans une cheminée au-dessus de laquelle était accrochée une carabine flambant neuve. L'endroit était éclairé par deux grandes fenêtres qui s'ouvraient de chaque côté de la maison. Mais l'indienne remarqua une lampe à huile magnifiquement décorée posée sur le bureau. L'homme commandant le fort avait une forte carrure, une petite moustache parfaitement entretenue se profilait juste sous son nez. Il avait un uniforme impeccable, décoré de diverses médailles. Il avait des cheveux courts, châtain clair, peignés en arrière pour masquer un début de calvitie. P.V. trouva que c'était un peu précoce car l'homme lui parut plutôt jeune et puis elle trouvait amusant que les blancs perdent ainsi leurs cheveux. Les indiens n'avaient pas ce genre de problème. Elle faillit sourire à cette constatation, mais jugea que cela pouvait être déplacé, aussi, elle masqua au mieux son envie. Durant son observation, elle en oublia le soldat qui se trouvait devant la porte. Celui-ci en revanche n'avait pas cessé de l'observer. Il la connaissait. Il en était de plus en plus certain, mais il ne parvenait toujours pas à savoir où ils avaient déjà pu se rencontrer et en quelles circonstances. Cependant, il persistait à fouiller sa mémoire, cela allait lui revenir, il en était sûr. Le commandant finit par lever les yeux sur les trois visiteurs et leur déclara :
"Vous vouliez me voir, alors exposez-moi vos raisons, mais faites vite, mon temps est précieux et je n'en ai que très peu à vous accorder."

Malgré l'accueil peu chaleureux du commandant, Mag ne se démonta pas et sans une hésitation, elle lui parla de la place d'éclaireur qui les intéressait. Le commandant en l'écoutant énoncer ses motivations, haussa un sourcil perplexe. Il avait devant lui deux jeunes femmes qui tentaient de lui expliquer qu'elles souhaitaient devenir éclaireur dans l'armée américaine. Il était peu convaincu que ses hommes acceptent d'être guidés par des femmes. En les observant plus attentivement, il remarqua sans peine que la deuxième de ces jeunes personnes, celle qui ne s'exprimait pas, semblait assez frêle et fragile. Petite et plutôt mignonne, elle se tenait debout sans ouvrir la bouche comme si elle était impressionnée de se trouver dans cette pièce. Il ne lui donnait pas deux jours au milieu des soldats. Cependant, il constata qu'elle portait des mocassins à la façon indienne et non des bottes. Il en déduisit qu'elle avait vécu parmi un peuple de ces sauvages. Elle pourrait donc être un atout lorsqu'ils auraient de nouveau à faire à eux. Surtout en ce moment, où les indiens du coin semblaient plutôt nerveux. La jeune blanche, qui lui étalait les différentes raisons de leur choix, semblait motivée et elle portait une arme qui pendait bien en évidence sur sa cuisse. Si elle savait s'en servir peut-être qu'elle pourrait aussi se montrer utile. De plus, il n'avait pas eu beaucoup de candidats. Seulement quatre s'étaient présentés et deux d'entre eux semblaient plutôt peu sûrs. Ayant besoin absolument de six nouveaux éclaireurs, il décida tout de même de leur accorder une chance. Il coupa Mag dans son discours et lui demanda :
"Bien, je voudrais savoir si vous savez monter toutes les deux à cheval !
- Oui, monsieur ! répondit Mag avec fierté. Nous avons toutes les deux grandies au milieu des chevaux, et nous montons depuis notre plus tendre enfance.
- Oui, c'est un bon point, répondit le commandant. Je vois que vous êtes toutes deux armées, savez-vous aussi vous en servir depuis votre plus jeune âge.
- Non, monsieur, nous avons appris plus tard, mais nous savons nous en servir et nous pouvons vous en faire une démonstration quand vous le souhaiterez."

Mag était prête à tout pour montrer qu'elle était capable d'obtenir le poste comme n'importe quel homme. Elle avait confiance en elle et savait qu'elle serait à la hauteur. Et elle était tout aussi certaine que son amie pouvait aussi rivaliser avec plus d'un cow-boy bien entraîné. Le commandant, cependant, ne lui laissa pas en rajouter plus et lui demanda :
"Vous en aurez peut-être l'occasion si votre réponse à ma dernière question me satisfait !
- Et quelle est-elle ? Demanda Mag presque sûre d'obtenir le poste.
- Elle concerne directement votre amie. Répondit-il calmement avant de s'adresser à P.V.. Vous avez vécu parmi des indiens n'est-ce pas ?"

L'indienne leva les yeux sur le commandant. Il la regardait, semblant étudier chacune de ses réactions. Il n'était pas question pour elle de mentir. Elle était fière de ses origines et en aucune façon elle était prête à les renier. Elle hocha la tête en signe d'assentiment. Le soldat qui se tenait toujours à l'entrée de la pièce sortit de ses pensées au mot indien prononcé par son supérieur. Elle avait en effet un rapport avec les indiens, et bien qu'il ne parvenait pas encore à dire lequel, cela se précisait dans sa mémoire. Il se dit qu'en écoutant plus attentivement, il y aurait peut-être une phrase ou un mot qui raviverait complètement sa mémoire. Le commandant ayant vu le signe de tête de la jeune femme en déduisit qu'elle gardait un mauvais souvenir de son passage dans le village de sauvages qui l'avait faite prisonnière. Mais cela ne l'arrêta pas et il continua sa série de questions :
"Je suppose donc que vous parler plutôt bien leur langue et que vous connaissez leurs coutumes ?
- Oui ! Fut la seule réponse de P.V. qui ne parvenait pas à savoir où voulait en venir le commandant du fort.
- Juste une dernière question pour terminer. A quel peuple avez vous eu à faire ?
- Le peuple apache !" Répliqua P.V une certaine pointe de fierté apparaissant dans sa voix.

Le comandant ne sembla pas noter cette intonation. Il hocha la tête comme si toutes les réponses lui apportaient une entière satisfaction. Puis, il déclara :
"Bien, vous me semblez correctes, pour des femmes. Mais, je dois m'assurer que vous serez de bons éléments avant de vous faire signer. J'ai déjà eu quatre demandes en plus de la votre. Dès demain, vous passerez quelques tests avec les autres candidats. Je choisirai ensuite les meilleurs. Cela vous convient-il ?"

Mag reprit la parole en donnant son accord. Le soldat, quant à lui, recherchait toujours dans sa mémoire, les apaches, les indiens... Il était sûr que la solution n'était pas loin et, de plus en plus, naissait en lui un sentiment étrange. Il avait maintenant l'impression que cela était vraiment important de se rappeler où il avait déjà croisé cette intrigante jeune femme. Il se maudissait d'avoir aussi peu de mémoire, mais il savait qu'il finirait par retrouver espérant seulement qu'il ne serait pas trop tard. Le commandant porta alors son attention sur Cody qui jusqu'à présent s'était tenu tranquillement dans son coin.
"Et vous, vous désiriez le poste aussi ou vous avez une autre raison de solliciter de mon temps ?
- En fait, je suis du Poney Express, j'ai un courrier important à vous remettre en provenance de Sweetwater." Annonça Cody en lui tendant la précieuse lettre pour laquelle il avait risqué sa vie.

Le commandant prit la lettre et sans même la regarder, la jeta dans le feu. Les trois nouveaux amis restèrent interloqués quelques instants en regardant les flammes se précipiter sur le papier frais qui se consuma aussi rapidement que le commandant avait accompli son geste. La feuille se noircit et se recroquevilla sur elle-même. Bientôt, il ne resta plus d'elle que quelques cendres grisâtres qui s'éparpillèrent dans le feu dans un crépitement.

Suite

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