Le Poney Express


Parties 34 à 36

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P.V. en avait dit plus qu’elle en avait l’habitude, mais elle savait qu’elle devait rassurer son amie au mieux. Si celle-ci se mettait à paniquer, elle n’aurait plus toute sa tête à elle. L’indienne savait que sur le coup de la colère ou de la peur, les gens agissaient rarement bien. Elle ne souhaitait pas que Mag commette une erreur par peur. Au fond d’elle, elle était sûre que tout se passerait bien. Aussi, c’est avec une grande patience qu’elle continua à tresser ses longs cheveux bruns en espérant que leur couleur ne serait pas un handicap devant d’éventuels indiens.

La jeune blanche aurait voulu savoir où P.V. trouvait cette sérénité qui lui permettait de prendre soin de sa coiffure en de tel moment. Cela l’impressionnait beaucoup. Elle se demandait aussi si l’indienne avait peur. Si tel était le cas, elle n’en montrait rien. Elle l’observa donc quelques minutes. Cette confiance en elle qu’avait la jeune femme semblait la rassurer elle-même. Elle se sentait en sécurité malgré le danger qu'elles couraient en ce moment. Puis, elle finit par reporter son attention sur le cow-boy. Il avait posé sa carabine contre l’arbre et pliait sa couverture. Mag fit alors un rapide tour d'horizon des buissons, et c'est ainsi qu’elle aperçut des cavaliers qu’elle n’eut pas de mal à identifier comme étant des indiens. Elle se tourna vers son amie en lui disant :
"Ca y est, les voilà, et c'est le voyageur que l’on essaie de protéger qu’ils ont trouvé. Que fait-on ?"

P.V. lui tournait le dos, elle s’occupait de son cheval. Mag se déplaça légèrement pour voir ce qu’elle faisait. Elle avait défait le petit paquet qu’elle avait sorti de ses affaires précédemment. Il contenait un bandeau de cuir décoré de dessins de peinture, à celui-ci étaient accrochées trois plumes. L’indienne le plaça sur la tête de son cheval. Délicatement, elle disposa la mèche de crinière qui retombait sur le front de l’animal de façon à ce qu’elle soit bien posée par-dessus la lanière. Ainsi placée, les plumes retombaient sur le côté droit de la tête du cheval. Mis à part son pelage d’une blancheur qui prouvait que l’animal était bien soigné, Mag revit alors la première apparition d’Esprit Sauvage dans sa vie. P.V. sans un mot de plus monta sur son coursier. Puis, elle finit par déclarer :
"Soit tranquille, tout se passera pour le mieux. Maintenant, c’est à nous d’entrer dans le jeu !"

Elle prit une profonde inspiration, et attrapa machinalement quelque chose qu’elle gardait précieusement caché sous ses vêtements. C’était une petite bourse de cuir dont elle refusait de se séparer. L’indienne n’avait pas été bavarde à ce sujet et avait juste dit à Mag pour toute réponse à ses questions qu’elle renfermait une part de son passé. Elle en profita pour adresser une rapide prière au Loup son esprit protecteur et au cheval, esprit qu’elle avait toujours beaucoup respecté surtout après sa rencontre avec son compagnon blanc. Mag monta sur son cheval et se prépara mentalement aussi, priant que tout se passe pour le mieux. Puis, les deux jeunes femmes s’avancèrent vers le cavalier solitaire et le groupe d’indiens qui s’approchait de lui...


35

Le jour était maintenant levé. Le soleil apparaissait entre les arbres de la forêt. Celle-ci s'éveillait enfin de sa nuit. Le cavalier qui transportait le courrier était en train de finir d’attacher ses dernières affaires sur le dos de son coursier. Il serait bientôt prêt à partir. Sa carabine était encore posée contre l’arbre. Il ne semblait pas en avoir l’air, mais il était à l'affût du moindre bruit qui pourrait lui en apprendre d’avantage sur le coup de feu qui l’avait réveillé. Soudain, il entendit des chevaux, aussi il se retourna brutalement. Il se trouva nez à nez avec un groupe de six indiens qui semblaient plutôt en colère. Cinq d’entre eux avaient leurs armes pointées sur lui. Rapidement, il jeta un oeil à sa carabine. L’arbre lui parut tout à coup loin. Même s’il parvenait à l’atteindre, ce qui n’était pas chose sûre, il n’aurait pas le temps de se défendre qu’il serait déjà mort. Aussi, joua-t-il la prudence en restant sur place. Il ignorait ce que lui voulaient ces indiens, mais il était à peu près certain qu’il ne tarderait pas à le savoir. Puis, il remarqua un mouvement sur sa gauche. Sans cesser de surveiller le groupe qui venait de le rejoindre, il risqua un rapide coup d’oeil. Il aperçut deux jeunes femmes qui s'avançaient calmement vers eux. L’une d’elles était visiblement indienne. Le cavalier remarqua les plumes que le cheval arborait. Il se demanda ce qu’elles venaient faire là. Mais il ne s’attarda pas trop à les regarder, pensant que danger venait plutôt du premier groupe à avoir fait son apparition. Aussi, reporta-t-il rapidement son attention sur eux.

Les cinq indiens qui le menaçaient, avaient toujours leurs armes prêtes à tirer dans sa direction. Le sixième regardait les deux nouvelles venues. Il fit un petit signe à ses guerriers qui ne bougèrent pas et alla à la rencontre des jeunes femmes qui arrivaient. L’une d’elles était indienne. Il pensait qui plus est que c’était probablement une apache à en juger par les symboles dessinés sur la lanière de cuir que portait son cheval. Ces mêmes signes semblaient indiquer qu’elle était guérisseuse. Cela était plutôt rare qu’une squaw ait une place aussi importante au sein de la tribu, surtout chez les apaches, il en déduisit donc qu’elle devait être respectée par les siens. Il se demanda alors ce qu’elle pouvait faire aussi loin de ses terres et ce qu’elle voulait en se présentant à lui.

Tout en s’avançant vers le groupe, P.V. ne put s’empêcher de remarquer le coup d’oeil que le cavalier avait lancé à son fusil. Elle avait craint qu’il soit assez fou pour essayer de sauter dessus. Mais il s’était montré perspicace et s’était abstenu de faire des gestes qui pourraient être mal interprétés par l’adversaire. Il gardait son calme malgré la situation. Cela lui plaisait assez car son attitude pourrait contribuer à aider à son sauvetage. C’est elle qui ouvrit la conversation en saluant le chef du groupe en apache. Celui-ci répondit. Sa langue bien que légèrement différente sur les connotations semblait plutôt similaire à celle que parlait P.V.. L’indienne qui avait bien suivi les cours d’Ours-Debout n’eut aucun mal à s’adapter et à se faire comprendre. Ils discutèrent ainsi un moment. Mag avait appris quelques mots de la langue de son amie, mais pas assez pour comprendre une telle conversation. L’un comme l’autre parlait plutôt rapidement. La jeune blanche préféra donc se tenir en retrait et attendre, essayant de masquer au mieux ses sentiments. Elle craignait que P.V. ne parvienne pas à sauver l’inconnu et à convaincre les indiens qu’il n’y était pour rien dans la mort de leur frère. Elle jeta un oeil sur le cavalier. Celui-ci les étudiait en silence. Il paraissait très calme. Son chapeau lui tombait dans le dos. Il avait des cheveux blonds et Mag remarqua la couleur bleue de ses yeux. Elle ne put s’empêcher de songer qu’il était plutôt mignon. Lorsqu’elle se rendit compte de ses pensées, elle sentit le rouge lui monter aux joues. Espérant que le cow-boy n’ait rien remarqué, elle chassa rapidement ces idées de sa tête pour recommencer à écouter son amie et l’indien qui discutaient toujours ensemble.

Mag se demandait ce qu’ils pouvaient se raconter pour mettre aussi longtemps. Elle remarqua aussi que P.V. caressait machinalement l’encolure de son cheval qui lui-même était un peu nerveux. Elle se demanda si l’indienne accomplissait ce geste sans s’en rendre compte pour tenter de se calmer ou si elle avait senti la nervosité de son coursier et qu’elle essayait, se faisant, de l’apaiser. Mag sentit alors une pointe d’angoisse monter en elle, mais elle la réfréna au mieux. Puis P.V. désigna un bosquet d’arbres un peu plus loin. La jeune blanche le reconnut sans mal. C’était celui qui avait abrité les soldats pour la nuit. L’homme au courrier se pencha légèrement pour tenter d’apercevoir ce que l’indienne avait pu désigner, mais il ne vit rien du tout, aussi, il se concentra à nouveau sur la discussion.

Celle-ci dura encore quelques minutes, puis le chef indien se tourna vers ceux avec qui il était venu et leur dit quelque chose. Puis, sans un mot de plus, la petite troupe fit demi-tour et se dirigea vers le coin que l'indienne leur avait indiqué. Ni le cow-boy, ni la jeune blanche n’osèrent bouger. P.V. les regarda quelques instants caressant toujours l’encolure de son compagnon. Enfin, elle se décida et déclara :
"Nous pouvons y aller, mais il vaut mieux ne pas trop traîner !"

L’homme qu’elle venait de sauver la regarda, mais elle avait toujours les yeux perdus dans le vide et ne sembla pas le remarquer. Elle s’était montrée très calme durant tout le temps qu’elle avait passé à discuter avec le chef indien et elle avait l’air de méditer ce qui venait de se passer. L’homme n’osa donc pas la déranger, il se tourna vers la femme blanche qui l’accompagnait. Celle-ci lui adressa un petit sourire et lui dit :
"Nous allons jusqu’à Fort Brymes, nous pourrions faire un bout de chemin ensemble !"
L’homme hocha la tête, ramassa son fusil qu’il installa sur son cheval avant de monter lui-même dessus pour reprendre la route. P.V. sortit enfin de ses pensées et se mit en route. Son amie et le cavalier la suivirent immédiatement.


36

Les trois jeunes gens chevauchèrent un moment en silence. P.V. était un peu plus en avance par rapport aux autres et comme à son habitude elle gardait le silence. Elle méditait les paroles de l’indien avec lequel elle avait discuté. Mag, qui jetait de temps à autres un coup d’oeil derrière elle, constata très rapidement que le groupe d’indiens avait disparu dans les buissons et qu’elle ne le voyait plus. Elle adressa un nouveau petit sourire à l’inconnu avant de se porter à la hauteur de son amie. Elle lui demanda alors :
"Que leur as-tu dit ?
- La vérité ! Uniquement la vérité..." Répondit évasivement l’indienne.

Le cavalier qui venait d’être sauvé par les deux jeunes femmes les interrompit gentiment :
"Je crois que ces indiens n’avaient pas que de bons sentiments à mon égard. Vous savez ce que j’ai fait ?
- Vous n’avez rien fait de mal ! déclara Mag. Ce sont les soldats qui vous poursuivaient qui ont abattu un des leurs, un enfant !
- Il avait quatorze printemps et faisait son initiation pour devenir un homme et être accepté parmi les chasseurs de la tribu. Commenta P.V.. Il avait presque fini les épreuves. Il réussissait celle-ci et il aurait été déclaré comme un homme.
- Que va-t-il arriver aux soldats ? S’enquit Mag curieuse.
- Ils seront punis par les indiens. C’est probablement la mort qui les attend. C’était le fils du chef de la tribu !"

P.V. avait rajouté cette dernière phrase comme pour disculper les indiens de l’acte qu’ils allaient accomplir en tuant les soldats. Mag savait que son amie pensait qu’ils méritaient leur sort, aussi elle s'abstint de rajouter quoi que ce soit pour ne pas choquer dès le départ leur nouveau compagnon de route. Celui-ci voyant que les deux jeunes semblaient avoir terminé leur petit aparté, les questionna à nouveau :
"Vous avez dit que des soldats me suivaient. Comment le savez-vous ?
- Nous te suivons nous-mêmes depuis avant hier soir ! Lui répondit Mag. Nos routes se sont croisées et au moment où nous allions nous approcher, nous avons aperçu des soldats, alors nous nous sommes méfiées. Nous les avons espionnés pour en savoir plus et nous avons appris que tu transportais un courrier qui les mettait dans l’embarras. Ils avaient pour mission de t’empêcher d’arriver.
- Pourquoi m’avoir suivi ? Demanda surpris le nouveau cavalier. Vous m’auriez prévenu cela aurait été plus simple.
- Nous allons à Fort Brymes pour essayer d’obtenir les postes d’éclaireur qu’ils proposent. Nous ne voulions pas gâcher nos chances de les avoir. Nous n’en avons déjà pas beaucoup parce nous sommes des femmes alors autant ne pas mettre en l’air celles que nous avons ! Lui expliqua Mag. Et puis, cela nous a permis d’agir aux moments propices où tu avais besoin d’aide."

Le cow-boy garda alors le silence méditant ce qu’elle venait de dire. Il se demanda si c’était elles qui étaient déjà intervenues en sa faveur, le jour de la fusillade. Il allait lui poser la question lorsqu’il se rendit compte qu’ils ne s’étaient pas présentés et donc qu’il ignorait leurs noms. Aussi, reprit-il :
"Au fait, nous ne nous sommes pas présentés ! Je m’appelle William F. Cody !
- Enchantée, lui répondit Mag ravie d’en apprendre plus sur l’homme qu’elles avaient sauvé. Je m’appelle Mag Elcove et voici Panthère-Vive, mais je l’ai surnommée P.V., c’est plus court à dire..."

William Cody était plutôt content, la jeune femme blanche avait l’air de bien aimer parler et il espérait qu’il pourrait aborder avec elle de nombreux sujets. Il aimait bien discuter de choses et d’autres. Il était assez rare que lors de ses courses il ait quelqu’un avec qui parler. L’indienne, par contre, lui semblait plus réservée. Mais alors qu’il allait engager la conversation son cheval s’arrêta net. Il se mit à piétiner sur place hennissant et ne voulant plus avancer. L’homme ne comprenait pas sa bête, c’était comme si elle avait senti un danger que les chevaux des deux jeunes filles ne sentaient pas. Il tentait de calmer sa monture tout en cherchant ce qui pouvait la faire réagir ainsi. Ce fut Mag qui fut la première à découvrir la raison de cet affolement subit. Elle interpella son amie et désigna quelque chose sur leur droite. L’indienne se retourna et aperçut en même temps que Cody l’origine de la réaction du cheval. A quelques mètres d’eux se tenait un loup. Il semblait plus grand et plus robuste que ceux auquel le nouveau cavalier avait pu être confronté jusqu’à présent. Il était debout et restait totalement immobile. Cody dégaina son arme et s'apprêta à tirer pour effrayer l’animal. Il n’avait pas l’intention de le tuer car il pensait au fond de lui que tout animal en ce monde avait le droit de vivre.

Suite

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