Le Poney Express


Parties 31 à 33

31

Le nouvel arrivant dans la scène n’avait pas remarqué les hommes en uniforme et continua sans crainte ce qu’il faisait. Il devait y arriver avant l’aube, cela ne lui laissait pas beaucoup de temps pour y parvenir. Il se concentrait donc sur sa cible au point d’en avoir totalement oublié qu’il pouvait y avoir autour de lui des pièges et des dangers qui pouvaient le menacer. Il avait maintenant perdu la trace de ce lièvre qu’il poursuivait depuis un moment. S’il ne parvenait pas à le rattraper et à le tuer avant le lever du soleil, il deviendrait la risée du village. Il voulait que son père soit fier de lui et il avait conscience que ce n’était pas en échouant à cette épreuve importante, qu’il arriverait à ses fins. Désormais pour lui plus rien ne comptait, si ce n’est retrouver la trace de son lapin.

Sans s’en rendre compte, il marcha sur une brindille de bois sec qui cassa net sous son poids. P.V. entendit le bruit et l’identifia tout de suite. En un instant, elle vit le soldat le plus nerveux se retourner arme au point et faire feu dans la direction du bruit. L’indienne étouffa un cri de protestation qui monta immédiatement dans sa gorge. Mais elle parvint à le maîtriser sachant que sa vie à elle était aussi menacée s’ils venaient à la découvrir. Néanmoins, elle prit son couteau par la lame et se tint prête à l’utiliser si le besoin s’en faisait sentir. Elle se dit que l’indien qu’elle avait aperçu n’avait peut-être pas été touché et qu’il serait certainement assez sage pour ne plus faire de bruit. Le sergent se retourna et assena son point sur le visage de son subalterne.
"Espèce d’abruti de quel côté es-tu donc ? Ta bêtise a fait rater mon plan. Il va falloir trouver autre chose, maintenant que tu l’as réveillé. Mais qu’est-ce qui t’a pris ? ... Allons chercher les autres maintenant, perdu pour perdu, il faut agir !...."

Sans laisser le temps au soldat de répondre quoi que ce soit, il revint sur ses pas. P.V. eut juste le temps de s’enfoncer un peu plus dans les buissons pour se mettre à l’abri. Le sergent passa devant elle sans même la voir et le soldat le suivit lui aussi sans la remarquer. L’indienne attendit quelques instants avant de sortir de sa cachette. Elle voulait qu’ils soient assez loin pour ne pas se faire repérer. Avant toute chose, elle voulait s’assurer que celui qu’elle avait aperçu était encore en vie. S’il était blessé, elle pourrait toujours lui assurer les premiers soins. Avec mille précautions, elle se glissa dans le coin où elle l’avait vu la première fois.

Discrètement, elle écarta les buissons et jeta un oeil. Elle ne vit tout d’abord rien. L’indienne se dit alors qu’il avait dû prendre la fuite en entendant le coup de feu. Mais Chasseur qui l’avait suivie repéra quelque chose et s’enfonça dans la broussaille. L’indienne suivit son compagnon et le trouva en train de renifler quelque chose étendu au sol. Elle s’approcha silencieusement et aperçut le corps de l’indien. Elle se baissa et le retourna. Il était jeune, très jeune. Elle se demanda pourquoi un enfant, car à ses yeux s’en était un, se trouvait seul en pleine nuit dans les bois. Puis, elle se souvint que Ours-Debout leur avait expliqué que certains peuples faisaient passer une initiation aux garçons de la tribu afin que ceux-ci prouvent leur valeur et deviennent des hommes. Elle se demandait si c’était son cas. Si oui, il y avait de fortes chances que certains chasseurs de la tribu ne soient pas loin pour le protéger tout de même. Il respirait encore, l’indienne soutenant sa tête porta sa main à l’endroit où cela saignait. Délicatement elle souleva le pan de la tunique du jeune blessé et regarda la plaie. Il avait été atteint en pleine poitrine. L’indienne sut immédiatement qu’elle ne pourrait rien faire pour le sauver. Elle le regarda avec tristesse. Le jeune garçon tenta de dire quelque chose, mais seul un souffle rauque sortit de ses lèvres, puis il ferma les yeux, poussa un dernier soupir et sa vie s’échappa de son corps.

P.V. savait qu’elle ne devait pas rester là. S’il était bien en train de passer une initiation, les hommes de la tribu ne devaient pas être loin et ils seraient probablement vite sur les lieux. Elle était aussi consciente que s’ils la trouvaient près du corps, elle n’aurait aucune chance de s’expliquer. Cependant, elle ne pouvait se résoudre à le laisser seul. C’est un bruit dans les buissons qui la sortit de ses pensées. Chasseur tourna immédiatement la tête en direction du bruissement de feuilles. L’indienne déposa délicatement la tête de l’indien qu’elle tenait toujours dans ses bras et ramassa son couteau. Jetant un rapide regard à son compagnon, elle lui fit un léger signe de tête et sans demander son reste, l’animal disparut silencieusement dans les buissons. Puis, la jeune femme attendit, prête à réagir. Quelques instants après, elle aperçut Mag qui se faufilait discrètement dans les buissons. Celle-ci eut tôt fait de la rejoindre. Elle ne vit pas le corps de l’indien tout d’abord. Mais ne remarquant pas le loup, elle pensa immédiatement que le coup avait été pour lui. Elle ouvrit la bouche et demanda à son amie :
"Ca va ?"
- Oui, moi ça peut aller ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Lui demanda l’indienne surprise de voir son amie alors qu’elle s’attendait plutôt à des indiens.
- J’ai entendu un coup de feu. J’ai craint qu’il ne te soit arrivé quelque chose ! Où est Chasseur ?"


32

Mag lui répondit tout en cherchant des yeux l’animal. Ne le voyant pas, elle avait pensé que c’était sur lui que les soldats avaient tiré. Mais alors qu’elle faisait le tour des buissons, elle finit par voir l’animal sortir de la broussaille. Il ne semblait pas blessé. Elle se tourna vers son amie se disant que peut-être le coup avait été tiré dans le vide. Mais au moment où elle allait dire son soulagement à P.V., elle aperçut le corps du jeune indien. Elle ne put s’empêcher de lâcher un juron avant de constater qu’il était très jeune. Elle demanda alors à son amie.
"Il est jeune ! Que faisait-il en pleine nuit, tout seul dehors ?
- Je pense qu’il n’était pas tout seul ! Il faut partir d’ici, si ses frères nous trouvent, nous n’aurons pas le temps de nous expliquer !"

Disant cela, elle se releva, lança quelques mots en apache à son loup qui disparut immédiatement dans les fourrés et elle-même se dirigea vers l’endroit où elles avaient laissé leurs chevaux. Mag regarda une nouvelle fois le corps étendu par terre. Elle demanda alors à son amie :
"Que fait-on pour ? ...."
Elle n’acheva pas sa phrase et désigna de la tête le cadavre. P.V. se retourna et lui jeta un dernier regard. Elle ne pouvait plus rien faire pour lui de toute façon. Cela la désolait. Elle aurait dû prévoir le drame plus tôt. Elle lui répondit :
"Pour lui on ne peut plus rien faire, mais il ne faut pas que l’on reste là !
- Et pour l’homme au courrier ! Hasarda Mag qui ne voulait l'abandonner à un triste sort, si les indiens le trouvaient.
- Lui, on peut encore le sauver, s’il ne s’attarde pas et s’il ne s’enfonce pas dans les bois. Mais j’espère tout de même que les indiens tomberont sur les soldats avant de le trouver lui."
Sans en dire plus, l’indienne s'enfonça dans les fourrés. Mag ne put que la suivre et laissa à son tour le corps de l’enfant indien. Bien que P.V. fut pressée d’atteindre leurs chevaux, elle faisait preuve d’une très grande prudence. Elle espérait que le cavalier qui transportait le courrier ne s’était pas aventuré dans les bois. Aurait-il eu la sagesse de faire ses paquets pour prendre la route ou aurait-il préféré s’enfoncer dans le sous bois pour voir qui avait tiré ?

Elles arrivèrent rapidement près de leurs coursiers. P.V. commença par faire un plan d’ensemble de la situation. Les soldats furent les premiers qu’elle observa en silence. Le coin était en pleine effervescence. Tous étaient maintenant réveillés et le chef semblait donner ses instructions. Elle aurait bien aimé savoir ce qu’ils préparaient. Avaient-ils l’intention d’attaquer l’homme au courrier tout de suite ou mettaient-ils au point un plan pour l’attaquer plus loin ? L’indienne souhaitait que cela soit cette deuxième solution qu’ils préfèrent, cela lui laisserait ainsi un peu plus de temps pour trouver un moyen de sortir l’homme au courrier des ennuis qui ne manqueraient pas de s'abattre sur lui. Pensant à cela, la jeune femme se tourna vers le cow-boy que son amie tenait à aider. Ses affaires étaient encore posées au sol et son cheval broutait non loin, mais elle ne vit tout d’abord aucune trace du cavalier. Un instant, une sournoise terreur monta en elle. Elle l’imagina en train de chercher l’origine du coup de feu et tomber sur les frères de l’indien mort. Il n’aurait aucune chance de survie si cela se produisait. Elle chercha donc, à nouveau à l’apercevoir et finit par le remarquer qui scrutait les buissons. Il avait sa carabine à la main. Il ne semblait pas vouloir s’aventurer dans les broussailles et avait l’air d’attendre quelque chose tout en observant minutieusement les buissons environnants.


33

Le cow-boy n’avait pas pu repérer l’endroit d’où était venu le coup de feu. S’il avait été réveillé avant qu’il n’ait eu lieu, il aurait pu savoir. Mais cela n’avait pas été le cas, et il ne pouvait en conséquence pas déterminer la direction de celui-ci. Il hésitait donc à s’engager dans les bois pour en savoir plus. Il risquait de perdre du temps pour ne rien trouver. Mais il était en même temps tiraillé par le dilemme de savoir que quelqu’un était peut-être blessé ou mourant sans qu’il puisse lui apporter son aide. Il devait attendre pour voir si un autre coup de feu allait être tiré, mais tout semblait très calme. Puis, il se rappela brutalement l’attaque dont il avait été victime la veille. C’était peut-être les mêmes personnes qui tiraient, mais il se demanda sur qui ils pouvaient bien tirer. Cela ne lui disait vraiment rien de bon. Mais comme rien ne se produisait de nouveau, il se résigna et décida de commencer à lever son campement.

P.V. fut légèrement soulagée lorsqu’elle le vit se diriger vers ses affaires et commencer à les rassembler. Elle se tourna alors vers Mag et lui dit :
"Bon, il a l’air se préparer à lever le camp. On va en faire de même avant que les indiens qui accompagnaient le jeune garçon qu’ils ont tué n’arrivent.
- Tu crois vraiment qu’on aura à faire à eux ? Demanda Mag espérant tout de même pouvoir l’éviter.
- J’en suis sûre ! Il était trop jeune pour avoir été seul. Des adultes doivent ne pas être loin. Ils nous trouveront, reste à savoir qui ils trouveront en premier eux, lui ou nous !
- Et que ferons-nous s’ils arrivent ? Questionna Mag.
- D’abord, on reste calme. Si c’est lui ou nous qu’ils trouvent en premier, je pense être capable de nous sauver. Si c’est eux, je ne ferai rien !"

Mag sut au ton que prit son amie qu’elle ne parviendrait pas à la faire changer pour prendre le partie des soldats. Mais elle estima qu’elle avait déjà de la chance qu’elle accepte de sauver le cow-boy solitaire. L’indienne se mit en devoir de chercher quelque chose dans ses affaires. Elle savait parfaitement ce qu’elle voulait et où il était rangé aussi, elle n’eut aucun mal à le trouver. Mag n’avait pas regardé ce que son amie cherchait exactement, elle se contenta de seller son propre cheval et de ramasser ses affaires pour les installer sur son dos. L’indienne avait posé au sol un petit bout de tissu qui renfermait quelque chose qu’elle conservait comme son objet le plus précieux. Puis, elle se mit en devoir de se préparer comme l’avait fait son amie. Les deux jeunes femmes furent prêtes en un clin oeil. Le travail effectué par Mag pendant l’absence de P.V. contribua beaucoup à leur rapidité. Lorsqu’elle eut terminé, l’indienne se tourna vers le cavalier qui transportait le courrier. Il n’avait pas encore fini de plier ses affaires. D’un rapide coup d’oeil, elle s’assura que les soldats ne soient pas en train de tenter d’exécuter un de leurs plans. Mais, ils semblaient encore en grande discussion et aucun n’avait l’air d’avoir remarqué que l’homme au courrier rangeait son camp. Puis, l’indienne s’assura ensuite qu’aucun indien ne se profilait déjà à l’horizon. A cet instant, elle regretta d’avoir dit à Chasseur qu’il pouvait partir. Sa présence l’aurait rassurée. Mais, elle savait aussi qu’il risquait d’effrayer les indiens ou le cow-boy solitaire, si elles venaient à se présenter à lui, c’est pourquoi, elle lui avait dit de partir se cacher. Cependant, elle se rendit compte à quel point elle aurait aimé qu’il soit avec elle en ce moment même. Pourtant, elle tacha de ne rien laisser paraître.

Ne voyant venir aucun danger, elle entreprit de natter ses cheveux. C’était la coiffure traditionnelle des femmes de son peuple. Elle ne savait pas encore ce qu’elle allait dire aux indiens si jamais elle se retrouvait devant eux, mais elle pensait que cela lui donnerait un atout supplémentaire s’ils avaient l’impression qu’elle était vraiment des leurs.
"Que vas-tu leur dire si jamais, les indiens l’attrapent ? Demanda Mag tout à coup en se retournant vers son amie.
- Je n’en sais rien encore ! Mais je trouverai quand j’en aurai besoin, si j’en ai besoin. Pour l’instant, il n’y a pas à paniquer, ils ne l’ont pas trouvé et s’il ne s’attarde pas trop, ils ne le trouveront peut-être pas. Quoiqu’il se passe, tu restes calme. Essaie de ne pas leur montrer ta peur. Ne fais pas de gestes brusques. Tout se passera bien !"

Suite

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