Le Poney Express


Parties 28 à 30

28

La nuit était presque finie et elle avait été calme. Mais, Chasseur venait d’entendre comme un bruissement de feuilles. Celui-ci était presque imperceptible, mais il l’avait entendu quand même. Instinctivement, il tourna les oreilles en direction du bruit entendu, mais il ne bougea pas. Il perçut un nouveau crissement pas très loin sur la gauche. Aussitôt, il leva la tête et chercha à en définir l’origine. Ce geste contribua au réveil de sa maîtresse. Déjà enfant avec Athor, mais il en fut de même plus tard avec Chasseur, elle avait pris l’habitude de se réveiller au moindre mouvement inhabituel de son compagnon. Tous, au village, savaient qu’il était plus prudent de prévenir avant de s’aventurer dans le tippi que la jeune indienne partageait avec Soleil-Levant. Car que ce soit le chien ou le loup qu’elle eut plus tard ou elle-même, ils étaient vifs et pouvaient se montrer dangereux. Ils n’avaient jamais blessé personne, mais lorsque l’on était accueilli par un loup pesant son poids et par une lame de couteau qui bien maniée pouvait très bien vous faire une belle entaille dans la gorge, on s’abstenait de faire des bêtises.

Donc, sentant son compagnon se redresser, l’indienne ouvrit les yeux et machinalement porta la main sur le manche du poignard qu’elle tenait caché dans un discret emplacement de sa selle qui lui servait pour la nuit d’oreiller. Mais très vite, elle se rendit compte que son compagnon ne grognait pas. Il n’y avait donc pas de danger immédiat, aussi elle se redressa. Voyant sa maîtresse bouger, Chasseur s’assit, les oreilles et toute son attention fixée sur ce qu’il avait entendu. P.V. lui chuchota quelques mots dans sa langue. Elle était maintenant accroupie et attentive au moindre bruit ou mouvement. Du coin de l’oeil, elle aperçut l’oreille de son loup la plus près d’elle se tourner dans sa direction, mais reprendre sa place immédiatement après. Le bruit s’était de nouveau produit et cette fois, l’indienne l’avait entendu, elle aussi. On aurait dit un froissement de feuilles comme si quelqu’un se déplaçait. Cela venait de sur sa gauche, aussi elle focalisa son attention dans cette direction. Il faisait suffisamment clair pour lui permettre d’apercevoir deux uniformes qui se glissaient autour de leur campement. Les avaient-ils repérées ? Elle se tourna alors dans la direction où les hommes de l’armée s’étaient installés pour la nuit. Les trois autres membres de la troupe dormaient encore. Ce n’était donc pas elles qui les avaient poussés à s’aventurer dans les bois. Elle se leva et s’approcha de Mag. Elle la secoua. Il ne lui fallut pas le faire longtemps, la jeune blanche avait le sommeil assez léger et elle se réveilla tout de suite. Lorsqu’elle vit qu’il faisait encore noir, elle se redressa brutalement et oubliant de chuchoter demanda à son amie :
"Que se passe-t-il ? Il fait encore nuit !"
- Moins fort, répondit P.V... Deux des soldats viennent de s’éloigner de leur campement.
- Tu penses qu’ils attaquent le porteur du courrier ? Répliqua Mag en faisant, cette fois, attention de chuchoter.
- Je n'en sais rien, mais je vais les suivre pour m’en assurer. Tiens-toi sur tes gardes, si jamais ce sont leurs intentions, tu devras peut-être intervenir aussi..."

Mag hocha la tête en silence et P.V. s’éloigna avec son loup et pour seule arme son poignard. La jeune indienne s’aventura dans les buissons à la suite des hommes qu’elle avait vu s'éloigner. Elle s’avançait silencieusement dans les buissons. Ils avaient l’air d’essayer de contourner le lieu où P.V. et Mag s’étaient installées pour la nuit. Elle ne se tenait pas loin d’eux, essayant d’entendre leur conversation pour essayer de savoir si c’était elles qu’ils avaient repérées ou s’ils avaient une autre intention pour agir de la sorte. Soudain l’un d’eux tira son complice par le bras et tous deux s'arrêtèrent. La jeune femme se tapit alors à l’ombre des buissons. Elle était vraiment très proche d’eux. S’ils revenaient sur leurs pas ou si elle faisait le moindre bruit, cela ne faisait aucun doute à ses yeux, ils la découvriraient. Le premier chuchota à l’autre.
"Sergent, nous aurions peut-être dû réveiller les autres !
- Oui, c’est ça ! Pour rater notre dernière occasion de le tuer. Je te rappelle que c’est suite à une de vos erreurs que nous en sommes là et si le patron plonge, nous tombons avec.
- Je continue à penser que nous aurions dû... Essaya d’objecter une nouvelle fois celui qui avait arrêté le sergent.
- Tu n’es pas payé pour penser, répliqua l’autre. Tu te contentes d'obéir aux ordres, c’est tout. Maintenant, tu vas te taire et faire ce que je t’ordonne, sinon, c’est à cela que tu auras à faire !"

Le sergent sortit son revolver et le pointa sous le nez de son subalterne. Celui-ci regarda l’arme et se tut. Le chef du groupe avait l’air plutôt nerveux. P.V. le remarqua et ne jugea pas cela d’un bon oeil. Ne se sentant tout à coup pas très en sécurité, elle se déplaça légèrement pour se mettre plus à l’abri d’un buisson. C’est alors que l’homme qui avait entamé la discussion sortit lui aussi son arme. Il tourna la tête vers un groupe de buissons et demanda à son supérieur :
"Qu’est-ce que c’était que cela ?
- Probablement un petit rongeur ou une autre bête de ce genre ! Allez traîne pas. Le jour va bientôt se lever, nous devons agir maintenant !"

P.V. était presque sûre que ce n’était pas elle qu’il avait pu entendre. Le buisson qu’il avait regardé se trouvait en face de sa position, mais elle n’avait elle-même pas entendu de bruit. Chasseur lui par contre semblait avoir repéré quelque chose. Il renifla l’air en direction de la broussaille, mais il reporta très vite son attention sur les soldats. P.V. continua cependant à observer ces buissons. Elle entendit alors le bruissement de feuilles. Elle fut alors sûre d’une chose. Ce n’était pas un petit rongeur qui était à l’origine de ce bruit, mais un animal un peu plus gros. Elle voulait savoir ce que cela pouvait être. Son esprit de chasseur était, maintenant, entièrement fixé sur ce bruit. Elle tenait à savoir à quoi elle pourrait bien avoir à faire afin de pouvoir parer à toute attaque.


29

Mag était restée au campement. Elle surveillait les soldats encore endormis et le cavalier solitaire qui lui aussi terminait tranquillement sa nuit. Il ignorait le danger qu’il courrait peut-être maintenant. Elle était inquiète et se demandait ce qu’elle pouvait bien faire pour aider son amie. Elle ne supportait pas d’attendre ainsi. Elle décida donc d’agir, sans pour autant faire courir de risque à P.V.. L’indienne lui avait dit de rester là et de se tenir prête, c’est ce qu’elle allait faire. Rapidement sans en oublier pour autant de surveiller le coin, la jeune blanche commença à ramasser leurs affaires. P.V. avait déjà rangé la plupart des siennes. Seule sa couverture était à plier. Mag s’en occupa donc. Cela ne lui prit pas longtemps. Mais lorsqu’elle eut fini, P.V. n’était toujours pas de retour. Rien ne s’était produit. Les soldats dormaient toujours et le cavalier solitaire n’avait toujours pas bougé. Mag commençait à s'inquiéter. Elle eut tout à coup un mauvais pressentiment. Le coin était trop calme. Elle n’entendait aucun bruit, aucun signe de vie. Quelque chose avait dû arriver. Elle tourna la tête vers leurs chevaux. L’un comme l’autre avaient l’air tranquille. Esprit Sauvage était plutôt calme et ne montrait aucun signe d’énervement. Mag ignorait s’il réagirait ou non si sa maîtresse était en danger. Si P.V. était visible, cela ne faisait aucun doute, mais là elle était assez éloignée. Le sentirait-il si une quelconque menace planait sur l’indienne ?

Le mauvais pressentiment qui naissait en elle croissait. La jeune femme le sentait monter et elle commençait déjà légèrement à être nerveuse. Elle devait agir, cela ne faisait aucun doute pour elle. A nouveau Mag posa le regard sur l’inconnu allongé un peu plus loin. Sa vie aussi était probablement en danger, mais celle de P.V. lui semblait plus importante à ses yeux. Elle ramassa les paquetages qu’elle venait de faire et alla les porter près des chevaux. Elle les posa au sol et les camoufla avec quelques branches d’arbustes. Puis, non sans jeter un nouveau regard vers le cavalier qu’elle et son amie essayaient de protéger, elle s'apprêta à partir à la suite de l’indienne. Cependant, elle s’arrêta dans son geste. P.V. était partie avec Chasseur. Le loup ne laisserait personne faire du mal à sa maîtresse. Elle ne courrait donc aucun risque. Puis, elle se demanda ce qu’il pourrait bien faire contre des revolvers. Elle devait y aller, son impression d’un danger immédiat était encore plus grande. Elle allait commencer à s’enfoncer le plus silencieusement possible dans les broussailles lorsqu’un coup de feu retentit.

Cette fois, elle était certaine que quelque chose était arrivé à son amie indienne. Jetant un dernier regard sur l’homme au courrier, elle remarqua qu’il avait été réveillé par le coup de feu. Il était debout la carabine à la main. Cependant, elle ne s’attarda pas et s'enfonça dans les fourrés. Elle avait sorti son revolver et se tenait à l'affût du moindre bruit. Elle avançait avec prudence. Soudain, elle entendit des voix qui se dirigeaient vers elle. Sans hésiter, elle se cacha dans les buissons et attendit de voir qui venait vers elle. Avant de les distinguer, elle entendit leur propos. L’un d’eux avait l’air très en colère après l’autre :
"Abruti, il a fallu que tu tires ! Tu l’as réveillé et maintenant, je ne sais pas comment on va le surprendre. Je n’ai vraiment qu’une bande d’imbéciles pour me seconder. Je ne sais pas qui m’a foutu des idiots pareils, mais je vous jure que je vous ferai avaler vos bêtises, à tous autant que vous êtes !
- Mais, sergent ! Protesta celui qui suivait. Je vous assure que j’ai vu bouger quelque chose dans les buissons.
- Oui, probablement le même lapin que celui qui t’a effrayé abruti ! Répondit l’homme visiblement exaspéré par son subalterne.
- Je suis sûr que c’est plus gros ! Rétorqua le fautif plaintivement.
- Oh oui, c’était certainement le renard qui poursuivait ton effrayant petit lièvre ! Ironisa le sergent. Bon cesse donc ces jérémiades inutiles et dépêche-toi, nous pouvons peut-être encore rattraper vos erreurs. Nous allons chercher les autres et nous allons l’attaquer de front ! ..."

Mag n’en entendit pas plus. Les hommes étaient passés devant elle sans la voir et s’étaient maintenant éloignés. Ils n’avaient pas l’air d’avoir repéré leurs chevaux, aussi elle décida de partir à la recherche de son amie indienne, presque sûre maintenant qu’il lui était arrivé un malheur.


30

P.V. essayait toujours de déterminer ce qui pouvait bien se déplacer dans les buissons. Chasseur ne semblait pas être perturbé par l’animal en question. Il avait déjà reporté son intention sur les soldats. Cependant, l’indienne aurait voulu savoir. Soudain, elle aperçut une forme dans les buissons. C’était un être humain, probablement un indien. Mais que faisait-il ici ? Elle se demanda s’il était là pour surveiller tous ces hommes blancs qui venaient d’envahir son territoire ou s’il avait une autre raison d’être dans le coin. La jeune femme n’avait pas eu le temps de bien le voir, mais elle était sûre d’une chose : s’il se faisait repérer par les soldats, il aurait de fortes chances d’y laisser sa peau. Les hommes de l’armée étaient nerveux, très nerveux. P.V. craignait qu’à force de sursauter au moindre bruit, ils ne finissent par tirer sans sommation. Elle devait empêcher tout drame d’arriver, aussi elle se concentra à nouveau sur les soldats. Néanmoins, elle ne parvenait pas à oublier la silhouette qu’elle avait entr’aperçue dans les buissons. Pourquoi Chasseur qui l’avait sentie n’y avait pas prêté plus d’attention que cela ? Elle ne comprenait pas bien que son loup se soit immédiatement désintéressé de cette tierce personne. Il avait toujours pour habitude de se méfier des gens qu’il ne connaissait pas. A nouveau, la silhouette se déplaça entre deux buissons, et un froissement de feuilles se fit à nouveau entendre. Le plus nerveux des soldats se retourna brutalement et pointa son arme dans la direction du bruit. Il scruta avec attention le coin. Le sergent, exaspéré par l’attitude de son subalterne lui murmura :
"Qu’est-ce que tu fais encore ? On ne chasse pas les lapins, on est là pour sauver notre peau et obéir aux ordres.
- Je suis sûr que ce n’était pas un lapin, sergent ! Je ne sais pas ce que c’était, mais c’était un animal plus gros !"

Le sergent allait répliquer quelque chose, lorsqu’un lièvre apeuré sortit des buissons. Il s’arrêta net, regarda les soldats quelques instants puis, sans demander son reste, disparut dans des fourrés un peu plus loin. Aussi vif qu’un serpent, il ne fit qu’une très courte apparition, mais les soldats eurent bien le temps de l’apercevoir. Le sergent reprit alors :
"Un lapin ! Je te l’avais bien dit ! Maintenant concentre-toi un peu sur ton travail !"

Il se tourna et commença à s’aventurer de nouveau dans les buissons. Le subalterne resta quelques instants sur place continuant d’observer les buissons. Il n’était pas tout à fait convaincu par ce qu’il venait de voir. Il était sûr que quelque chose se cachait derrière ces arbustes. Il repensait sans arrêt à l’attaque qu’il avait fait la veille alors que leur cible se préparait à manger son repas de midi. Ils avaient, eux-mêmes, été attaqués ce qui avait permis à l’homme qui transportait le courrier de prendre la fuite. Le soldat n’avait pas exprimé ses sentiments à son supérieur, mais il était certain au fond de lui que ce n’était pas une simple coïncidence. Ils avaient bien suivi la piste de leurs agresseurs quelques temps, mais ils l’avaient très rapidement perdue. C’est cela qui contribuait à son sentiment d’un coup monté. De plus en plus, il croyait que leur patron essayait de se couvrir en les éliminant. Il avait le sentiment que cette mission était un coup dangereux. Sans vouloir exprimer ses doutes à ses camarades, il était, depuis qu’il avait fait ces constatations, très nerveux. Il était sûr que quelqu’un les observait. Ces bruits dans les buissons ne faisaient que renforcer ses sentiments et ses craintes.

Lorsque P.V. aperçut le lièvre débouler des buissons, elle avait craint que Chasseur ne résiste pas à son instinct et lui saute dessus. Elle avait remarqué que l’animal avait tourné la tête vers la pauvre bête apeurée et avait attendu. L’indienne avait immédiatement su qu’il attendait le signal comme quoi il pouvait l’attraper. Aussi, elle s’était bien gardée de le faire, elle avait l’habitude de chasser avec son compagnon et savait qu’il ne bougerait pas. Le loup ne voyant pas venir le signal de la prise en charge, avait donc laissé le lièvre prendre la fuite. Il reporta alors son attention sur ces hommes que sa maîtresse surveillait. L’indienne se sentit fière de son compagnon et machinalement elle lui flatta les flancs. Se faisant, elle cherchait à le féliciter, mais aussi à se rassurer elle-même. La jeune femme n’aurait su expliquer pourquoi, mais elle était sûre que la nuit allait mal finir. Elle était toujours accroupie dans les buissons, essayant d’imaginer un plan qui lui permettrait de mettre l’indien qu’elle avait aperçu à l’abri de ces soldats. Ceux-ci se montraient de plus en plus nerveux, surtout celui qui ne semblait pas être le chef. Il n’avait toujours pas quitté des yeux le coin où se tenait le jeune homme qui venait d’entrer en scène. P.V. ne l’avait pas vu très longtemps, mais elle avait l’impression que ce dernier ne les avait pas repérés. Cela ne l’aidait pas à chasser son angoisse. Elle essaya de cesser de penser à cela, elle devait trouver un moyen de le mettre à l’abri.

Suite

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