Le Poney Express


Parties 1 à 3

1

Deux enfants couraient dans la grande prairie. L'un d'eux était une petite fille qui pourchassait son chien en riant. Elle avait quatre ans et rayonnait de bonheur. De temps en temps, elle se retournait pour encourager le petit garçon qui la suivait. Celui-ci avait deux ans et marchait à peine. C'était dur pour lui de suivre sa soeur qui l'appelait. Mais il voulait la rattraper, alors il faisait de son mieux pour parvenir à la rejoindre. Soudain, ce fut la chute. Aussitôt, des larmes jaillirent des yeux du jeune enfant. La fillette se retourna une nouvelle fois en entendant les pleurs du garçon. Elle le vit par terre et comprenant ce qui s'était passé, elle se précipita vers lui. Le chien fit demi-tour et couru vers le jeune garçon. Il arriva avant la petite fille et se mit à tourner autour de l'enfant en aboyant. La fillette s'approcha de lui. Elle repoussa le chien gentiment en lui disant : "Ça suffit Athor. Couché, soit un gentil chien !"
L'animal, obéissant, se coucha et la petite fille aida son frère à se relever. Avec un bout du tablier que sa mère lui avait fait, elle essuya délicatement les genoux du petit garçon. Et elle tenta de calmer ses larmes.
"C'est pas grave. Il faut pas pleurer. Regarde, tu n'as rien aux genoux."
Les larmes du garçon cessèrent, mais ses yeux restèrent humides. La petite fille fut prise d'affection pour son frère qu'elle adorait plus que tout. Délicatement, elle détacha de son cou le collier que son père lui avait fait. C'était un personnage avec des ailes qu'il avait sculpté dans un morceau de bois. Il le lui avait donné en lui disant que c'était un ange, pour veiller sur elle. Il avait aussi gravé cette phrase au dos de cette sculpture, pour qu'elle n'oublie jamais que les anges de Dieu veilleraient sur elle tant qu'elle serait une gentille fille. Elle l'avait détaché et le rapprocha du garçon. L'enfant la regarda faire surpris. Puis sa soeur lui attacha le collier autour du cou en lui disant : "Tiens, je te prête mon ange pour qu'il veille sur toi."
Le coeur du petit garçon s'emplit de joie. La veille, sa soeur lui avait crié après parce qu'il avait tenté de prendre le collier sans le lui demander. Là, elle le lui donnait toute seule et de bon coeur. Il était heureux que la jeune fille lui mette autour du cou ce joli trésor qu'elle n'avait pas voulu partager avec lui avant. Il se réfugia alors dans ses bras en la remerciant. Il ne savait pas encore bien parler et se contentait de prononcer : "Ci, ci, ci..."
La fillette le serra dans ses bras et lui fit une bise sur le front. Elle aimait tellement son petit frère. Puis, ensemble, ils retournèrent vers la maison accompagnés d'Athor qui allait et venait en courant devant eux. Ce fut le lendemain de cette scène que le drame eut lieu.

Cinq hommes étaient arrivés en tirant des coups de feu dans tous les sens à la ferme. Attendant le réveil de son frère, la petite fille jouait à l'ombre de la grange. Athor, le chien de la famille, dormait à côté d'elle. Il l'adorait. Partout où l'enfant allait, il la suivait et la protégeait. Son père pensait que c'était parce qu'Athor et la fillette avaient grandi ensemble depuis leur naissance. De plus, il avait vu le jour presque en même temps, c'est ce qui avait poussé les parents de l'enfant à adopter le chiot encore fragile, et devenu maintenant un magnifique chien. Au premier coup de feu, l'animal leva la tête et la fillette s'arrêta de jouer. Les hommes tirèrent sur son père. L'enfant le vit s'écrouler. Sa mère se précipita immédiatement vers lui. Puis, son regard fut attiré par un des bandits, qui s'approchait de sa mère. Elle se leva et s'apprêta à rejoindre ses parents. C'est alors qu'elle réalisa que le chien la tirait vers l'intérieur de la grange. Elle le suivit sans vraiment s'en rendre compte. Elle ne pouvait détacher ses yeux de l'homme qui s'approchait de sa mère. Le chien la tirait toujours vers l'abri sécurisant de l'étable. Les nouveaux venus ne l'avaient pas vue. Elle se cacha dans le fond du bâtiment. Elle voulait crier mais la terreur la tétanisait à un tel point qu'aucun son ne sortait de sa bouche. Elle entendit les hurlements de sa mère et les cris de son petit frère. Elle se boucha les oreilles avec les deux mains pour ne plus entendre les hurlements de sa famille. Elle voulait fuir et aller retrouver sa maman. Mais, elle ne bougea pas. Le chien, serré contre elle, l'empêchait de sortir pour rejoindre ses parents. Pourtant la tentation était grande. L'animal grognait et montrait les dents. Elle n'avait jamais vu Athor dans cet état. C'est peut-être pour cela ou peut-être pressentit-elle le danger, toujours est-il qu'elle resta en sécurité dans la bâtisse. Les cris de sa mère résonnèrent longtemps. Puis soudain, ce fut le silence total. Elle n'entendait plus que ses propres sanglots et les grognements de son chien. Elle risqua un oeil à travers l'espacement de deux lattes de bois qui formaient le box dans lequel elle s’était réfugiée. C'est alors qu'elle aperçut des bottes qui s'avançaient vers le centre de la grange. Aussitôt, elle se tapit contre le mur serrant son chien un peu plus fort. Les bottes s'arrêtèrent à quelques pas d'elle. Elle n'osa plus bouger et essaya de contrôler ses sanglots et essaya de se faire la plus silencieuse possible comme son père le lui avait appris lorsqu’ils voulaient surprendre sa maman. Mais elle savait au fond d’elle que ce n’était plus un jeu, qu'elle ne devait pas faire le moindre bruit car cette fois sa vie en dépendait...


2

Le propriétaire des bottes ressortit après avoir rapidement inspecté la grange. Il n’y avait aucun animal dans celle-ci, l’unique cheval des parents de la fillette étant dans l’enclos à côté de la grange. L’enfant terrorisée resta tapie dans l'ombre sans un bruit n’osant plus regarder si l’homme était encore là ou non. Elle finit par entendre les chevaux qui s'éloignaient de la ferme. Puis, ce fut le silence total, mais elle resta blottie dans son coin jusqu'à la nuit. Il faisait noir lorsque le chien se leva et se dirigea vers l'entrée de la grange, la gamine toujours accrochée à ses poils. Il renifla l'air longuement sur le pas du bâtiment. Ne sentant pas de danger, il entraîna alors la petite vers les collines. Malgré le manque de clarté de la lune, l'enfant ne put s'empêcher d'apercevoir le corps de ses parents. Mais elle ne s'arrêta pas et continua de suivre son chien. A ce moment-là, son coeur se serra et des larmes silencieuses coulèrent sur ses joues. A cet instant, elle comprit que plus jamais, elle ne reverrait sa famille.
Elle erra deux jours et deux nuits dans les collines. Elle était effrayée par la multitude de bruits nouveaux qui l'entouraient. Des bruits étrangers à la fois sinistres et inquiétants, surtout la nuit où elle n'avait plus personne pour la réconforter. Elle avait peur, peur de s'endormir. A chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle revoyait son père tomber et chaque nuit elle entendait les cris de sa mère et les pleurs de son petit frère. Elle ne dormait plus et n'avait pas mangé depuis que ses parents avaient été tués. Elle avançait courageusement à travers les buissons qui la griffaient et lui arrachaient ces vêtements. Elle n'avait qu'une idée, fuir le plus loin possible de la ferme et de cet horrible cauchemar qu'elle venait de vivre. Seule la présence d'Athor lui donnait la force d'avancer. Elle ne le quittait pas. C'était une façon de se raccrocher à quelque chose, à la seule chose qui lui restait désormais dans la vie.
Le deuxième jour touchait à sa fin lorsque sortant des buissons elle se trouva nez à nez avec un homme. Il avait l'air âgé. Son torse était nu et sa peau avait une couleur différente de la sienne. L'homme posa un genou à terre pour se mettre à sa hauteur et commença à lui parler gentiment. Il employait des mots que la jeune enfant ne comprenait pas. Mais pour une raison inconnue ces mots l'apaisaient. Athor ne sembla pas contrarié par la présence de cet homme, au contraire même, il semblait avoir confiance en lui. Cet homme rappelait tant son papa à la petite fille. Comme lui, il s'était mis à sa hauteur pour lui parler et cela lui plut. Elle l'écoutait et tout à coup, sans savoir pourquoi, la fillette se retrouva dans les bras de cet inconnu où elle se mit à pleurer. Elle pleura longtemps. Puis, la fatigue et le chagrin accumulés depuis le massacre eurent raison d'elle et elle s'endormit. Le vieil homme se releva et emmena la fillette. Le chien le laissa faire mais il fut immédiatement sur ses talons.

Cet homme était un indien et il conduisit la petite fille dans son village, un village fait de tentes entre lesquelles des enfants se pourchassaient. L'homme qui avait recueilli la fillette la porta dans l'un des tipis et l'allongea avec douceur sur une couverture. Le chien se coucha à côté d'elle et lui aussi sembla enfin trouver un peu de repos. Le vieil homme alla ensuite dans une tente un peu plus loin de la sienne. Là, il parla longtemps avec un autre indien. Il lui raconta comment il avait trouvé l'enfant et comment il désirait la garder pour l'élever comme la fille qu'il n'aurait jamais. L'homme à qui il adressait sa demande écoutait en silence, hochant de temps en temps la tête. Il comprenait les sentiments de son compagnon et les approuvait. C'est pourquoi, il accorda à Soleil-Levant le droit de garder la fillette car il savait que le vieil indien s'en occuperait comme si elle était de sa propre chair..


3

Un bruit dans les buissons sortit la jeune femme de ses pensées. Elle chevauchait déjà depuis un moment en compagnie de Mag, une jeune blanche avec qui elle s'était liée d'amitié. Elle jeta un oeil dans la direction du bruissement de feuilles. Elle aperçut un loup qui surgit de la broussaille pour se joindre à elles. C'était Chasseur, un animal qu'elle avait élevé depuis sa naissance. Mag resta silencieuse, aussi, elle se replongea dans ses souvenirs. Tant de choses s'étaient passées ces deux derniers mois. Elle devait faire un point sur ce qu'elle était.

Elle avait vécu avec les indiens qui l'avaient appelée Panthère-Vive. Elle s'était intégrée dans la tribu où elle avait grandi apprenant à vivre comme eux. Elle avait été initiée à la chasse. Initiation qu'elle avait eue, grâce à l'esprit protecteur qui lui avait été attribué. Chaque membre de la tribu en avait un. Les vieux sages l'attribuaient au cours d'une cérémonie. Panthère-Vive, ayant toujours été sous la protection d'Athor le chien qui l'avait mené au village, les vieux sages en avaient déduit qu'elle était sous la protection du loup, bien que cela soit surprenant. En effet, les squaws étaient, en général, protégées par des animaux frêles et fragiles comme la biche ou le chien de prairie. Mais c'était l'esprit qui choisissait l'homme qu'il protégeait et non l'homme qui choisissait son esprit. De plus, elle avait un caractère semblable à celui de son animal totem, indépendant, curieux et vif. Si elle ne parla pas pendant toute la première année qu'elle vécut au sein de la tribu, elle apprit vite ce qui lui serait utile plus tard.
Elle fut élevée par Soleil-Levant le guérisseur de la tribu. Un vieil homme gentil avec qui elle se sentait bien. C'était lui qui lui avait transmis son savoir dans l'art de soigner les gens. Panthère-Vive l'avait suivi partout la première année de peur de rester seule. Ensuite, elle avait continué à l'accompagner durant ses promenades car elle aimait sa compagnie. Le vieil homme n'hésita pas à lui apprendre ce qu'il savait sur les plantes, lesquelles guérissaient, lesquelles étaient mauvaises. Il lui enseigna aussi de nombreuses autres choses sur la nature. Elle était heureuse et pensait avoir réussi à enterrer au plus profond d'elle les souvenirs concernant sa véritable famille. Mais, ils avaient resurgi deux mois auparavant avec le massacre de la tribu qui l'avait recueillie. Cela s'était passé si rapidement, mais tout lui était revenu et maintenant ses nuits étaient hantées par deux drames aussi horribles l'un que l'autre. Elle revoyait sans cesse la tuerie de sa famille puis le déroulement de l'attaque du campement.

Ce jour-là, la journée promettait d'être belle. Panthère-Vive avait été intégrée dans le groupe de chasseurs. Chacun d'eux aimait chasser avec elle et le loup qu'elle avait recueilli trois ans plutôt. Mais cette fois-ci, elle n'était pas partie avec eux. Soleil-Levant devait aller en forêt chercher des plantes qui guérissent et elle avait décidé de l'accompagner. Il n'était plus très jeune et l'aide qu'elle pouvait lui apporter était précieuse. Les hommes de la tribu étaient partis au lever du soleil et ils ne rentreraient pas avant la nuit. Panthère-Vive attendait le vieil indien. Son loup était parti, comme il en avait l'habitude tous les matins. Elle jeta un oeil sur le troupeau de chevaux. Il était très diminué avec le départ des hommes à la chasse. Néanmoins, elle aperçut sans mal Esprit Sauvage, le fier étalon blanc qui menait le troupeau avec une habileté sans pareille. Elle avait été autorisée à le monter malgré sa couleur blanche, sacrée pour son peuple, parce qu'elle avait réussi à établir avec lui un lien spécial que personne ne savait expliquer. Le cheval avait l'air tranquille. Il veillait sur ce qui restait de son troupeau. Soleil-Levant la rejoignit. Ils échangèrent quelques mots. Puis, le vieil indien reprit la direction de sa tente. Panthère-Vive sourit, il partait chercher des plantes, mais il avait oublié le sac dans lequel il les mettait. Soleil-Levant lui disait qu'un jour il serait fier de lui en faire cadeau, pour qu'à son tour elle veille sur la tribu. Bientôt, elle passerait les épreuves de guérisseur et reprendrait le flambeau.
Le vieil homme venait de sortir de sa tente. C'est alors qu'un hennissement puissant retentit. Panthère-Vive n'eut pas besoin de se retourner pour savoir qu'il venait d'Esprit Sauvage. Elle regarda tout de même dans la direction du troupeau. Le grand cheval blanc était subitement devenu fou. Il galopait entre les chevaux restants transmettant sa nervosité aux autres. Panthère-Vive ne comprenait pas ce qui le mettait soudainement dans cet état. Vent-Sage s'approcha d'elle. Bien qu'aveugle, il avait lui aussi reconnu l'appel du meneur de la troupe.
Il murmura : "C'est Esprit Sauvage, n'est-ce pas ?"
Panthère lui confirma qu'il avait raison. Le vieux sage reprit dans un murmure : "Ce n'est pas bon présage. Le grand esprit du cheval a senti un danger."

Suite

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