Un destin hors du commun


Chapitre 4 (suite)

Quand Rachel rentre de la ville, elle s’étonne de ne pas trouver Hickok au travail :
-"Jimmy ! Si tu n’as pas fini ton box pour le repas, tu vas avoir une réflexion..."
Mais comme s’il n’avait pas entendu la remarque de Rachel, Jimmy murmure :
-"Une amie de la journaliste est venue lui annoncer le décès d’un de ses collègues..."
Cette simple phrase fait immédiatement oublier à Rachel ses remontrances : -"Et c’est ça qui te rend si pensif ?"
Remarquant tout à coup que son attitude trahit son inquiétude, Jimmy se relève d’un bond et s’apprête à retourner dans l’écurie quand Rachel reprend :
-"Jimmy... Ce n’est pas un signe de faiblesse si tu es touché...
-Je ne veux pas parler d’elle, Rachel...
-Très bien... Elle est dans sa chambre ?"
Comme le cavalier acquiesce d’un signe de tête, elle monte la rejoindre, tandis que Jimmy retourne terminer sa corvée.

Ne se doutant pas que Hickok est déjà monté la voir, Rachel entre timidement dans la chambre de la journaliste, ne l’ayant pas entendue après qu’elle ait frappé. Elle la trouve blottie en chien de fusil sous ses couvertures, dos à la porte. Car, bien que la chaleur sous le toit commence à se faire lourde, la jeune femme frissonne. Quand la grande blonde fait le tour du lit, elle découvre son visage couvert de larmes. Elle s’agenouille devant elle et caresse ses cheveux en lui murmurant des mots apaisants. Mais les yeux rougis de Al fixant le vide lui font comprendre qu’elle ne l’entend même pas. En effet, Al est dans un autre monde. Elle ne peut pas s’empêcher de repenser à son ami qu’elle ne reverra plus jamais. Elle ne pourra jamais oublier combien il a su se montrer rassurant à son arrivée au journal et prévenant quant aux dangers du métier. Finalement son seul tord a été d’être trop proche d’elle, trop présent pour la soutenir... A ses yeux, il restera le grand frère protecteur qui l’a aidée, avec Sam, à trouver ses marques dans ce milieu fermé du journalisme. Même si des mauvaises langues le décrivent encore comme quelqu’un d’impulsif et de violent, Alyssa a toujours su que ces traits de caractère appartenaient à son ancienne vie que sa femme a su lui faire oublier. Soudain une question résonne dans la tête de la journaliste: "comment un homme de son expérience a pu perdre la vie dans un insignifiant débordement de saloon ?" Al pourrait presque aller jusqu’à penser qu’Emerson n’est peut-être pas étranger à l'accident, mais elle préfère pourtant ne pas porter de conclusions trop hâtives, car elle saura la vérité tôt ou tard et ce jour là, si Emerson a une quelconque responsabilité dans la mort de son ami, il devra répondre de ses actes. A cet instant précis, Al ne pense presque plus qu’à venger la mort de William. Pas en retrouvant les assassins directs, mais en faisant payer à Emerson l’irresponsabilité dont il fait preuve en envoyant ses journalistes couvrir des évènements trop dangereux. Al en a aussi fait les frais à son arrivée quand elle a dû se rendre à Chimney Rock. Mais elle a eu l’aubaine de trouver un soutien extérieur qui lui a évité une mort certaine. William, lui, n’a pas eu cette chance… Avec sa générosité naturelle, elle le voit très bien se mêler d’un conflit et payer le prix fort pour son courage.

Pendant les trois jours qui suivent, Al ne quitte pas sa chambre et n’accepte que quelques visites rapides de son amie Sam. Elle reçoit également à contre cœur les plateaux repas que Rachel lui monte trois fois par jour. Al ne supporte pas d’avoir à faire face à ces regards compatissants, mais impuissants face à sa peine. Elle ne sait pas comment les interpréter et n’aime de toute façon pas inspirer de la pitié.

Elle ne semble accepter le soutien de personne et se renferme de plus en plus sur elle-même. Même Teaspoon n’a pas su trouver les mots pour attirer son attention. C’est comme si elle refusait de revenir dans la réalité, trop difficile à admettre. Quand Buck rentre enfin de sa mission, tout le monde espère que sa présence réconfortera davantage la jeune femme, car au fil des jours, l’inquiétude a gagné chacun au relais. Quand, à son tour, le Kiowa entre dans la chambre de son amie, il est d’abord surpris par ses traits tirés et ses joues creuses et blanches. Puis il accroche son regard vert avec insistance et il attend un moment à quelques mètres d’elle en esquissant un léger sourire. Quand elle tend la main vers lui, sans un mot, il s’approche et s’assoie sur le bord du lit qu’elle n’a pas quitté des trois derniers jours. Immédiatement, Al se relève et le prend dans ses bras en sentant son cœur se serrer. C’est vrai, le destin, manipulé ou non par Emerson, lui a enlevé William, mais elle prend tout à coup conscience qu’elle a aussi la chance d’avoir su créer des liens très forts avec d’autres personnes qui savent être à ses côtés en cas de besoin.

A son tour, Alyssa esquisse un léger sourire en regardant à nouveau Buck dans les yeux. Ce dernier ne dit rien, jusqu’à ce qu’il remarque les nœuds dans ses longs cheveux bruns. Lentement, il essaie de les remettre en arrière en murmurant :
-"Tu vas avoir mal en les démêlant...
-Ce n’est pas à ça que je pense en ce moment...
-J’imagine bien… Mais si vous étiez si liés, il n’aimerait pas te voir dans cet état...
-Peut-être...", laisse-t-elle échapper en essayant d’imaginer ce que William lui dirait s’il était à la place de Buck. En réalité, elle ne sait pas exactement ce qu’il ferait n’ayant pas eu le temps de le connaître suffisamment pour anticiper ses réactions. Le temps qu’elle revienne à ce qui se passe dans la pièce, Buck est descendu chercher une cruche d’eau pour en verser le contenu dans la bassine prévue à cet effet.

Silencieusement, elle fixe la main hâlée tendue dans sa direction. Veut-il vraiment qu’elle sorte de son lit ? Comme elle ne bouge pas et détourne même un moment le regard, Buck remue lentement les doigts vers le ciel en disant :
-"Tu as su t’occuper de moi comme personne. Aujourd’hui c’est mon tour...
-Mais je n’ai pas besoin d’aide, Buck...", ose-t-elle à peine murmurer du bout des lèvres pour tenter de protester sans le froisser. Mais, Buck, loin d’être vexé par la distance de la jeune femme, s’approche à nouveau d’elle, se rassoit à ses côtés et prend son visage dans ses mains :
-"Al... Je sais que les situations ne sont pas comparables... Je ne peux pas savoir ce qui se passe dans ta tête, ou même dans ton coeur... Personne ne le peut... Mais je n’aime pas te voir comme ça... Négligée... Sale... Viens...", conclut-il en lui prenant la main pour l’aider à se lever et l’amener jusqu’à la chaise devant le meuble sur lequel sont posées la bassine et une petite glace. Puis délicatement, il trempe un mouchoir dans l’eau pour rafraîchir le visage brillant de la jeune femme qui se laisse faire. Sur le coup, elle trouve même le geste agréable. Mais quand elle tombe sur son reflet, elle attrape la main de Buck de stupeur :
-"Ah ! Mon Dieu ! C’est vrai que je suis affreuse...", lâche-t-elle en attrapant sa brosse, mais Buck l’arrête vite :
-"Laisse... Je vais t’aider... Tu ne vas jamais t’en sortir toute seule...
-Tu es sûr que beaucoup d’hommes font ça ?
-Brosser les cheveux d’une femme ?", demande-t-il en faisant une grimace pour se répondre à lui-même :
-"Non, je ne pense pas… Mais je suis différent des autres, on le dit assez, non ?"
D’une douceur qui conquiert immédiatement la journaliste, Buck brosse lentement les longs cheveux bouclés de son amie. En fermant les yeux, Al se revoit à la ferme de ses parents quand sa mère la coiffait dans ses plus jeunes années. Elle imagine son frère Jérémy aux champs avec leur père. Le dernier des garçons doit se sentir bien seul depuis le départ d’Al dont il est tout particulièrement proche. Et finalement contre toute attente, Buck parvient tout simplement à lui faire penser à autre chose. Tout à coup, Al laisse échapper :
"Tu sais, j’ai eu des nouvelles de la maison… Et ma mère s’étonne encore de la guérison de Sherry, mais moi, je sais que c’est à toi que nous le devons."

Buck croise le regard rempli de gratitude de la jeune femme dans la glace. Il s’arrête un instant de brosser ses cheveux, touché par la remarque et finit par répondre :
"Je suis content... La médecine n’a aucune garantie..."
En n’insistant presque pas, Buck arrive à faire accouder Alyssa à ses côtés sur le rebord de la fenêtre ouverte. Elle ferme les yeux en sentant la douceur et la chaleur des rayons du soleil sur son visage. Puis en les rouvrant, elle découvre les garçons assemblés autour de l’enclos pendant que Kid tente de tenir sur un cheval. Son attention est ensuite attirée par Cody retiré vers la grange pour s’entraîner à jouer avec son lasso. Silencieusement, elle l’observe manipuler la corde tressée avec une remarquable agilité.

Au grand soulagement des autres, les efforts de Buck pour faire sortir Al de son isolement n’ont pas été vains. Depuis sa visite, Al se joint à nouveau au reste de l’équipe pour les repas et même si elle reste relativement en retrait, tous sont indulgents. Personne n’aborde vraiment de sujets brûlants en sa présence, mais ils parlent plutôt des anecdotes de leurs courses. Pour la première fois, Al ressent au fond des yeux que Lou cache derrière ses petites lunettes, une once de sympathie. A l’inverse de Cody ou Kid qui ont tout se suite été très avenants et accueillants à son égard, Lou a gardé ses distances. Hickok, tiraillé entre la crainte de ne pas savoir quelle attitude adopter et sa fierté blessée par le rejet de la journaliste, préfère garder le silence à l’autre bout de la table. Seul Cody s’affaire à détendre l’atmosphère avec ses histoires toujours aussi comiques et ses mimiques distrayantes.

Samantha ne reste que cinq jours à l’hôtel de Rock Creek et reprend la diligence pour Denver. Sur l’invitation de Rachel et de Teaspoon qui savent que sa présence réconforte Al, elle s’est jointe à l’équipe du Pony Express pour manger. Ses élégantes tenues et ses chapeaux à plumes ne laissent aucun garçon de marbre. D’autant que la jeune femme adore plaire devant la gente masculine. Et Al lit très facilement dans les yeux de Sam combien elle apprécie d’être pour une des premières fois de sa vie considérée en tant que femme pour ce qu’elle est aujourd’hui, sans qu’aucun préjugé lié à ses activités passées ne vienne tout gâcher.

Un matin, une fois encore, Alyssa se retrouve dans l’écurie, au contact apaisant des chevaux. Elle semble apprécier tout particulièrement leur silence et le fait qu’ils ne posent pas sur elle, ce regard ennuyé devant les traits tirés de son visage. A nouveau dans le box de la jument baie, elle s’applique à la bouchonner lentement, comme pour passer le temps. Et cette fois-ci, ce n’est pas Cody qui fait irruption dans l’écurie, mais Teaspoon, alerté par des hennissements :
-"Désolée de vous avoir réveillé...
-Vous n’arrivez pas à dormir ?
-Non, pas vraiment...", répond-elle en détachant son regard de la robe marron foncée de la jument pour regarder son interlocuteur. Ce dernier, d’un calme imperturbable, s’est appuyé d’une main contre la porte, l’autre étant dans sa ceinture. Et comme il voit que la jeune femme ne tient pas à alimenter la conversation, il change de sujet en s’approchant d’un pas lent pour demander en désignant le cheval d’un signe de tête :
-"Ca passe bien entre vous ?
-Oui, assez bien... Elle est craintive, mais elle se laisse faire...
-Tu n’as pas eu de problèmes avec elle ? Elle ne t’a jamais chassée de son box ?
-Non ! Pourquoi ? Elle n’a quand même rien à voir avec le mustang qui pose tant de problèmes aux garçons !
-Non, bien sûr, mais tu sais, elle a été maltraitée par son ancien propriétaire, et depuis, elle n’accepte plus qu’on la monte... Elle refuse toute présence de l’homme... Quelques-uns des cavaliers se sont même fait éjecter de son box... J’ai fait une erreur quand je l’ai achetée... Je ne l’ai pas senti au milieu de tous les autres chevaux...
-Je m’en doutais à son attitude : elle s’agite facilement...", dit-elle en passant sa main sur le poil brillant de l’animal sur ses gardes devant tant de monde à proximité.

Soudain, elle revient sur Teaspoon resté à quelques mètres, par mesure de prudence. Il a vu les prouesses de la jument dans l’enclos quand il s’agit de faire mordre la poussière à ceux qui s’aventurent sur son dos. Elle lui demande alors :
-"Les garçons ont essayé de tout reprendre à zéro avec elle ?"
Teaspoon esquisse un sourire en se félicitant intérieurement d’avoir trouvé un sujet que la jeune femme a envie d’alimenter et répond :
-"Oui, mais sans succès… Je ne sais pas quoi en faire, mais en vous voyant toutes les deux, je pense qu’elle a enfin une chance de ne pas finir dans nos assiettes..."
Cette simple phrase la fait soudain davantage prêter attention au chef du relais. Elle s’arrête alors de brosser l’animal et tourne la tête vers Teaspoon, qui détourne le regard avec un air innocent, pour lui demander :
-"Qu’est-ce que vous voulez dire ?
-Nous n’avons rien su en faire, alors si tu arrives à regagner sa confiance, elle est à toi... Les garçons ont échoué, elle n’a plus rien à perdre..."
Un cheval à elle ? Alyssa a toujours supplié son père de lui faire ce cadeau, tout en sachant qu’il ne pouvait pas se le permettre. Elle ne s’est donc jamais étonnée de n’avoir pas reçu l’animal tant souhaité. Ses grands yeux verts brillent d’une lueur que Teaspoon n’a pas vue depuis plusieurs jours quand elle reprend :
-"Pardon ? J’ai bien compris ? Si j’arrive à remonter ce cheval, il est à moi ?
-Oui...
-Je pourrai la garder avec moi toute ma vie ?
-Oui...
-C’est quoi son nom ?
-Lolita...
-Lolita...", répète-t-elle, songeuse, en caressant son toupet et en remettant sa crinière en place entre ses deux grandes oreilles dressées vers le ciel.

Grâce à la proposition de Teaspoon, Alyssa a enfin un objectif : regagner la confiance de cette jument qui semble avoir été aussi blessée par la vie qu’elle. Toutes les deux ont au moins ce point en commun : elles ont souffert de la méchanceté des hommes. La confiance qu’elle a déjà pu établir avec l’animal la conforte dans l’espoir qu’elle arrivera à le reconquérir. De son côté, le contre-maître du relais sait que le travail ne va pas être facile pour Al qui n’a aucune formation de dresseur. Mais la sachant bonne cavalière et patiente, il espère que cette nouvelle occupation lui permettra de focaliser toute son attention sur la jument et d’oublier peu à peu sa peine.

Comme Teaspoon l’espérait, au fil des jours, Alyssa passe de moins en moins de temps seule, enfermée dans sa chambre. Sa motivation pour regagner la confiance de la jument la force en effet à sortir régulièrement pour lui rendre visite dans son box. Elle n’oublie par pour autant le gouffre qu’elle ressent en elle, mais se force à se concentrer sur le dressage de la jument baie, car elle est consciente qu’en plus d’être bénéfique pour elle, cette proposition est avant tout une marque de confiance du maître du relais. Chaque matin, dès les premières lueurs du soleil, motivée par le défi, elle descend rejoindre Lolita à l’écurie. Les garçons prennent la nouvelle avec réserve. Après tout, cette jument les a tous désarçonnés les uns après les autres. Buck et Cody sont les premiers à faire part à Teaspoon de leur désaccord avec cette décision qu’ils qualifient de folle. Les deux cavaliers ne peuvent s’empêcher de s’opposer à leur chef pour tenter de le faire changer d’avis, mais ce dernier campe sur ses positions en leur expliquant qu’indirectement cette jument va permettre à Alyssa de faire son deuil. Les garçons qui comprennent alors la raison du cadeau empoisonné finissent par plier quand ils aperçoivent Al filer dans l’écurie avec un sourire qu’ils n’ont pas vu depuis longtemps.

Au cours de la journée, le Kiowa, d’abord, puis Cody passent voir Al dans l’écurie pour la mettre en garde contre les pulsions de l’animal, mais il lui en faut davantage pour abandonner, car contrairement à eux, elle sait que Lolita accepte sa présence et réagit assez bien aux étapes qu’elle lui impose. Ce matin, elle a en effet décidé de la faire travailler à la longe. Comme elle a refusé de se laisser mettre le mors, Alyssa s’est rabattue sur un licol. Et à son grand soulagement, le cheval réagit plutôt bien quand elle lui demande de tourner en rond dans l’enclos. Par précaution, Al a demandé à ce qu’il n’y ait pas trop d’allers et venues pendant son travail, de manière à ne pas exciter la jument, déjà tendue par ces exercices. Seuls Cody et Buck, inquiets pour la jeune femme, et Jesse, jaloux de cette soudaine marque de confiance de Teaspoon à l’égard de cette étrangère, s’accoudent à la barrière pour surveiller l’évolution du dressage. Malgré ses demandes répétées, l’adolescent n’a en effet jamais eu la permission du Marshall de participer à ces activités dangereuses, alors que le gamin ne souhaite que faire ses preuves. Et les adultes qui l’entourent ont toutes les peines du monde à freiner son envie de grandir trop vite.

Alyssa passe maintenant presque toutes ses journées au contact de sa jument. Le matin, elle file dans son box avant même de rejoindre les cavaliers dans la salle commune. Depuis maintenant une petite semaine, elle essaie de retourner vers les cavaliers et même si elle délaisse un peu ses interviews, elle essaie de communiquer de nouveau avec eux comme elle le faisait à son arrivée. Buck est heureux de retrouver son amie et lui propose régulièrement des balades à cheval. Il sait combien elles sont appréciées par la jeune femme qui l’a emmené galoper dans la plaine de Pacific Springs. Le seul regret de la journaliste est de ne pas encore pouvoir monter Lolita qui se montre toujours très réticente à la vue d’une selle. En effet, les premières tentatives de la journaliste se sont soldées par de cuisants échecs où la jument, sans avoir l’intention de la blesser, s’est dérobée habilement pour qu’Al n’ait même pas le temps de poser la selle sur son dos.

Les jours qu’elle passe à essayer de se fondre à nouveau dans la vie du relais lui paraissent une éternité. Seulement personne ne semble lui tenir rigueur de ce comportement distant, comme si chacun avait déjà vécu un deuil aussi éprouvant que celui qu’Al tente de surmonter. La belle journaliste partage donc ses journées entre les travaux domestiques et la rééducation de Lolita qui commence à prendre bonne tournure. Un matin, elle se retrouve donc à la rivière avec Rachel pour la corvée de lessive hebdomadaire. Les deux jeunes femmes se parlent de leurs vies passées. Al apprend avec tristesse que la maîtresse de maison a perdu son mari et l’enfant qu’elle portait lors de l’attaque armée de sa ferme par les hommes de pouvoir qui tenaient la ville où le couple Dune avait décidé de fonder son foyer. C’est les yeux remplis de larmes et la voix enrouée que Rachel se souvient de ce moment douloureux pour faire comprendre à la jeune Al que la mort prend trop rapidement les êtres chers. Elle lui conseille donc d’avancer dans la vie en profitant des bons moments, sans regrets.

Peu à peu, parlant de sa vie, Rachel, avec tout son tact, arrive à avancer sur le sujet du décès de l’ami de sa petite invitée qui se renferme immédiatement sur elle-même. Son regard vert se noircit et elle fronce les sourcils comme si elle ne donnait le droit à personne de lui imposer d’en parler. Par son récit, Rachel lui a montré qu’elle n’était pas la seule à avoir dû surmonter un tel drame, mais elle ne se sent pas pour autant prête à extérioriser ce qu’elle ressent, la blessure est encore trop à vif.

En voyant sa mine renfrognée, Rachel n’insiste pas davantage, mais lui fait comprendre habilement qu’elle sera présente si la jeune femme éprouve le besoin de se confier. Depuis son départ de Pacific Springs, Al a trouvé en Sam et Teresa quelques épaules réconfortantes sur lesquelles elle peut se reposer… Ici à Rock Creek, elle n’a pas encore trouvé ses marques, malgré les efforts de la belle Rachel pour être présente et rassurante et la soutenir. Depuis son arrivée dans cette bourgade, elle se sent désorientée par le manque de repères. Elle aurait pu trouver un soutien rassurant auprès de Hickok, au lieu de cela ce dernier lui mène une vie impossible parce qu’il n’aime pas sa profession. Heureusement que Buck est présent à ses côtés entre chacune de ses courses.

Quand elles retournent au relais, les deux femmes s’affairent à étendre le linge devant la maison de Rachel avant qu’Alyssa ne retourne vers l’enclos où elle a vu les garçons encore s’acharner sur le mustang. En posant son menton sur ses bras appuyés sur la barrière, elle regarde silencieusement les cavaliers travailler. Un peu à l’écart, elle prend garde à ne surtout pas donner une occasion à Hickok de la rabaisser et se fait discrète. Contre toute attente, ce dernier la regarde en coin, comme s’il n’osait toujours pas lui faire face. Pour une fois, Al ne sait pas quoi déceler dans ses yeux : elle ne ressent ni agressivité, ni compassion. Chacun reste à distance en se demandant ce qui peut bien se passer dans la tête de l’autre. Ce surprenant revirement de situation étonne Alyssa, pourtant elle ne peut s’empêcher de regretter que son comportement vis à vis d’elle n’ait changé que par compassion.

Après une heure à suivre le long débourrage du cheval sauvage, elle se rend à l’écurie pour s’occuper de Lolita. En s’approchant d’elle, elle lui parle :
-"Ca va ma belle ?"
Avec toujours autant de précautions pour ne jamais l’effrayer par des gestes brusques, elle pose délicatement sa main sur la croupe de la jument qui a reconnu sa jeune maîtresse et surveille ses mouvements du coin de l’œil. Elle passe plus d’une heure à ses côtés pour l’habituer à nouveau au contact des hommes. Teaspoon avait raison, le travail sera long, mais les progrès de sa jument donnent bon espoir à Alyssa qui finira par lui faire accepter petit à petit la selle.

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