Chroniques du Poney Express


Chapitre 8

LE RELAIS McKENNA

SEPTEMBRE 1860

Le groupe de jeunes chevaux encadré par les cavaliers pénétra dans la cour du relais dans un nuage de poussière, au milieu du bruit assourdissant d’une multitude de sabots et des cris des jeunes gardiens qui allaient et venaient autour du troupeau. Kid fit tourner sa jument sur place et se pencha vers la barrière du corral pour l’ouvrir. Les cavaliers poussèrent devant eux les animaux qui s’engouffrèrent dans le petit enclos à la suite de leur leader. Buck sauta à terre, leva les bras en criant pour repousser les derniers animaux et referma la porte. Les jeunes mustangs s’agitaient dans l’espace exigu. Leurs renâclements couvraient presque le martèlement de leurs sabots sur la terre durcie. Les jeunes gens se juchèrent sur les barrières pour contempler les magnifiques bêtes qu’ils monteraient bientôt. Ils étaient rouges de fatigue, la transpiration ruisselait sur leur front, laissant des traces noires sur ces visages extasiés couverts de poussière. La chevauchée les avait tenus en haleine depuis le ranch. C’était une expérience magnifique et chacun rêvait déjà de mener un gigantesque troupeau à travers les plaines. Les chevaux mettraient du temps à se calmer. Les cavaliers devaient maintenant penser à leurs corvées quotidiennes. Ils auraient ensuite tout le loisir de repenser à cette aventure.

Fanny entra dans le dortoir à la suite de ses camarades et jeta sa veste sur sa paillasse. Elle grimpa les quatre barreaux de l’échelle et allait se laisser tomber sur son lit quand un petit paquet enveloppé de papier brun attira son attention. Intriguée, elle défit l’emballage et découvrit un livre d’une centaine de pages, relié de cuir et orné de fines dorures. "Walt Whitman, Poèmes", lut-elle, pensive. Elle ouvrit le livre, mais nulle part elle ne put trouver un indice sur l’origine du présent. "On dirait que ton admirateur ne tient pas à être démasqué", la taquina Lou avec un sourire entendu. La jeune fille se contenta de hausser les épaules et reposa le recueil de poèmes sur sa couchette. Toutes deux savaient parfaitement qui était à l’origine de ce cadeau. Depuis leur retour de Fort Alliance, Hickok avait fait mille efforts pour se faire pardonner. Mais elle était toujours restée froide et distante, ignorant ses excuses. Pourtant, il fallait être aveugle pour ne pas se rendre compte de sa peine. En y repensant, elle avait été bien injuste de mépriser ses tentatives de réconciliation. Lou avait raison de dire que ce n’était pas insurmontable. Sam Weidenobpf aussi avait raison : elle s’était apitoyée sur elle-même. Elle décida que c’était maintenant à elle de faire un pas. Elle prit donc son courage à deux mains et se dirigea vers la sellerie. Quand la porte s’ouvrit, il leva la tête, étonné. Elle s’avança, embarrassée, et sourit : "Je voulais te remercier... Pour le livre.
-Y’a pas de quoi", répondit Hickok en lui rendant un sourire amical.
Un silence suivit, durant lequel elle n’osa pas le regarder. Le jeune homme se rendait compte que la démarche n’était pas facile, mais il constatait que le livre avait été une bonne idée. Fanny lui tourna le dos, fit mine de sortir, hésita, puis, finalement se ravisa. "Je voulais aussi m’excuser. J’ai pas été facile à vivre, ces derniers temps... J’ai même été particulièrement détestable avec toi.
-Tu n’as pas à t’excuser, répondit-il, gêné. Au contraire. Tu as tout à fait le droit de m’en vouloir."
Fanny esquissa un sourire amer. "Non. En fait, c’est à moi que j’en veux. Ce qui s’est passé... Je crois que j’en suis autant responsable que toi."
Elle s’appuya contre un tréteau et le dévisagea. Il n’avait pas l’air très à l’aise. Elle n’arrivait pas à lire sur son visage. Que pouvait-il bien penser, en cet instant où elle le déchargeait d’une part de responsabilité ? Elle se demanda s’il avait compris ce qu’elle voulait lui dire. Elle avait peut-être utilisé un ton trop abrupt. Elle n’avait pas réussi à y mettre assez de formes. Elle ne l’avait jamais vu aussi dérouté, aussi vulnérable. "Pourquoi m’as-tu offert ce livre ? demanda-t-elle.
-Je sais que tu aimes lire. Et puis, tu avais déjà parlé de ce Whitman. Alors j’ai pensé... que peut-être ça te manquait."
Il boucla le montant de la bride qu’il tenait à la main et la posa sur son crochet. Il sembla réfléchir un instant, puis se tourna vers elle : "Fanny, tu m’apprendrais à lire ?"
La jeune fille parut tout d’abord surprise. Elle inclina la tête sur le côté, songeuse, puis se redressa et poussa la porte, esquissant un sourire amusé. "Pourquoi pas ? Mais tu as intérêt à t’appliquer, Wild Bill, parce que je serai le professeur le plus sévère que tu aies jamais eu."
En la voyant s’éloigner, Hickok eut soudain l’envie de la retenir et de la prendre dans ses bras pour la serrer contre lui. Il réprima avec peine son premier élan qui aurait sans doute ruiné tant d’efforts de part et d’autre et se contenta de la regarder disparaître derrière la porte de l’écurie.

Emma s’arrêta au milieu de la cour, et scruta l’horizon. Le vent balançait doucement le linge qu’elle venait d’étendre derrière la maison. Tenant toujours son baquet contre sa hanche, elle plaqua en arrière une mèche de cheveux échappée de son chignon et se retourna vers le dortoir : "Un cavalier approche !"
Puis, elle monta les trois marches de la terrasse où, renversé dans un fauteuil, les pieds croisés sur la balustrade, Teaspoon faisait la sieste. Le vieil homme releva le bord de son chapeau, regarda sa montre à gousset et cria : "Kid, t’es en retard !"
Le Kid bondit hors du baraquement, jeta son paquetage sur sa jument, l’arrima rapidement et mena l’animal au milieu de la cour où Cody attendait. Le cavalier imposa un demi-arrêt à sa monture et lança la mochila à Kid. Celui-ci agrippa son pommeau, lança Katy au galop avec un "Hihaaa !" énergique, et se mit en selle. "Vous verrez qu’un jour, l’un d’eux manquera son relais", fit remarquer Emma au chef de relais en souriant avec indulgence.

Cody avait saisi le cayuse couvert d’écume par la bride et le tenait immobile. C’est alors qu’il se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Les cavaliers, sortis pour assister au départ tumultueux de Kid, accoururent en voyant Richard Egan courbé sur l’encolure. Jimmy l’aida à descendre et le soutint jusqu’au dortoir. Une large tâche sombre incrustait son pantalon. Sur un geste de Teaspoon, Lou sella un cheval et partit ventre à terre vers la ville pour en ramener le docteur. On avait allongé Egan sur une des couchettes du bas. Hickok lui ôta ses bottes, pendant qu'Emma mettait de l’eau à chauffer et découpait des bandages dans un vieux drap. Teaspoon s’assit sur le bord du lit et examina la cuisse du blessé. La balle n’était pas ressortie, mais la blessure était nette.
"Qu’est-ce qui s’est passé, Richie ?
-Ce sont les indiens. Ils sont descendus des collines et s’en sont pris au relais McKenna. Ils étaient encore là quand je suis arrivé. Les chevaux avaient disparu.
-Tu as eu une sacrée veine que ta bête te porte jusqu’ici, fit remarquer Hickok.
-Et le vieux McKenna ? s’inquiéta Fanny en déposant la cuvette d’eau près de Teaspoon.
-A mon avis, il est mort. Je crois que je l’ai aperçu, étendu à quelques mètres derrière le relais."
Hunter marmonna un semblant de juron. Il laissa sa place à Emma qui, à l’aide d’un linge propre, commença à nettoyer la plaie. Egan grimaça de douleur. Fanny, Hickok et Cody échangèrent un regard inquiet. "C’est curieux que les indiens s’en prennent tout à coup aux relais, dit ce dernier.
-Richard, tu es sûr qu’ils venaient des collines ? demanda la jeune fille.
-C’étaient des cheyennes."
Elle secoua la tête. "Non, tu as dû te tromper. Quelle raison auraient-ils de s’attaquer aux relais ?
-C’étaient bien des cheyennes, Mac. Je les ai vus d’assez prêt pour les reconnaître.
-Il faut prévenir Fort Laramie, dit Teaspoon, d’un ton soucieux.
-C’est ça ! s’exclama Fanny en s’interposant entre lui et la porte. Et l’armée ne trouvera rien de mieux à faire que de les massacrer. Quelle bonne idée, vous avez eue là !
-Tu préfères que ce soit eux qui nous massacrent ?
-Si c’était leur intention, Richard ne serait pas là. Teaspoon, laissez-moi aller au relais McKenna. Je veux savoir ce qui s’est passé.
-Il n’en est pas question.
-Il faudra bien que quelqu’un y aille. Il faut aussi prévenir les autres. Et ça ne peut pas attendre."
Teaspoon sentit cinq paires d’yeux insistants posés sur lui. Le visage grave, Emma se détourna pour s’occuper de Egan. Elle préférait ne pas donner son avis. Sinon, aucun de ses protégés n’aurait quitté le relais. Elle savait pourtant qu’il fallait le faire. Teaspoon poussa un soupir de résignation. "Cody, tu l’accompagneras."
Jimmy bondit de son banc pour protester. C’était une mission qui lui revenait. Teaspoon le fit taire d’un geste autoritaire : "J’ai besoin de toi pour protéger le relais. Quant à vous deux, pas d’imprudence. Vous devez juste prévenir les relais suivants de ce qui se passe. Qu’ils modifient les itinéraires et les horaires des courses. Dites-leur aussi de renforcer les équipes. Si ça devient trop dangereux, faites demi-tour. Moi, je vais à Fort Laramie."

Lorsque Cody et elle s’engagèrent sur la piste de Sweet Valley, Fanny regretta de ne pas avoir Black Storm avec elle. Son mustang aurait été sa meilleure garantie. Si c’étaient vraiment des cheyennes, ils connaissaient l’histoire du Démon Noir et la façon dont elle l’avait apprivoisé dix ans plus tôt. Mais Black Storm était resté à Fort Monroe. Elle avait pensé qu’il serait plus facile pour elle de quitter le fort sans lui. Elle réalisa qu’elle avait certainement agi à la légère en se portant volontaire pour aller au relais McKenna. Elle comptait sur ses vieilles connaissances des cheyennes et les amis qu’elle et son père avaient parmi eux. Ça ne lui laissait qu’une minuscule marge de manoeuvre. Mais, cette histoire la tracassait. Les cheyennes étaient un peuple sage. Ils n’auraient pas attaqué le relais sans raison. Le Poney Express n’avait jamais eu de problèmes avec eux parce qu’il respectait leurs terres et leurs lieux sacrés. Qu’avait-il pu se passer, pour déclencher tout à coup une telle hostilité ? Autre chose la préoccupait, maintenant. Elle repensait à Buck qui avait pris son relais pour Sweet Valley deux heures avant l’arrivée de Richard. Ils auraient dû se croiser. Pourtant, Richard n’en avait pas parlé. Avait-il pu le prévenir ? Buck avait-il pu éviter le danger ? Elle pria pour ne pas trouver un deuxième cadavre auprès du vieux McKenna.

Le chemin s’étirait dans l’immense plaine où le regard se perdait. Le terrain uniforme leur permettait de marcher à bonne allure depuis leur départ. Pourtant, Cody repassa bientôt au trot. Il s’arrêta et fit un tour sur lui-même en scrutant la prairie brûlée par le soleil d’été. Il n’était pas tranquille. Fanny le rejoignit bientôt. Elle ressentait la même inquiétude. Tout était trop calme. Le calme qui précédait toujours la tempête. Rien ne bougeait autour d’eux. Rien qui leur permît de détecter le moindre signe d’une présence hostile. Pourtant, il fallait continuer.
Le relais McKenna se résumait à une cabane, un auvent et un corral offerts à tous les vents, se dressant au milieu de nulle part. Tout y était silencieux, comme figé dans le temps. Ils hésitèrent avant d’approcher et l’observèrent de loin pendant plusieurs minutes. Mais, à présent qu’ils étaient là, ils ne pouvaient plus reculer. La première chose qu’ils virent, fut la porte du corral détruite et les barrières arrachées. Toutes les bêtes s’étaient enfuies ou avaient été volées. De nombreux éclats de bois jonchaient le sol piétiné. Les carreaux de la maison étaient cassés, la porte béante et les murs couverts d’impacts de balles. Quelques flèches parsemaient le champ de bataille. Fanny en arracha une du pilier de l’auvent et examina les plumes de l’empennage. C’était bien une flèche cheyenne. Cody conduisait son cheval entre les poutres abattues, les yeux rivés au sol. "C’est drôle, remarqua-t-il. Il y a pas mal de traces de sang, mais pas un seul cadavre.
-Ils ne laissent jamais leurs morts sur le lieu d’une bataille, répondit Fanny. Ils les emmènent pour leur donner une sépulture."
Elle leva les yeux vers les collines et scruta l’horizon. Un pli soucieux barrait son front.
"Tu crois qu’ils sont encore là ? demanda Cody en l’observant.
-Ça ne fait aucun doute. Il vaut mieux passer la nuit ici. On essayera d’atteindre le relais d’Indian Rock demain... Si on est encore en vie." Le jeune homme approuva d’un signe de tête et remit son cheval au pas.
"J’ai trouvé McKenna, annonça-t-il soudain. Et il est pas tout seul."
Fanny fit vivement faire demi-tour à Niño. Pourtant, si Buck se trouvait là, il ne l’aurait pas annoncé de cette façon. Elle fit le tour de la cabane. A quelques mètres, gisaient le vieux gardien du relais et deux hommes. Cody venait de retourner les corps. Ils avaient encore leurs revolvers à la main, mais tous les fusils avaient disparu. Deux inconnus à enterrer. Deux trous de plus à creuser. Accroupi tout près d’eux, Cody semblait méditer. Fanny descendit de cheval et attacha les bêtes. Ils entreprirent de creuser trois tombes, se relayant à la pelle, tandis que l’autre, le fusil dans les mains, montait la garde. Quand Cody eut donné un ultime coup de pelle sur les croix de fortune et dit une rapide prière, le soleil disparaissait derrière l’horizon. Il était temps de s’installer pour la nuit. Il relevèrent la porte du corral, y mirent les chevaux, et rentrèrent leurs affaires dans la cabane. Un grand désordre y régnait, mais l’heure n’était pas au ménage. Ils barricadèrent la porte, tirèrent deux paillasses contre les murs et s’y installèrent, enroulés dans leurs couvertures, le fusil sur les genoux. Cody tira de ses fontes deux morceaux de viande séchée et en tendit un à sa camarade qui mordit dedans à belles dents. Le ciel était étoilé et la lune en son premier quartier. L’intérieur était sombre, mais il fallait que leurs yeux s’accoutument à l’obscurité. Pas question de faire le moindre feu. Tout semblait pourtant si calme, si serein. La prairie résonnait du chant des petits insectes que le froid tuerait bientôt. La brise agitait les hautes herbes avec un doux frou-frou. On entendait le souffle tranquille des deux chevaux dans le corral. Eux ne semblaient pas inquiets. Cody se cala contre l’angle de la cheminée. Il repoussa son chapeau vers l’arrière et allongea les jambes. Puis, il se remit à écouter. Ce silence... Il l’appréciait, mais sans plus. Ça pouvait cacher tant de choses, le silence.

"Tu as peur ?"
Fanny quitta la fenêtre des yeux et le regarda. Sa question n’avait rien d’angoissé. Il avait seulement besoin de parler. "Pas peur, répondit-elle. C’est plutôt... de l’inquiétude. C’est l’attente... Et toi ?
-Je me demande ce qu’ils attendent. C’est comme quand j’étais gosse et que je faisais une bêtise. Je savais que j’allais recevoir la raclée, et c’était de l’attendre, le plus angoissant.
-Mais, tu es toujours un gosse, Cody, dit Fanny en riant.
-Possible. Mais ça me permet d’avoir encore des rêves. Mon plus beau rêve, c’est d’être assez riche pour m’offrir un bateau. Comme ceux du Mississippi. Un bateau tout illuminé qui porterait mon nom : le "William Cody". Un casino flottant. Pas un vulgaire tripot, non. Les gens les plus riches du pays se battraient pour y réserver une cabine...
-Et toi, tu les plumerais au poker.
-Et toi, c’est quoi, ton plus beau rêve ? Celui que tu voudrais réaliser."
Fanny ne répondit pas. Elle n’avait pas de rêves. Pas tels que Cody les concevait, en tout cas. "Ton pire cauchemar, alors", reprit le jeune homme, sans se laisser dérouter par son silence. Fanny vit une série d’images se succéder devant ses yeux. Bizarrement, ce qu’elle avait vécu quelques semaines plus tôt ne s’y trouvait pas. A la place, il y avait les barreaux de Sainte-Clothilde, des chiens aboyant dans ses oreilles, s’accrochant à sa robe sur un toit de Boston... Voyons, tu sais bien qu’il n’y avait pas de chiens. Mais il y avait Sam qu’on éloignait d’elle, Nora la texane rousse qu’on éloignait d’elle, le visage d’Emma Jordan, sa compagne de chambre, s’estompant peu à peu dans les brumes d’une ville où on avait voulu l’emmurer. "Mon pire cauchemar, murmura Fanny. Un vieil avocat antipathique, noyé dans sa graisse et dans sa suffisance, qui voulait faire d’un renard un chien de salon.
-Pas très réjouissant, comme programme... Apparemment, il a échoué."
Fanny dévisagea le jeune homme, surprise. Elle pensait n’avoir parlé que pour elle. Pourtant, il avait compris. Elle pouvait voir ses yeux rieurs luire dans l’obscurité. Elle aurait pu tout lui dire, lui raconter sa vie, le secret qu’elle gardait jalousement, son avenir. Lui, il comprendrait... Elle aurait pu lui raconter Jimmy, aussi... Si seulement elle avait su comment, si seulement elle avait su quoi dire. Il y avait tant de choses qu’elle n’avait jamais appris à exprimer. "Cody, c’est quoi ton pire cauchemar, à toi ?"
Le jeune homme réfléchit un instant, pour déclarer d’une voix grave : "D’avoir à me battre contre mon meilleur ami."
Fanny frissonna. Si ce jour arrivait, il perdrait. Elle resserra la couverture autour de ses épaules. Cody devina son geste. Il distinguait à présent parfaitement la silhouette assise à quelques pas de lui. Il reprit son ton enjoué pour ajouter : "Seulement, je ne fais jamais de cauchemars. Je préfère mes rêves." Fanny sourit. Elle ferma les yeux. Il la réveillerait dans quatre heures pour prendre son tour de veille. D’ici là, elle avait le temps d’apprendre à rêver.

Teaspoon Hunter s’arrêta net devant la grande porte et leva les yeux vers le blockhaus qui surplombait l’entrée de Fort Laramie. Venant masquer la gueule du canon qu’il abritait, la tête d’un officier apparut. Teaspoon déclina son identité et demanda à voir le commandant de toute urgence. Le visage grave disparut, et le portail pivota. Le cavalier se précipita dans la cour intérieure, pendant que les lourdes portes se refermaient sur lui. L’officier émergea de la tour menant au chemin de ronde. Il connaissait assez le vieux texan pour savoir que le ton de sa voix n’augurait rien de bon. Aussi, il n’attendit même pas ses explications et le conduisit au poste de commandement sans tarder. Teaspoon pénétra dans le petit bureau à la suite du capitaine. Le commandant se leva, lui serra la main et lui offrit un cigare. Mais, songeant à parer au plus pressé, Hunter le repoussa. "Le relais du vieux McKenna a été attaqué par des cheyennes, dit-il. Apparemment, il y a eu des victimes."
Le commandant pouffa sur son cigare et se rassit lourdement dans son fauteuil en bois. Il leva les yeux vers la carte murale où le relief accidenté des monts Laramie, contreforts des Rocheuses, se détachait de la douceur vallonnée des hautes plaines. "Des cheyennes, dites-vous ? C’est étrange. Savez-vous si d’autres relais ont été attaqués ? Ont-ils intercepté des courriers ?
-Pas que je sache. Deux de mes gars sont partis pour se rendre compte de la situation. J’espère qu’il ne leur sera rien arrivé."
Le commandant jeta un regard rapide sur la porte qui venait de s’ouvrir. Il posa son cigare dans le cendrier et reporta son attention sur Hunter. "Qui avez-vous envoyé là-bas ?
-Cody et Mac. Vous les connaissez, ce sont deux de mes meilleures gâchettes, mais ils n’en font qu’à leur tête. Je serais plus rassuré si l’armée envoyait un détachement sur les lieux. Tout ça ne me dit rien de bon.
-Bien sûr. Il est hors de question que nous nous laissions déborder par quelques cheyennes. Je peux mettre quarante hommes à votre disposition.
-N’en faites rien, Walter. Il ne serait pas bon d’intervenir. Contentons-nous de retarder le départ des convois d’émigrants. Quant à vous, monsieur Hunter, faites confiance à vos employés."
Stupéfait, Teaspoon se retourna pour protester. Ses mots restèrent au fond de sa gorge, quand il aperçut l’homme qui se tenait sur le pas de la porte, le sergent Kipper à ses côtés.

Suite

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