Cal


Chapitre 3

"Je m’appelle Calamité.
-Colai... Qu'est-ce que c’est ça?, fit Cody en riant.
-C’est français. On dit ça quand des choses néfastes, des gros malheurs nous tombent dessus."
Tous ouvrirent des grands yeux, mais j’ai pas encore terminé.
"Et puis, j’ai seulement quinze ans.
-Hein! quoi? Et tu l’as engagé Teaspoon! s’écrie Jimmy en colère.
-Oui monsieur! A cheval, il vaut autant que vous, même s'il a plusieurs années de moins que toi."
Sur ce, Monsieur le Bougon se tait. Teaspoon est bien gentil. Mais maintenant si je ne veux pas qu’ils pensent que je suis un bébé, un dégonflé, va falloir que je leur prouve ce qu’il vient de dire. Mais en attendant, la grande langue de Cody n’a pas terminé de m’embarrasser.
"Et tu viens d’où?"
Là, je baisse les yeux dans mon assiette. C’est vrai, vieux, que voudrais-tu que je réponde? Que je ne suis pas capable de dire d’où je viens? Que je connais même pas les différents noms des états qui composent les U.S.A? Que sur une carte, je ne sais même pas situer l’endroit où j’ai vécu pendant quatorze ans? Non, bien sûr, vieux. Je me tais. C’est ce que je sais faire de mieux.

Je crois qu'ils ont compris. Ils ne posent plus de questions. Teaspoon change vite de sujet. Il m’explique mes corvées et ce qu’il va m’apprendre pour que je commence le plus vite à faire ce que les autres font. C’est à dire, porter du courrier d’un endroit à un autre le plus vite possible. Ca n'a pas l’air trop difficile dit comme ça, n’est-ce pas?

Pendant deux semaines, j’ai appris tout ce que j’avais à savoir. C’était pas facile, la tâche était ardue. J’ai fait de mon mieux, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour rester toujours droit, même quand mon dos me faisait mal et que mes fesses étaient si rouges que je pensais ne plus pouvoir m’asseoir ensuite. Je suis tombé, je me suis blessé mais je ne me suis pas plaint et j’ai pas pleuré. J’ai regardé droit devant et j’ai gardé la tête haute lorsque les gars se foutaient de moi. J’ai fait tout ce que j’ai pu et j’y suis arrivé. Demain je fais ma première course!
Pendant ces deux semaines, j’ai évité un maximum Cody, Kid et les autres. T’avais raison, vieux, tous les deux, on est des asociaux. On a vécu trop longtemps seuls entre nos quatre yeux.
Pourtant j’ai fait des efforts. J’ai voulu leur parler, j’ai essayé mais je sais pas faire. Comment veux-tu que je fasse? Tu m’as pas appris comment parler pour ne rien dire, savoir raconter banalement des choses qui me tiennent à coeur et plaisanter sur ce qui est grave, dire mes malheurs avec le sourire. Vieux, t’as oublié de me donner l’humour et l’éloquence et peut-être aussi ce qu’il faut pour mentir. Aujourd’hui ça me servirait.

L’anxiété. C’est ce que je ressens tout de suite. Je suppose. J’ai jamais été comme ça. Mes mains tremblent légèrement, mon coeur bat un peu trop vite et je sursaute à chaque bruit. Demain, je fais ma première course!

J’ai fini par me décider à déballer mes affaires. Devant Buck, Cody, Jimmy, Ike, Kid et Lou, dans le dortoir, avant de dormir, je transfère mes maigres possessions dans le coffre que Rachel m’a attribué.
Un inventaire de ma vie en fait. Les yeux fixés sur mon sac pour ne pas sentir leurs regards posés sur moi. C’est comme si je me mettais à nu. Comme si je leur révélais tous mes secrets, que je leur montrais mon âme.
Ta carabine, une couverture en peaux que tu m’as fabriquée, un collier de coquillages qui tu avais fait lorsque tu étais jeune à Saint Malo. Un arc offert par les Indiens, des pièges pour la chasse, ma deuxième chemise, un livre en français, un peu d’argent, une flûte en bois et un couteau. C’est tout ce que je possède. Je sais bien que Teaspoon et ses gars ne voient pas ce que je me souviens, au travers de ces riens du tout qui sont ma vie mais ça me gêne alors je sors. Sans rien dire. Pour prendre l’air.

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