Le Pony-Express


Chapitre 9

Cody regarda Buck s'éloigner avec regret. Pourquoi est-ce qu'il lui avait demandé de venir avec lui ? Pourquoi est-ce qu'il lui avait répondu non ? Il aurait dû accepter, il aurait pu sauver Vic de cette bande de sauvages, et elle l'aurait reconnu comme son héros, elle aurait accepté de l'épouser, ils auraient vécu heureux, avec beaucoup d'enfants... Bon, fallait peut-être pas exagérer. En attendant, Buck partait vers elle, et il restait là, à attendre qu'il la ramène dans ses bras, et d'assister à leur mariage. " A ce rythme là, mon vieux c'est lui qui aura une nombreuse progéniture, et pas toi ". Bien que toutes les filles de Wild City soient à ses pieds et que leurs parents les incitaient au mariage, il n'avait dans sa tête qu'une seule femme, une femme de ténèbres et de feu. Une femme de la nuit, solide et courageuse. Mais aussi une femme du soleil, des flammes dorées retombant en torsades sur ses épaules, supportant tous les maux du monde mais ne pliant jamais. D'ailleurs, qui pourrait faire plier ou rompre cet exemple de courage et de force intérieure ? Qui, ou quoi ?

Buck arrivait en vue du camp. Il arrêta Eagle Eye, et descendit de cheval pour observer de plus près l'agitation qui y régnait. Il entrevit Sitting bull, Crazy Horse, Satanta, et enfin son frère et Cochise parlant à quelqu'un debout au milieu du cercle que formaient les chefs assis en tailleur. Un cactus lui bouchait la vue, mais soudain, au rire que lança la personne debout, il se rendit compte que son amour ne semblait pas prisonnière et qu'elle était là de son plein gré. Les chefs lui racontaient tout ce qu'ils savaient de sa vie en détail, il en profita donc pour écouter et mieux connaître sa bien-aimée. Et ce qu'il entendit le stupéfia.

En effet, Cochise venait d'aborder le moment où elle avait découvert le village Chiricahua décimé, et elle ne pouvait retenir ses larmes en entendant son récit. Puis, il en vint à la découverte du petit garçon, qui était à ce moment présent au campement, et elle demanda à le voir. Une jeune femme partit le chercher, et pendant ce temps, il lui apprit avec fierté qu'elle avait attaqué et décimé à elle toute seule Fort Navajo, par seul souci de vengeance, et qu'elle avait fait brûlé vives des dizaines de femmes et d'enfants, qu'elle avait tué tous les soldats uns par uns, qu'il ne restait presque aucun survivant, bref, qu'elle avait été d'une féroce cruauté envers son peuple. Les larmes coulaient le long des joues de la jeune fille, que Buck pouvait maintenant voir en pleine lumière. Il se rappela enfin la silhouette, quelques mois plus tôt, qui lui avait laissé la vie sauve, au lieu de l'abattre comme un chien. Alors c'était elle, elle qu'il chérissait, qui avait commis toutes ces atrocités, tous ces crimes et tous ces méfaits. Elle était si cruelle, mais il voulait la faire changer avant qu'elle ne recouvre tout à fait la mémoire.
Cochise continuait à lui parler de sa vie, quand un petit garçon arriva, tenu par la main par une jeune femme, qu'on présenta à Vic comme sa nourrice. Elle amena l'enfant au milieu du cercle. Il était intimidé par tous ces gens importants qui l'observaient attentivement. Il courut dans les bras de sa mère adoptive et se blottit contre son épaule. Elle s'accroupit et le serra longuement dans ses bras en lui caressant les cheveux. Elle se souvenait ! Elle avait retrouvé la mémoire ! Et maintenant, elle était soumise au choix le plus difficile qu'il soit. Rester ici avec ses amis et les assassins de Noah, ou retourner à Wild City avec ses amis et ... Buck. Buck, le frère de Loup solitaire, celui qu'elle s'était promis d'égorger un jour sur un poteau de torture, celui qu'elle rendait responsable de la mort de ses amis Apaches. De chaudes larmes se mirent à couler le long de son visage. Elle l'aimait ! Elle était tombée amoureuse d'un traître ! Tout à coup, la voix de Cochise interrompit ses réflexions.
- Et comment vas-tu baptiser ton fils ?
Elle le regarda dans les yeux, et remarqua qu'il avait les mêmes yeux noisettes que David. Et comme il était métis, elle lui répondit...
- David, je l'appelle David.
Puis, se relevant, elle le prit dans ses bras, et quitta le centre du cercle. Buck la perdit de vue, mais resta pour écouter les paroles des chefs.
Cochise prit la parole :
- Et comment va-t-on faire pour la persuader de rester dans ce camp et combattre à nos côtés ?
- Marie-la avec un de tes meilleurs guerriers, répondit Sitting Bull. Elle ne pourra pas quitter le camp.
Sur ce, Crazy Horse, Loup solitaire et Cochise se levèrent. Sitting Bull éclata de rire.
- Alors là, elle aura le choix. Mais ne vous battez pas pour elle, elle est peut-être déjà mariée.
Alors, une voix s'éleva, venant de derrière les rochers.
- Non, elle n'est pas encore mariée, mais c'est moi qu'elle épousera. Et si quelqu'un n'est pas d'accord avec ça, je le refroidis en un rien de temps. OK ?
Les chefs se retournèrent vers les rochers, et se regardèrent. Mais qui était donc cet inconnu ? Il avait de l'audace pour s'adresser à des chefs sur ce ton. Soudain, l'inconnu sauta de son rocher, et l'on put reconnaître Aigle Noir, le frère de Loup solitaire qui resta interdit devant cette apparition. Il croyait l'avoir chassé de sa vie pour toujours, et voilà qu'il convoitait la même femme que lui. Il l'observa avec haine pendant longtemps, mais quand Vic revint, après avoir couché son enfant dans son tepee, elle courut vers lui, et lui sauta au cou, et ils s'embrassèrent avec passion devant les trois malheureux hommes soudainement ridiculisés par un métis venant de nulle part. Mais au bout de cinq minutes, elle le repoussa, le regardant avec haine.
- Vic, qu'y a-t-il ?
Elle se dégagea de son étreinte puissante et courut vers l'enclos où elle trouva Gringo piaffant d'impatience. Elle lui sauta sur le dos, et partit au grand galop, en sautant la barrière de l'enclos. Les spectateurs de cette scène n'en croyaient pas leurs yeux. Buck se rendit compte qu'elle avait dû retrouver la mémoire, remonta sur Eagle Eye et la suivit pendant vingt bons kilomètres, aidé par Cochise et Loup-Solitaire. Mais le cheval pie trébucha sur une pierre et tomba. Buck fut blessé au bras, mais se releva en criant aux deux cavaliers qui l'interrogeaient : "Ce n'est rien ! Je vais bien ! Essayez de la retrouver !" Et ils détalèrent sur leurs ponies, aussi rapides que le vent, aussi vifs que l'éclair, le laissant seul, livré à lui-même, en plein désert, à vingt kilomètres de Wild City, et autant du camp indien où, de toutes façons, il serait reçu à coups de fusil. Il se retourna sur son cheval, son unique chance de survie, et constata avec désarroi qu'il s'était brisé l'antérieur gauche. Dans ces conditions, impossible de continuer. Buck réfléchit : si il laissait Eagle Eye ici, il allait se faire dévorer vivant par les vautours ou mourrait de soif et d'insolation, car la seule trace d'ombre à des centaines de mètres à la ronde était celle d'un immense cactus. Il n'eut d'autres choix que de lui tirer une balle dans la tête et de le protéger des vautours en plaçant quelques grosses pierres sur son cadavre. Il n'avait plus d'eau, mais cette plante allait lui en procurer quelques litres. Il la découpa en quartiers qu'ils pressa pour obtenir toute l'eau qu'elle renfermait. Puis il se remit en route vers Wild City, à pied, portant sa selle et sa couverture, car il savait que dans le désert les températures pouvaient descendre jusqu'à -10° la nuit, et ce n'était pas torse nu comme il l'était qu'il allait pouvoir les supporter.

Les deux cavaliers la retrouvèrent à la nuit tombée, dormant entre les antérieurs de son cheval, sans aucune peur de se faire heurter par ses sabots fins mais lourds. Gringo veillait sur elle. Il la protégeait, elle, en apparence fragile mais d'une force de caractère sans égal. Ils descen dirent de cheval et s'approchèrent sans un bruit, flattant l'encolure de Gringo qui s'était soudainement réveillé et grattait le sol de son postérieur. Loup-solitaire prit la jeune fille dans ses bras et Cochise prit les rênes de Gringo, les arrachant au froid glacial de la nuit. Le corps de la jeune fille était froid, mais il se réchauffait peu à peu au contact du corps du chef kiowa. Et quand, le lendemain matin, elle se réveilla, elle aperçut au-dessus d'elle le visage de Loup-solitaire, qui lui souriait d'un air inquiet. Elle se leva d'un bond et demanda :
- Où est Gringo ?
- Dans le corral.
- Qu'est ce que je fais ici ?
- C'est ta place, non ? Tu ne voudrais pas retourner chez les blancs, lui répondit-il avec un sourire amer. Tu es si belle quand tu dors, je ne voulais pas te réveiller.
Vic ne fit pas attention à cette dernière remarque. Elle s'habilla et sortit, Loup-solitaire sur ses talons.
- Victoria, je voudrais te poser une question.
- Ne m'appelle plus jamais Victoria ! Et fous moi la paix !
Loup-solitaire, surpris, resta sur le seuil de sa tente à la regarder s'éloigner.

Buck arriva à Wild City le surlendemain, épuisé mais vivant. Il atteignit le bureau du shériff où il trouva Cody, Teaspoon, Jimmy et Ike, assis sur des chaises autour du bureau de Teaspoon qui répétait un plan de défense de la ville.
- Je veux des hommes à l'entrée sud et à l'entrée nord. Nous n'avons aucune idée de l'heure et du jour où ils arriveront, mais s'ils arrivent ce sera le massacre. Ils sont très nombreux, et très en colère. Puis, ayant aperçu Buck, Qu'est ce que tu fais là toi , T'étais pas parti la chercher ? Et elle, elle est où ?
- J'en sais rien, elle a retrouvé la mémoire, elle a un gosse, c'est elle qui a massacré tout le monde à Fort Navajo.
- Ca fait pas un peu beaucoup en une seule fois ça ? Alors tu vas mettre une chemise, parce que tes manières d'indien fier, ça m'énerve, tu vas boire un coup et tu vas m'expliquer ça.
Buck se redressa. Son torse nu était couvert de vieilles cicatrices et de récentes coupures. Il endossa la chemise qui était posée sur le fauteuil et s'assit à côté du bureau, où tronait une bouteille de whisky. Il l'ouvrit et la vida d'un coup sec. Teaspoon se remit à râler :
- Et en plus tu me finis ma bouteille. Tu veux vraiment être viré ou quoi ?
Buck le regarda et se mit à raconter sa rencontre avec les chefs indiens et ce qu'il avait entendu sur Vic.

L'agitation qui régnait dans le camp était immense. Les enfants couraient de partout, ne tenant plus en place et insistaient pour venir avec leurs pères au combat. Les femmes préparaient les peaux et le petit déjeuner de leurs maris et les guerriers affûtaient leurs flèches ou vérifiaient leurs fusils. Vic demanda en apache à un brave qui chargeait une carabine de chasse :
- Je peux savoir qu'est ce qui se passe ?
- Scorpion Rouge n'est pas au courant ? Nous allons attaquer le village des blancs.
- Lequel ?
- Celui où habite le frère de Loup-solitaire, Wild City.
- Pour quel motif ?
- Pour venger nos frères.
Vic abandonna la conversation et courut vers le tepee de Cochise. Elle entra brusquement en demandant :
- Pourquoi Wild City ?
- Ce sera pour faire un exemple.
- Mais pourquoi cette ville-ci ?
- Nous l'avons décidé pendant le conseil, et l'attaque sera cet après midi. Ou Scorpion Rouge est des notres, ou alors elle se fera tuer comme les autres blancs. Car tu es blanche, et le sorcier a annoncé ta mort prochaine.
Cochise gardait la mâchoire serrée en parlant, ce qui rendaient inaudibles ses dernières paroles. Vic, après un long silence, lâcha en sortant brusquement de la tente :
- Il m'enterre un peu vite celui-là.
Elle courut vers l'enclos, grimpa sur Gringo et fila à la vitesse de l'éclair vers Wild City.

Au bureau du shériff, Cody, Teaspoon, Ike, Buck, Kid et Jimmy réfléchissaient à un plan de défense de la ville. L'armée ne pouvait venir que le lendemain et c'était encore un petite escadrille que le gouvernement avait bien voulu leur accorder. Une centaine de personnes, ce n'était pas suffisant pour employer les grands moyens.
Teaspoon soupira. Une seule personne aurait pu les aider, et on ne savait ni où elle était, ni si elle était encore en vie ou non. Ils n'avaient plus qu'a préparer le cimetière, et s'il n'y avait plus de survivants, tant pis, de toutes façons, le cimetière serait détruit comme tout le reste.
Il était en train de ruminer ces pensées sinistres, quand il entendit le hennissement d'un cheval, ainsi que le martèlement de ses sabots. Il se rua au dehors, sous les yeux étonnés de ses équipiers, et le spectacle qu'il vit lui arracha un sourire. Un cheval fou arrivait à toute allure sur lui, monté par une femme blonde apparemment, dont le chapeau noir cachait le regard. Le cheval pila net devant lui, et elle en descendit en un bond, l'écartant avec une force inimaginable, et rentra dans le bureau précipitamment. Elle prit une feuille de papier sur le bureau, ainsi qu'une plume et un encrier, et se mit à dessiner un plan agrémenté d'explications. Des larmes coulaient de ses joues pendant qu'elle écrivait, et elle les effaça d'un geste de la main. Les hommes autour d'elle n'observaient pas le papier, ils la regardaient tous. Ils regardaient ses yeux, pleins d'une haine impossible à définir, de la lumière sombre du désesoir. Buck se leva et lui carressa la joue. Elle leva son regard sur lui, prit cette main dans la sienne. Buck frissona. Ses doigts fins étaient glacés, malgré la chaleur excessive de cette fin de matinée d'automne. Elle se releva à son tour et il la prit dans ses bras, toujours dans le silence le plus total. Ils s'embrassèrent, puis, brusquement, elle se dégagea de son étreinte et courut vers la porte. Elle se retourna pour la dernière fois vers lui, et, mordant ses lèvres jusqu'au sang pour ne pas pleurer, remonta à cheval et repartit comme elle était venue.
Cody était livide. Son visage était blanc et ses yeux paraissaient être rentrés dans leurs orbites. Il se leva difficilement et sortit prendre l'air. Il le détestait. Il le tuerait, il ne savait pas encore quand et comment, mais il l'expédierait en enfer, même s'il eut fallu sacrifier sa propre vie.

Deux heures plus, tard, un homme arriva en courant au bureau du shériff en s'écriant : "Ils sont là, ils arrivent !"
Les rues se firent désertes : les femmes emmenaient leurs enfants dehors, rentraient tout ce qu'elles pouvaient, les commerçants fermaient leurs devantures et rentraient leurs marchandises. Seuls les hommes armés et courageux sortaient avec leurs fusils et couraient rejoindre les autres combattants déjà dehors.

A l'entrée de la ville, l'horizon était noir de guerriers apaches, kiowas, sioux et cheyennes. A leur tête, Cochise, Loup-solitaire, Crazy horse, Sitting Bull et Scorpion Rouge. Après avoir réfléchi pendant longtemps, elle avait décidé d'aider les blancs en leur donnant le plan d'attaque de Cochise, mais de combattre pour son fils, et pour son peuple. Depuis le matin même où elle avait pris sa décision, elle avait honte. Honte d'elle-même, honte de sa trahison envers son peuple et son amour. Bien sûr, elle aimait Buck, mais son fils était un apache, et elle devait absolument combattre pour sa survie. Car, s'ils ne rasaient pas Wild City, s'ils laissaient des survivants, elle était sûre de voir en quelques jours son village brûlé, décimé, ses amis tués par l'armée des Etats Unis, en signe de représailles. Et s'ils sortaient vainqueurs, l'armée hésiterait à se venger. C'était sûr.
Un cri de guerre sortant de la gorge de Cochise la ramena à ses occupations premières. Elle avait demandé à Cochise d'épargner la vie de ses amis, mais il avait refusé, et avait même ajouté qu'elle devait tuer l'un d'entre eux pour pouvoir à nouveau faire partie de la tribu. Mais Vic s'était résignée, elle avait choisi de mourir dans ce combat, elle ne pouvait pas supporter sa honte et l'idée que Buck était vraiment le traître qu'elle avait imaginé la rendait folle.
Elle se raidit en entendant le cri de guerre poussé par son voisin. Gringo fit un écart, puis partit au grand galop, trop heureux de pouvoir enfin rivaliser de vitesse avec d'autres chevaux. Vic resta silencieuse, étant donné que sa voix ne pouvait pas s'affirmer avec celles, puissantes, des autres braves. Elle vit avec désespoir Buck, le fusil à la main, sortir en premier du bureau du shériff, suivi de Teaspoon et Cody. Elle se détourna d'eux, allant vers le côté opposé de la ville, et tuant l'infirmière et le médecin. Les braves à ses côtés tuaient tous les blancs qu'ils voyaient, et Lou, que Vic vit pour la dernière fois, arrivant en trombe sur Natchez, s'empala sur sa lance tendue en avant pour parer le coup. Elle tomba doucement, et mourut les yeux ouverts, sur le coup. Vic détourna son regard. La nausée l'atteignait, tous les guerriers de la tribu tuaient ses amis, ses proches, et elle ne pouvait rien faire, sinon assister au spectacle sans dire un mot. Cochise lui avait imposé de tuer elle-même l'un d'eux pour pouvoir de nouveau être acceptée dans la tribu. Mais après de longues réflexions, elle avait décidé de se tuer elle-même, pour échapper à sa honte et à son amour pour un traître.
Mais comment pouvait-elle le traiter comme un traître, après tout ce qu'il avait fait pour elle, et en étant traître comme lui ? Son idéal de courage et de fidélité venait de s'effondrer, comme son envie de vivre et sa pitié. Les femmes et les enfants qui tombaient un à un devant ses yeux, la poitrine déchirée par les balles qui fusaient, nombreuses, sans but précis que de tuer, n'importe qui, n'importe quand, n'importe où...
La nausée s'empara vraiment d'elle lorsqu'elle vit Ike tomber de son cheval, la poitrine transpercée par une flèche de Cochise. Elle ne pouvait plus bouger, ne pouvait tenter un mouvement. Elle aurait été une cible facile, si Buck n'avait pas attiré Gringo loin des combats. Il s'emporta sans ménagement contre elle en lui crachant à la figure des paroles inutiles et mauvaises.
- Qu'est ce que tu fais là ? Tu devrais combattre avec nous, avec tes frères de sang ! Tu trahis tes frères, et tu oses encore te montrer ici ! Pourquoi nous as-tu livré le plan de combat de Cochise et de mon frère ? Tu as doublement trahi ! Tout ce que j'ai appris sur toi, ta cruauté envers les femmes et les enfants de Fort Navajo, jamais je ne pourrai l'oublier ! Je t'ai dit que je t'aimais, mais tu me fais honte, et je veux plus jamais entendre parler de toi !
Après ces paroles son regard croisa celui de la jeune fille. Il était vide et dénué de tout sentiment. Ni remords, ni compassion. Et parmi l'odeur de sang qui enveloppait de son voile d'horreur tous les combattants, elle semblait incarner en personne la mort et son cortège d'épouvante. Ses yeux étaient devenus noirs sous le poids de la douleur, sa respiration était faible et saccadée, sa poitrine se soulevait avec peine lors de ses difficiles mouvements respiratoires, son visage fin et halé avait perdu ses couleurs et avait le teint froid et pâle des cadavres. C'était seulement un cadavre vivant qui ne demandait qu'à retourner reposer en paix loin de la douleur et de l'absurdité humaine, dans un autre monde où tout serait plus beau et plus facile.

Buck regretta tout de suite ce qu'il lui avait dit, mais sa fierté lui interdisait de demander des excuses à Vic, qu'il laissa tremblante au milieu des cactus. Vic laissa Gringo se diriger vers les combats, lorsqu'elle entendit un cri qui la déchira. Elle lança son cheval au galop, et découvrit Buck, l'abdomen transpercé par une flèche, et une balle lui ayant déchiré la poitrine. A ses côtés se trouvait Cody, l'auteur de ce coup de feu meurtrier. Vic s'approcha du corps inerte, allongé par terre dans une flaque de sang. Cochise s'était approché, ainsi que Loup-solitaire, qui avait décoché volontairement une flèche dans le ventre de son frère. Ils observaient tous la jeune femme blonde, penchée sur le corps d'Aigle Noir, elle qui avait été l'exemple de courage de la nation indienne, lui, le traître que tous les braves cherchaient à supprimer. Presque immédiatement, les combats s'arrêtèrent. Les rares survivants blancs en profitèrent pour aller chercher un abri dans les rares maisons qui n'avaient pas brûlé. Teaspoon, aux portes de la mort, s'approcha sans faire de bruit de la scène. Vic, sans s'occuper du monde qui l'observait, caressait le visage sanglant de son amour. Du sang coulait du coin de ses lèvres sèches, ainsi que de son nez. Sa main couverte de sang agrippa celle de la jeune fille, et, dans un dernier sursaut de vie, il souffla doucement à l'oreille de Vic un "je t'aime" en guise d'adieu. Il mourut les yeux ouverts, fixant ceux de sa bien-aimée. Vic lui donna un dernier baiser, puis, le regard vide, se leva. Elle regarda une dernière fois l'assistance. Puis elle retourna vers son cheval, lui glissa quelques mots à l'oreille, et prit son revolver. Elle revint ensuite vers le corps d'Aigle noir, gisant toujours au même endroit, le rechargea et le plaça sur sa tempe. Un silence de plomb envahissait la plaine. Elle tira. Elle tomba doucement, au ralenti, sur le corps de son bien-aimé. Cody se précipita sur son corps inerte et pleura. Il courut ensuite vers son cheval, mais sa course fut interrompue par la balle de Cochise qui vint se loger dans son dos. Les Indiens se replièrent, emportant les corps de Scorpion Rouge et Aigle noir, alias Victoria MacLaughlin et Buck Daly. Ils les enterrèrent ensemble à côté du camp de Cochise, dans les Mimbres Moutains, non loin de la tombe de David Oackley.
Les cadavres des habitants de Wild City ont été enterrés à Albuquerque, Wild City et son cimetière ayant été rayés de la carte de l'Oklahoma. Les rares survivants alertèrent l'armée américaine, et le village de Cochise fut détruit quelques semaines plus tard. Le petit David fut tué, son corps transpercé d'une dizaine de coups de couteaux, pour se venger de la trahison de sa mère adoptive, vénérée comme une déesse par les Indiens kiowas, dont tous les braves admirent encore le courage et la force.

FIN

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