Travis Fine
"Je suis l'héritier d'un gangster et j'en suis fier"


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En 1860, le moyen le plus rapide de traverser les Etats-Unis, c'était la diligence. Encore que celle-ci mettait vingt et un jours pour aller d'Est en Ouest quand elle ne se faisait pas attaquer par des indiens ou des hors la loi... Tous les documents officiels voyageaient avec la même lenteur jusqu'au jour où trois hommes d'affaires rusés, Russel, Majors et Waddell, ont eu l'idée de lancer des cavaliers sans attaches (généralement des jeunes orphelins intrépides) sur les routes américaines. Baptisée Poney Express, la troupe bat rapidement des records de vitesse. Ils apporteront ainsi la nouvelle de l'élection de Lincoln en sept jours et dix-sept heures ! Les cavaliers du Poney Express ne tardent pas à devenir des héros et leurs exploits résonnent de ville en ville. Deux d'entre eux entreront dans la légende de l'Ouest : William Frederick Cody, et James Butler Hickok, alias Wild Bill Hickok.
Les aventures du Poney Express, cependant, n'ont pas duré bien longtemps, tout au plus dix-huit mois et vingt-trois jours, supplantées par la généralisation du télégraphe. Mais elles font partie de la mythologie américaine au même titre que la conquête de l'Ouest.
La chaine américaine ABC s'est inspirée des exploits de ces courageux cavaliers pour créer une série, "L'Equipée du Poney Express". Du 20 septembre 1989 au 23 juillet 1992, 68 épisodes ont été diffusés. 68 épisodes seulement ! Contre toute attente, la série a connu un accueil triomphal. Diffusée sur France 2, elle est réclamée à cor et à cri à chaque fois que la chaine la déprogramme. A chaque nouvelle diffusion, "L'Equipée du Poney Express" rassemble de plus en plus d'adeptes du style Tex Mex. Stetson vissé sur la tête, colt accroché au ceinturon, santiags aux pieds et bandana autour du cou, le look cow-boy fascinait déjà à l'époque des "Mystères de l'Ouest".
"Cine Tele Revue" a retrouvé l'un des héros de cette fabuleuse épopée. Et non, le moindre : Travis Fine prête ses traits à l'étrange Ike McSwain. Ce dernier est devenu muet en assistant au massacre de ses parents. Et s'il est chauve, c'est parce qu'il a perdu tous ses cheveux à cause de la scarlatine.
Une composition phénoménale pour une série qui ne l'est pas moins.

La maison de style Tudor revu et corrigé façon Beverly Hills est imposante. Nous sommes dans le quartier des légendes. Clark Gable, Carole Lombard, Gary Cooper, Gloria Swanson y bâtirent leurs fantaisies et aujourd'hui encore, quand on y pénètre, on ne peut s'empêcher de rêver. La lourde porte s'ouvre et Travis Fine nous met immédiatement à l'aise avec un "Hello" très sympathique accompagné de son chien Pirate, un bouledogue.
Derrière lui, on aperçoit un immense escalier digne d'"Autant en emporte le vent". Travis nous entraine dans un dédale de pièces où trônent de nombreux trophés de chasse. "Rassurez-vous, ce ne sont pas les miens, mais ceux de mon beau-père, un avide chasseur. Pas moi !"
La maison est en effet la maison de famille de Jessica, son épouse, une jolie jeune famme de 23 ans qui nous accueille à son tour, le chat Zoe dans les bras. "Et dire que la première fois que nous étions ensemble, je l'ai envoyée au tapis !" se souvient Travis en la prenant tendrement par l'épaule.
"Jessica et moi, nous étions au lycée ensemble, ici à Beverly Hills. Oui, dans le même lycée que le célèbre feuilleton ! Pour moi, c'était une petite. Nous nous sommes retrouvés dans la même pièce organisée par le lycée. Elle devait m'aider à sortir d'une cage. J'ai tiré tellement fort que Jessica est partie la tête la première. Je me suis excusé et on en est resté là.
Il y a trois ans alors que j'étais dans un café avec un copain, je vois cette fille superbe qui me regarde et puis qui vient vers moi. Je n'avais pas reconnu la petite du lycée que j'avais mise KO quatre ans plus tôt ! Jessica, elle, m'avait reconnu et en plus, elle était fan de "L'Equipée du Poney Express". Elle m'invita à son anniversaire et depuis on ne s'est plus quitté."

Cine Tele Revue : Parlez-nous de votre famille et de votre enfance...
Travis Fine : Je suis originaire d'Atlanta en Georgie où j'ai grandi avec mes parents, une soeur cadette et un frère aîné. Mon père a d'abord été agent immobilier et puis, vers 45 ans, après avoir eu une carrière bien remplie, il décida de revenir à son premier amour : le golf. Il est maintenant en Floride où il organise son propre tournoi de professionnels. Quand je le vois, il m'entraîne tous les jours faire dix-huit trous. Il me bat bien sûr à chaque fois. Ma mère s'est toujours occupée de bonnes oeuvres, d'abord à Atlanta et maintenant en Floride. Elle a toujours fait énormément pour les théâtres.
Cine Tele Revue : Comment avez-vous décidé de devenir acteur ?
Travis Fine : Dans la famille, personne n'a jamais été dans le show-business. Chez les Fine, on est militaire ou homme d'affaires, quoique, j'ai eu un grand-père gangster ! Il avait un casino dans le Tennessee et était lié avec la pègre de Chicago. J'ai dû hériter de lui mon côté aventurier et j'en suis fier !
Le déclic s'est fait chez moi très jeune, à 6 ans précisément, quand, avec mon école, j'ai été voir une pièce "L'île au trésor". Je suis revenu à la maison complètement transformé et ce soir-là, j'annonçais à mes parents que je serais acteur. Mes parents ont toujours respecté mon choix et c'est d'ailleurs grâce à mon père que j'ai démarré.
Cine Tele Revue : Dans quelles conditions ?
Travis Fine : Un an après, il me réveille un jour à cinq heures du matin. Il venait d'entendre à la radio que le théâtre d'Atlanta cherchait des enfants pour une pièce et passait des auditions. J'y suis allé et j'ai décroché le rôle. Je suis resté dans la troupe de 7 à 14 ans, devenant uns sorte de petite star locale. D'Atlanta, je suis allé à Minneapolis, toujours pour le théâtre, et enfin, à 15 ans, je me suis retrouvé ici où on m'avait proposé de jouer dans des spots publicitaires. C'est à cette époque que j'ai voulu changer de direction. Tout d'un coup, devenir acteur n'était plus ce qui m'intéressait, je voulais alors devenir joueur de football professionnel. Pendant 5 ans, ce fut mon but dans la vie.
Cine Tele Revue : Comment êtes-vous arrivé à faire partie de "L'Equipée du Poney Express" ?
Travis Fine : A 19 ans, et au collège, tout a basculé à nouveau : "Je serai acteur ou rien !", ai-je hurlé avant de claquer la porte. Cette année-là fut très dure. J'étais tout seul, vivant dans un petit appartement sale, jonglant avec deux jobs à la fois, un en tant que grouillot dans une station de télévision, l'autre dans un restaurant pour desservir les tables tout en passant des auditions dès que je le pouvais. Et puis, il y eut des auditions pour "L'Equipée du Poney Express". Les producteurs me firent d'abord auditionner pour le rôle de Stephen (Baldwin) mais après avoir lu le script, j'ai tout fait pour avoir Ike. J'ai auditionné en improvisant des signes, en montrant une photo de moi le crâne rasé du temps où je jouais au football, une photo de moi à cheval en Georgie pour leur certifier que je pouvais monter. J'aurais fait n'importe quoi pour le décrocher. A croire que ma persévérance a marché. A 20 ans, je devenais Ike.
Cine Tele Revue : Jouer un personnage muet et chauve, c'était tout à coup un grand saut dans l'inconnu ?
Travis Fine : Ce fut surtout du point de vue d'un acteur un exercice fantastique. Je devais tout faire passer sans dire un mot et sans jouer de mon physique non plus. Au fil des années (L'Equipée du Poney Express a duré trois saisons), mon personnage est devenu de plus en plus fort, mais à la fin, j'aurais voulu qu'il retrouve la parole. Les producteurs s'y sont toujours refusés et c'est en partie à cause de ça que je suis parti avant l'arrêt du feuilleton et qu'ils ont tué mon personnage peu de temps avant. Bien que profondément enrichissant, Ike devenait limité. Je n'étais plus qu'un faire-valoir. J'aurais voulu aller au-delà, qu'il tue l'assassin de ses parents et que l'on assiste au processus de recouvrement de la parole.
Cine Tele Revue : Qu'avez-vous fait pour vous préparer au rôle ?
Travis Fine : J'ai d'abord beaucoup lu de livres sur l'époque et l'épopée du Poney Express, et puis, j'ai appris à parler par signes, tout seul avec des livres. Il m'est arrivé de me tromper durant une scène ou deux mais le réalisateur ne voulait jamais recommencer. "Qui s'en apercevra ?" disait-il ! Moi, je savais que de nombreux handicapés me regardaient. J'ai d'ailleurs reçu alors pas mal de courrier de personnes handicapées. Je leur devais bien cela.
Cine Tele Revue : Depuis, vous avez prêté votre concours à des organismes pour les handicapés ?
Travis Fine : Pendant le feuilleton, je me suis beaucoup occupé d'enfants dont les mères sont droguées ou victimes du SIDA, des enfants qui n'ont pas le choix. Beaucoup sont condamnés. Je suis allé fréquemment à Miami et à Atlanta où ma mère est très active au sein des associations, à Hollywood aussi en compagnie de Gregg Rainwater pour les enfants handicapés. C'est vrai que jouer un tel personnage vous fait reconnaître une réalité que les gens dits normaux refusent de voir.
Cine Tele Revue : Pour vous, quelle est la qualité la plus importante ?
Travis Fine : L'intégrité. Je tiens ce principe de ma famille qui m'a très vite appris le respect des autres et l'honnêteté.
Cine Tele Revue : Ce que vous détestez le plus ?
Travis Fine : L'insolence. Il y a beaucoup d'agressivité dans cette ville et il est très facile de devenir insolent, c'est à dire perdre le respect des autres.
Cine Tele Revue : Y a-t-il un rôle que vous refuseriez si on vous le proposait ?
Travis Fine : Oui, un personnage du genre "Wayne's world", complètement débile, ignare et fier de l'être avec qui, malheureusement, pas mal de jeunes s'identifient. Ce sont des personnages dangereux qu'il faut éviter.
Cine Tele Revue : Quels sont vos acteurs favoris, vos modèles ?
Travis Fine : Je suis fasciné depuis mon enfance par Montgomery Clift. Il a toujours été mon idole. Un acteur d'une beauté surprenante mais qui n'en a jamais tiré parti. Il a toujours tout misé sur les émotions qu'il porte à fleur de peau. Quant aux acteurs contemporains, j'ai deux modèles : Robert Duvall et Gene Hackman. Tout ce qu'ils font est merveilleux. Ils démontrent une extraordinaire continuité dans la qualité du jeu quoi qu'ils fassent.
Cine Tele Revue : Vous avez été confronté à d'autres stars pendant le trounage de "l'Equipée du Poney Express"?
Travis Fine : David Carradine et David Soul furent effectivement "guest stars". J'ai toujours beaucoup aimé David Carradine, surtout dans "Kung Fu". Mais le voir la plupart du temps ivre m'a profondément déçu et attristé. Quant à David Soul, il m'a pris un jour en photo et je ne pouvais m'empêcher de penser "Hutch me prend en photo! Hutch me prend en photo !" Il n'aimait pas tellement que je l'appelle Hutch d'ailleurs !
Cine Tele Revue : Vous travaillez actuellement sur un projet qui vous tient particulièrement à coeur...
Travis Fine : C'est l'autre raison d'ailleurs pour laquelle j'ai quitté "l'Equipée du Poney Express". J'ai écrit il y a quelques temps un scénario intitulé "One eye Jack and the Lord of the sea" qui est actuellement en cours de pré-production. Cette idée m'est venue alors que je descendais en voilier de Los Angeles au Mexique avec un ami. L'histoire de pirates que j'avais alors imaginée s'est transformée avec le temps. Tout se passe maintenant dans la mer des Caraibes en 1929, époque des derniers boucaniers. J'aurai également un rôle. Nous voulons engager Anthony Hopkins pour celui de "One eye Jack". C'est mon grand projet que je porte à bout de bras.
Cine Tele Revue : Comment vous voyez-vous à l'avenir ?
Travis Fine : Toute modestie mise à part, comme le prochain Kenneth Brannagh ou Tim Robbins ! Ecrire, jouer, mettre en scène et produire. Voilà comment je me vois ! Jessica voudrait se lancer dans la chanson et je l'aide également en ce moment à percer. Nous venons de finir une maquette d'album où elle chante des classiques de Sinatra, Billie Holliday, Cole Porter... Le monde de la musique est tout nouveau pour moi, encore plus fou que le cinéma !
Cine Tele Revue : Quels sont vos passe-temps favoris ?
Travis Fine : J'adore le golf et voyager bien que j'aie horreur de l'avion. Je suis paniqué et il faut que Jessica soit là pour me tenir la main pendant tout le vol. C'est un très gros handicap pour moi. Pour me déplacer, j'essaie toujours les alternatives : la voiture, le train... tout pour éviter l'avion !
Cine Tele Revue : Si vous avez des enfants, aimeriez-vous qu'ils fassent le même métier que vous ?
Travis Fine : Quand j'aurai des enfants -car nous en voulons-, je ne les arrêterai jamais dans leurs ambitions. Je les préviendrai simplement que le métier d'acteur est l'un des plus difficiles... mais aussi un des plus beaux !

Source: Cine Tele Revue n° 43 du 28 octobre 1993
Journaliste: Roderick Barrand

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